Voilà un an qu’en tant que vice-présidente de l’ECF, vous avez la responsabilité de l’ACF désormais Une. Pouvez-vous nous dire quelles sont les orientations prioritaires de cette dernière ?
Conformément aux statuts de l’ACF, que nous appelons aussi « nationale » depuis la réforme de l’année 2019, il s’agit d’une association ayant pour visée de rendre présente l’ECF dans les régions. À cette fin, les délégations de l’ACF participent à la préparation des grands événements de l’École. Et, au premier chef, aux Journées de celle-ci.
Ainsi, au cours de l’année 2024, j’ai apprécié la vitalité et l’engagement des membres de l’ACF vers les J54 en m’impliquant dans l’organisation de soirées préparatoires, lesquelles ont eu lieu en visioconférence avant l’été. L’enjeu était de taille dans la mesure où les membres des délégations ainsi conviés ont été parmi les premiers à présenter des exposés théoriques et des vignettes cliniques sur le thème des phrases marquantes. Ceci, en respectant la consigne donnée par Lilia Mahjoub, directrice des J54, de ne pas faire « les Journées avant les Journées ». De mon point de vue, le sérieux et la surprise ont été au rendez-vous, livrant aux organisateurs des Journées de précieux aperçus sur la façon dont ce thème allait se décliner. Ce premier objectif de représentation de l’ECF dans les régions est concret : il ne s’agit pas d’une idée abstraite ou d’un vœu pieu. En outre, un grand nombre de membres de l’ACF a participé aux Journées le moment venu, aidant à l’organisation et l’accueil du public ou présentant un cas clinique aux simultanées.
L’ACF a d’abord été définie comme un lieu, pluralisé dans les régions, d’« étude de la psychanalyse ». Est-ce sa seule fonction ?
Je crois avoir répondu en partie à cette question, mais j’ajouterai avoir été frappée par la diversité de style de chaque délégation où j’ai eu l’occasion et la chance de me rendre cette année. Certaines mettent l’accent sur l’étude de l’actualité psychanalytique par le biais d’un séminaire théorique interne, quand d’autres développent plus particulièrement des activités de connexion sous la forme d’échanges avec des acteurs de la vie culturelle et scientifique en région (librairies, théâtres, cinémas, musées, universités…). S’appuyant notamment sur le travail d’élaboration provoquée en cartel, les délégations conjuguent ces deux aspects : la lecture attentive à plusieurs et le dialogue indispensable avec d’autres discours.
La diffusion de la psychanalyse d’orientation lacanienne et son rayonnement en région ne serait pas ce qu’elle est sans cette inscription de l’ACF dans le social. Selon mon expérience récente, l’une des forces de l’ACF est ce tissage subtil et continu entre la psychanalyse et la société.
Par ailleurs, les délégations organisent aussi leur propre journée d’étude ou leur colloque, mobilisant le travail et l’investissement des membres de l’ACF sur une thématique qui est souvent en phase avec le malaise de la civilisation et son traitement par la psychanalyse d’orientation lacanienne.
L’enjeu de la cure et de sa terminaison relèvent de l’École. On parle pourtant parfois, au sein de l’ACF, de clinique aussi. Quel statut y prend cette dernière ?
Je dirai que l’étude de la psychanalyse est un appui. C’est non seulement une boussole clinique qui permet de s’y retrouver lorsqu’on est confronté à ceux qui souffrent, c’est aussi une respiration, une véritable bouffée d’oxygène lorsqu’on travaille en institution. En s’appuyant sur la psychanalyse et son étude, chacun peut résister à l’idéologie du tout neuro et du tout biologique.
En ce sens, l’ACF est un lieu vivant d’échanges où la psychanalyse se conjugue au présent : lire et déchiffrer à plusieurs plutôt que seul dans son coin ; réfléchir collectivement à la façon de maintenir un dialogue possible, voire fécond, avec des praticiens qui ne connaissent pas l’enseignement de Freud et de Lacan ; considérer ensemble le symptôme dans sa valeur de nouage plutôt que comme trouble à éradiquer. En psychanalyse, il n’y a pas de clinique sans théorie. Certes, cela nécessite des efforts et de la persévérance, mais l’histoire de la psychanalyse le montre : subvertir le discours du maître ne se fait pas sans désir ni transfert de travail.
Lacan estimait qu’il convient de partir de l’essentiel : qu’est-ce que la technique analytique, à quoi s’applique-t-elle et de quel ordre sont ses effets. En conséquence, l’étude de la psychanalyse n’est pas séparable de la prise en considération des effets du signifiant sur le corps parlant. Pour se servir d’un instrument, il faut aussi savoir comment il est fait, disait encore Lacan. Eh bien, il me semble que l’ACF y contribue activement.
Questions posées par Hervé Castanet