J’ai le plaisir de faire encore un tour dans « L’étourdit », cette fois-ci avec Philippe La Sagna qui donne un enseignement sur cet écrit formidable au local de l’ECF à Paris. Tout en étant à Buenos Aires, je peux l’entendre sans pour autant le voir, les yeux fermés donc, grâce à Radio Lacan qui en donne les trois premières séances.
Milena Busquets dit dans son dernier livre récemment paru, También esto pasará que le contraire de la mort, ce n’est pas la vie, mais le sexe[1]. S’il s’agit dans une analyse de gagner du terrain sur la jouissance comme en Hollande sur la mer – avec le plus de vie qui en résulte, allons voir ce que dit Lacan dans cet écrit, qui comme Ph. La Sagna le laisse entendre joliment dans un lapsus, est un sexe – soit un texte sur le sexe.
Dans la première séance, Ph. La Sagna se consacre à distinguer le dit du dire en prenant appui sur un énoncé de Lacan: « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend »[2]. L’existence et le réel en tant qu’impossible viennent déloger la prépotence de l’être et de la vérité. Si celle-ci suppose de prendre la réalité comme référence de ce qui se dit, l’équivoque clive l’universel en prenant le discours lui-même comme référence. Il n’y a pas de rapport entre le S1 et le S2. Ceci est manifeste dans l’équivoque.
Dans la deuxième séance, j’entends se répéter avec insistance la proposition d’Aristote reprise par Lacan : « Tous les hommes sont mortels ». En effet, la mort est au rendez-vous avec l’universel, la tautologie, l’être et la vérité, voire le discours du maître.
Enfin, lors de la troisième séance, le récit commence à danser – Ph. La Sagna fait un autre lapsus amusant disant « résidence » pour « réticence ». Il nous rappelle que les droites paralèlles ne se rencontrent jamais tout en se consacrant à différencier « langage » du « discours » : « Quand on ordonne un langage en discours, la nouveauté qui apparaît est qu’on produit des impossibilités. Il n’y a rien d’impossible au langage. Il y a par contre l’impossible à dire. » D’autre part, des implications cliniques sont évoquées en amenant le bien couper : « La coupure s’oriente sur l’objet. Il faut faire attention à ce qui se dit mais surtout à ce qui se jouit », affirme-t-il, et cela m’évoque la phrase de Lacan où il dit « l’objet dont s’(a)nime la coupure qu’elle permet par là : c’est l’objet (a) pour l’appeler du sigle que je lui affecte. »[3]
La distinction entre le discours du maître et le discours de l’analyste s’éclaircit dans ces cours. Ph. La Sagna la reprend sous plusieurs angles. Ainsi, du « Tous les hommes sont mortels », – voire mortelles puisque Lacan répondrait que dans le « tous » elles sont mortes. Quant à Busquets, je lui dirais après ce nouveau tour que si elles entretiennent des rapports avec le divin, la vie c’est de leur faire une place une par une dans le dirun car il n’y a pas de rapport sexuel.
[1] Busquets M., También esto pasará, Anagrama, Barcelona, 2015, p. 29.
[2] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Seuil, Paris, 2001, p. 449.
[3] Ibid., p. 489.