PIPOL 7, le 3e congrès européen de psychanalyse des 4 et 5 juillet dernier à Bruxelles s’est tenu aux avant-postes de l’actualité.
Le samedi 4 juillet 2015, les cas cliniques.
Un improbable nous a été enseigné : un mois dans une des pires geôles terroristes peut s’avérer être « nothing compared with my daily torture » : celle, pour ce sujet, d’être un « mauvais fils » et un « mauvais » croyant. Qui l’eut crû, à l’exception d’un psychanalyste ?[1]
On a tenu pour fou un migrant qui, une fois obtenu son autorisation de séjour en France, a rejeté toute aide sociale : l’analyste, elle, s’y est refusée. Car la pratique d’un psychanalyste se règle en effet sur un indicible, pure folie pour certains.[2]
J’ai eu le bonheur d’aller écouter trois heures et demi durant l’après-midi nos collègues italiens sans m’ennuyer une seule seconde.
Une femme refuse d’être la victime molestata d’un homme, c’est-à-dire l’objet de sa jouissance. Et pour cela… elle le maltraite ! À sa façon, par sms… Il faut ajouter que cet homme fait jouir une autre femme.[3]
Il existe des jouissances violentes (godimenti violenti), celles qui ne transigent rien avec l’Autre. Une patiente les ramasse dans cette formule : « Ho bisogno (j’ai besoin) dell’attenzione, ma non ho bisogno dell’ Altro »[4].
Des parents d’origine étrangère voulurent à toute force intégrer leur fils dans la culture du pays qui les accueillit autrefois, y compris en donnant à leur enfant un prénom issu de cette culture. Mais voilà : le dit enfant, devenu adulte, victime de ce choix, souffre.
Il souffre de ce « qu’il y a quelque chose de non intégrable »[5].
Une femme obèse se fait « oggetto di… », c’est-à-dire victime de tous les mauvais traitements possibles, jusqu’au plus dégradants et dangereux.
L’analyste, elle, ne cherche pas à lui faire perdre des kilos. Car elle a repéré deux choses :
1/ être « objet de… » signifie en fait qu’il n’y a pas d’Autre qui vaille pour elle – n’importe lequel, y compris le plus odieux, fera l’affaire – et donc un soggetto senza posto ;
2/ à défaut de fantasme, l’obésité est une tentative pour fixer de la jouissance.
Bien que se faisant elle-même « maltraiter » d’une certaine manière par la patiente (qui cherche ainsi à ouvrir une faille dans l’Autre), l’analyste maintient coûte que coûte l’offre de parole, tentative de poser une limite.[6]
Face à un point de réel se manifestant par une irruption d’angoisse, une femme parvient, en s’appuyant sur l’analyste, à construire une conjoncture – celle d’un enfant dont on se sépare – pour encadrer symboliquement ce surgissement insupportable. Cette construction n’est pas une simple théorie isolée, mais une invention avec laquelle elle relit (e) toute son histoire.[7]
Alors : Agressionne, perscuzione ou masochismo ?
Massimo Termini nous propose une boussole pour s’y retrouver dans cette déclinaison des positions de la victime : quelle est la certezza (certitude) du sujet dans chaque cas ? Et donc : quelle est notre marge de manœuvre pour travailler à chaque fois ?
Ben detto.
Grazie mille !
Pierre Bismuth, En suivant la main gauche de Jacques Lacan – L’âme et l’inconscient, vidéo (ici capture d’écran), 2010, 04:59, dvd, courtesy de l’artiste. Vidéo qu’on a pu voir dans le hall du Square, avec trois autres oeuvres de P. Bismuth, pendant les deux journées PIPOL 7. Exposition dûe à notre collègue Marc Segers qui en a été le commissaire et l’actif « galeriste ». On lira ou relira son texte paru sur Pipolnews, en amont du congrès, http://www.pipolnews.eu/galeries/les-oeuvres-de-pierre-bismuth-exposees-au-congres-pipol/
Carole Ebtinger, Lignes, 2014. Cette oeuvre de C. Ebtinger, avec trois autres grands formats, faisait face à celles de P. Bistmuth dans le hall du Square. C. Ebtinger est élève de l’Ecole supérieure des Arts visuels La Cambre à Bruxelles. Nous devons cette « moitié » d’exposition à l’artiste, bien sûr, et à l’intérêt de Juliette de Halleux pour son travail.
[1] Evgeni Genchev (Sofia-Ville), Torture as a subjective Experience.
[2] Edwige Shaki (Paris), De l’exil subi à l’inscription choisie.
[3] Pasquale Indulgenza (Emilia Romagna), Non basta mai.
[4] Giuseppe Pozzi, La malignità animale del padre e la semplicità dell’animale.
[5] Arianna D’Ambrosio (Lazio), In fondo, come dirlo ?
[6] Giulana Capannelli (Marche), Anna e il corpo come « oggetto di… ».
[7] Luigi Colombo (Lumbardia), Caso di Agnese.