Faut-il envisager un nouveau mode d’être du psychanalyste ? Dans le titre qui nous réunira le samedi 3 février, on entend qu’en effet la figure du psychanalyste change et même qu’elle peut être multiple. Qu’elle change est en adéquation avec ce qui se passe dans notre monde et qui se répercute sur les divans.
C’est d’ailleurs de là que tout est parti. En effet, c’est la parole inquiète de certains analysants prêts à quitter la France si Marine Le Pen était élue, qui a fait « instant de voir » pour Jacques-Alain Miller. Cet aperçu sur cette possibilité, jusque-là remisée au fond du tiroir de l’impossible, a provoqué une action : la mise en place des SCALP à Paris et dans toute la France.
Que nous enseigne ce préambule ? Que le désir de l’analyste est arrimé au politique. Que la politique s’entend dans les analyses car tout discours en est traversé, qu’on le sache ou pas. Disons qu’elle s’entend quotidiennement dans la façon dont chacun se débrouille avec le discours du maître.
Le temps deux a été le temps pour comprendre de JAM. Il a été très court parce que l’instant de voir a eu un effet d’évidence, – qu’en effet si Marine le Pen devenait présidente, alors…
Du coup, le temps deux a pris la forme d’un « c’est ça ».
C’est en quoi on peut parler d’événement de passe de l’Ecole comme JAM l’indique lors de son cours du 24 juin dernier.(1) C’est le temps trois. Cette passe de l’École nous oblige à réfléchir aux conséquences de ce nouveau champ ouvert où la politique peut être interprétée par les psychanalystes, parce qu’elle est un fait de discours d’une part, et aussi parce que défendre la psychanalyse consiste à défendre la liberté de parler.
Pourquoi la passe de l’École-sujet me concerne ?
Dans la seconde version de la Proposition du 9 octobre 1967, Lacan indique ceci : « […] conformément à la topologie du plan projectif, c’est à l’horizon même de la psychanalyse en extension, que se noue le cercle intérieur que nous traçons comme béance de la psychanalyse en intention. Cet horizon, je voudrais le centrer de trois points de fuite perspectifs […] ».(2)
Lacan avance trois facticités, premièrement, l’Œdipe (Symbolique), deuxièmement, l’organisation du pouvoir dans les groupes et les sociétés (Imaginaire) et la troisième facticité (Réel) dont il dit :
« La troisième facticité, réelle, trop réelle, assez réelle pour que le réel soit plus bégueule à le promouvoir que la langue, c’est ce que rend parlable le terme du : camp de concentration, sur lequel il nous semble que nos penseurs, à vaguer de l’humanisme à la terreur ne se sont pas assez concentrés. »
Si la politique m’engage, c’est à partir de cette troisième facticité, dont le récent débat sur la publication des écrits antisémites de Céline ne fait que relancer la question de savoir si ce réel peut être lu comme objet littéraire ou rejeté comme objet a, déchet de l’horreur, horreur de ce qu’il transmet, l’immonde d’une époque qui, justement, fait retour.
1 Miller J.-A., « Le point de capiton », La cause du désir, n°97, Paris, Navarin, novembre 2017, p.193.
2 Lacan J., « Seconde version de la proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Scilicet, Paris, Champ Freudien, Seuil, n° 1, 1er trimestre 1968, pp. 14-30.