Les questions relatives au temps dans notre milieu ont concerné davantage la séance courte, sa justification, que la cure brève. Au CPCT, le temps est compté à l’avance et cela a des conséquences. L’angoisse et l’urgence subjective sont peu propices au tournage en rond.
Or, si le temps de l’horloge est le même pour tous, le temps d’élaboration et de cogitation du sujet, lui, dépend de la satisfaction qu’il tire de son symptôme. Le moment où celle-ci peut vaciller tient d’un impossible à calculer. Y a-t-il lieu de l’anticiper, voire de la provoquer, de sorte qu’elle lui soit révélée en 16 séances ? Y a-t-il un acte analytique susceptible d’accélérer ce temps pour comprendre ?
Nombre d’objections pourraient être faites à cette stratégie. À supposer que le sujet vienne pour comprendre, son temps d’élaboration est ce qu’il y a de plus subjectif ; est-ce le temps de l’inconscient qui est singulier et nécessairement propre à chacun ?
Mais, comme Jacques-Alain Miller le fait valoir dans son article sur l’« érotique du temps », l’expérience analytique contredit la thèse d’un inconscient éternisé, inusable. Pour cela, il faut distinguer le temps de l’inconscient du temps de l’expérience[1]. Le temps ne doit pas être considéré à l’image d’une ligne infinie. Le propre de l’expérience analytique, c’est que le mode passé du temps est actualisé par la présence de l’analyste. La tension entre transfert et temps remet en cause le postulat d’un temps incompressible. Dire que l’inconscient est pulsation temporelle, veut dire qu’il s’ouvre ou se ferme selon les modalités du transfert.
Ainsi, un effet de précipitation est à la discrétion du praticien. Le temps de l’inconscient n’est pas autonome par rapport à l’acte analytique, que celui-ci soit de l’ordre de la scansion ou de l’interprétation. Au CPCT, le praticien favorise cette précipitation en évitant de perdre du temps sur des questions secondaires, anecdotiques, mais en focalisant le discours sur un symptôme particulier considéré comme l’os sur quoi bute la singularité du sujet : on n’encourage pas une plainte qui se répète, inchangée pendant seize séances ; les sujets sont invités à changer de disque. Cette fonction de la hâte amène le consultant à ne pas trop jouer au secrétaire dont le rôle se limiterait à l’écoute. Au contraire, certaines interventions paraissent même intempestives, c’est-à-dire à contretemps ; elles relèvent d’un pari pris sur le temps et sur les possibilités du sujet à les recevoir.
À cet égard, j’ai parlé d’un raccourcissement du temps pour comprendre au CPCT. Cela impliquerait un bricolage du temps logique, un déplacement de la fonction de la hâte vers le temps pour comprendre, alors que c’est avec « la hâte à conclure »[2] que le concept est à la bonne place. C’est donc un coup de force. La fonction de la hâte au CPCT peut se justifier du fait même d’un transfert à l’institution. Comme si celle-ci n’avait pas à attendre les moments d’ouverture ou de fermeture de l’inconscient transférentiel, comme si on pouvait s’autoriser d’emblée à surprendre l’inertie du sujet, jusqu’à, selon les cas, « déranger la défense »[3].
L’Hebdo-Blog vous propose ce flash tiré de l’intervention de S. Cottet lors du 2e Rendez-vous clinique du CPCT-Paris samedi 9 avril 2016, Un traitement qui compte, consacré au temps pour comprendre. Cette intervention de S. Cottet intitulée « Faut-il raccourcir le temps pour comprendre ? » sera publiée prochainement dans son intégralité. Par ailleurs, ce cycle sur le temps se clôturera le samedi 11 juin 2016 par un troisième Rendez-vous clinique – Comment ça s’arrête ? – qui portera sur le moment de conclure.
[1] Miller J.-A., « Introduction à l’érotique du temps », La Cause freudienne, no 56, op. cit., p.77.
[2] Cf. Lacan J. : « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée » & « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, coll. Champ freudien, 1966, p. 197-213 & 324.
[3] Cf. notamment Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’expérience du réel dans la cure analytique », enseignement prononcé dans le cadre du Département de psychanalyse de l’université Paris VIII, inédit.