Compte rendu de la 32e Journée du CPCT-Marseille
Le vendredi 5 juin 2015, le CPC Marseille-Aubagne invitait Christine De Georges, à l’occasion de son 32e Rendez-vous clinique[1], sur le thème « Victimes et victimisation », en préparation du congrès de l’EuroFédération de psychanalyse, Pipol 7, Victime ! Trois consultantes du CPCT ont exposé des textes cliniques vifs pour illustrer ce thème[2].
Hervé Castanet, qui présidait la conversation, donne très vite le ton de la journée : si la psychanalyse a quelque chose à dire du thème choisi, ce n’est pas au titre des effets de captation imaginaire de ce S1 collectif. Ce n’est pas non plus pour faire la critique d’un usage, ou en dénier la réalité. La victime n’existe pas, néanmoins la clinique dévoile « des victimes de… », au cas par cas. La victime ne peut pas être responsable de la mauvaise rencontre, mais le sujet, lui, est toujours responsable de ce qu’il fait, de ce qui lui arrive. Comme l’a lancé Christine De Georges pour ramasser les échanges de la journée dans une conclusion qui a fait trace : « Victime, non ! Sujet, oui ! »
Les Journées du CPCT sont toujours l’occasion d’attraper un signifiant du champ social pour le mettre en tension avec le discours analytique et son traitement du « cas ». La casuistique serait alors à saisir à partir de son étymon « casus » : le cas est ce qui tombe, en l’occurrence, ce qui tombe du sens commun, pour rendre saillant l’expérience singulière. Le cas est ce qui choit de l’inertie du monde pour se marquer de l’événement, ici de l’événement subjectif. Par ces remarques, H. Castanet a donné l’orientation éthique du discours analytique comme morsure de la jouissance sur le langage et rappelé la visée des exposés qui suivront : cerner la part du sujet dans ce qui se jouit.
C. De Georges a extrait du cas qu’elle a exposé une thèse forte qui sera le fil conducteur de l’après-midi : « Le statut de victime implique un fading du sujet ». Nous sommes tous « victime du savoir de l’Autre qui nous détermine », au sens où s’exerce une nomination désubjectivante sur chaque parlêtre. La production d’un fantasme est ce qui permet de faire avec l’Autre. Toutefois, « l’après-coup traumatique efface le sujet derrière une expérience irreprésentable ». Si la victime met en jeu le « narcissisme suprême de la cause perdue », le sujet, quant à lui, peut trouver dans l’adresse à l’analyste à se dégager de ce signifiant-maître.
Les trois exposés qui suivront, assortis des commentaires de C. De Georges, reprendront les grands axes de son exposé.
À partir des concepts « d’après-coup » et de « pulsion de mort », la thématique « victime » s’articule à la notion de « traumatisme ». Les temps logiques de ce qui fera l’identification à la victime se déplient comme une prise dans les signifiants de l’Autre au temps deux, de ce qui a fait irruption au temps un pour qu’un symptôme se fasse jour au temps trois. Autrement dit, le traumatisme ne se révèle tel qu’à partir de ce que les signifiants de l’Autre y dévoilent, après-coup, l’inassimilable de ce qui avait fait mauvaise rencontre. Dévoilant ce que la position d’objet recèle de jouissance, s’en déduit que la position de victime implique le sacrifice de son désir.
Les échanges avec C. De Georges lors de cette après-midi de travail auront permis d’élaborer un outil : définir la victimisation comme un procès de désubjectivation. D’être « victime », le sujet s’efface comme « objet de la volonté de l’Autre ». La psychanalyse permet de dégager le sujet de son statut réel de victime en reconstruisant le fantasme dont il pourra jouer. De a sur S barré où il se trouve ravalé sous son statut d’objet, l’identification du sujet au semblant d’objet petit a, actualisé dans la forme pronominale « se faire victime de », ravivera un sujet responsable de ce dont il n’est pas coupable.
[1] Cette après-midi a été préparée par Françoise Haccoun et Patrick Roux, psychanalystes et membres de l’ECF.
[2] Françoise Denan, Graziella Gabrielli et Jennifer Lepesqueur.