Il a été souligné que le contrôle n’est pas obligatoire dans l’ECF et le Champ freudien. [1] C’est en effet un point tout à fait décisif : le contrôle, chez nous, est un contrôle désiré. Même s’il est encouragé par l’institution, le fait qu’il ne soit pas obligatoire comme serait le paiement de cotisation de membre, fait une sérieuse différence. J’ai souvent entendu la remarque de collègues d’Amérique latine d’un certain âge disant que la pratique du contrôle n’a pas là-bas la rigueur qu’elle a en France. Il est même d’autres Écoles européennes où les anciens se plaignent que le contrôle soit très occasionnel.
Le fait que ce ne soit pas obligatoire, est pour nous un héritage de la dérégulation pratiquée par Lacan au moment de fonder l’École freudienne de Paris. Contrairement aux sociétés qui procèdent de l’Association internationale créée par Freud, nous n’avons pas de listes de didacticiens et pratiquons l’auto-autorisation, la simple autorisation de l’analyste. Dans les sociétés de l’IPA, et Freud ne procédait pas autrement, c’est l’institution qui vous donne le permis de conduire une cure psychanalytique à proprement parler. Si mon souvenir est bon, dans la Société psychanalytique de Paris, il faut que vous soyez contrôlés pendant un certain nombre d’années par des contrôleurs différents qui font un rapport ad hoc. Voilà quelle était la situation quand Lacan a dérégulé la pratique analytique. Depuis lors, nous avons un contrôle désiré. C’est vraiment propre au procédé de Lacan. Sans cela, la question même de savoir pourquoi suivre un contrôle ne se poserait même pas. La réponse serait : je suis en contrôle parce que c’est obligatoire.
Deuxième remarque, à propos de la position du contrôleur et de la remarque de Lacan évoquée par Omaïra Meseguer dans la première séquence : Lacan parlait des jeunes analystes comme des rhinocéros parce qu’ils avaient toujours raison. Bien qu’elle ne concerne que les jeunes analystes, cette remarque témoigne d’une position que Lacan a tenue non seulement dans le contrôle mais aussi dans sa pratique institutionnelle, et même dans ses rapports avec les gens, soit de laisser chacun aller jusqu’au bout de là où il veut aller. Si vous faites objection, c’est vous qui semblez être la cause de son échec. Laissez-le découvrir son échec tout seul, ne venez pas couvrir l’échec d’une position mal embouchée en venant, vous, dire non. Il me semble donc que son idée, c’est que l’expérience est la plus enseignante, et qu’il faut en payer le prix. Il faut que le sujet subisse certains ratages, ait certaines bosses, il en sera d’autant plus enseigné pour la suite. Cela implique que le contrôleur ne pratique pas un contrôle essentiellement inhibiteur, mais aussi permissif.
Au-delà de ça, le plus grand danger pour le contrôleur dans le contrôle est de s’installer dans la position de représentant du principe de réalité. C’est la même chose pour l’analyste. Cela dit, il y a un dosage à faire entre le contrôle inhibiteur et le contrôle permissif, mais en donnant tout de même la préférence à la permission sur l’inhibition.
Troisièmement, la cure est ce qu’il y a de plus intime pour le sujet, ça fait vraiment partie de sa vie privée. Chez nous, on ne la déclare pas à l’institution, alors que lorsque qu’il y des listes de didacticiens, on déclare à l’institution qu’on entre en analyse. Cela étant, c’est rattrapé au moment de la passe pendant lequel on pratique une supervision de la cure, du moins lorsqu’elle est supposée se conclure, ou qu’il y a une chance qu’elle soit conclue.
Pour le contrôle, c’est aussi privé, on ne le déclare pas à l’institution contrairement à l’IPA. Il me semble néanmoins qu’à un moment de la même façon que l’institution rattrape la cure, elle doit rattraper le contrôle. Il y a une instance présente pour cela, la Commission de la garantie. Simplement, elle l’avait oublié en effectuant des nominations sans recenser les contrôles au nom du fait que le contrôle serait tout à fait privé. Et bien je crois que la Commission de la garantie devrait s’assurer que le contrôle a été fait, et je pense que l’on peut en tirer une leçon pour les prochaines Questions d’École. Je proposerais qu’il y ait l’année prochaine une séquence pour les membres de la Commission de la passe et une autre pour les membres de la commission de la Garantie, c’est-à-dire pour la supervision de la passe et pour celle du contrôle.
[1] Intervention lors de Journée Question d’École du 8 février 2014, sous le titre « Les usages du contrôle ». Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Non revu par lui.