Philippe La Sagna et Rodolphe Adam proposent, à partir du lundi 8 décembre, et ce jusqu’en juin, un séminaire d’étude sur le texte des Écrits « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine », un rendez-vous par mois, à Bordeaux, rue du Hâ.
1958 est une année cruciale dans l’histoire de la psychanalyse. C’est l’année où Jones, président honoraire de l’IPA, meurt et c’est l’année où Lacan écrit plusieurs de ses textes fondamentaux : « La direction de la cure », « La signification du phallus » et « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine ». C’est ce dernier texte précurseur que nous mettrons à l’étude cette année ; sa brièveté nous permettra de revenir sur les données du « débat des années trente » sur la question de la féminité. Nous examinerons donc les textes de Deutsch, Horney, Klein et quelques autres. Ainsi que ceux qui firent matière au Congrès d’Amsterdam, en 1960, congrès dont le texte de Lacan était l’argument, et qui sont pour la plupart réunis dans la revue La psychanalyse n° 7. Il y a là des textes de Jones, Winnicott, mais aussi de Dolto, Granoff et Perrier. Lacan brise la glace où se trouvait prise, dans la psychanalyse, la question féminine. Et ce à une époque où la vie sexuelle des femmes, depuis, entre autres, Beauvoir et Kinsey, à la veille des années cinquante, faisait irruption dans la culture, juste avant Betty Friedan et sa « Femme mystifiée ». Mad men et Masters of sex nous donnent aujourd’hui une idée de l’atmosphère générale des relations des humains au sexe à cette époque. Loin du « phallocentrisme », dont il sera parfois taxé par la seconde vague du féminisme, après 68, Lacan dans ce texte, dix ans avant l’émergence du womens’lib en France, pose une femme comme hétéros. Autre pour elle-même, et donc, déjà au-delà du phallus. Ce texte préfigure les avancées futures sur la sexuation quantique que nous avions examinées lors de la lecture de « L’étourdit ».
En 1970, Lacan dans le « Liminaire » de Scilicet 2/3, évoquant un travail de Montrelay, pouvait dire que le problème de la sexualité était « resté bloqué depuis que Jones en eut fait pièce à Freud »[1].
Mais le Congrès d’Amsterdam précède aussi l’excommunication de Lacan, ce qui lui fait dire dans ce même texte : « Non sans que m’en revienne l’écho nostalgique de ce qu’un certain congrès d’Amsterdam pour quoi j’avais proposé ce sujet, y ait préféré de prendre le vent d’un fâcheux retour au bercail. »[2] Lacan, faisant pièce à une doctrine de la frustration maternelle comme alpha et oméga des complexes, mettait en avant la sexualité féminine à l’orée des sixties pour mieux penser les avatars du désir en général, celui de la mère y compris. Mais au-delà, la sexualité féminine pose surtout la question mystérieuse des rapports du corps et de la jouissance avec la parole, avec ce qui se dit et ne se dit pas.
[1] Lacan J., « Liminaire », Scilicet 2/3, Paris, Seuil, 1970, p. 6.
[2] Ibid.