Dès la première Journée de l’Institut de l’Enfant-UPJL, en 2011, nous avons sollicité pour nos affiches et autre matériel, grâce à Gaëlle Prosperi notre graphiste, des dessinateurs (trices) de bandes dessinées formé(e)s à l’EESI (École européenne supérieure de l’image) d’Angoulême. Cette année, Natacha Sicaud a bien voulu s’affronter à ce challenge d’illustrer notre thème « Interpréter l’enfant ». C’est elle qui, après quelques essais, nous a proposé un « visuel » basé sur le jeu du taquin : voilà qui nous allait comme un gant ! Et nous sommes partis sur cette idée, avec l’appoint d’une petite girafe, bien sûr, et de quelques monstres qui passaient par là.
Le jeu du taquin est une référence qui revient à plusieurs reprises dans l’enseignement de Lacan. Il est bien fait, avec sa « case vide », pour donner sur la place du manque dans la structure psychique une perspective dynamique. La production de cette place est en effet un enjeu majeur pour que le sujet-infans trouve à se loger : la case vide lui fait accueil, mais accueil mouvant, tel le train du petit Hans qui risque de l’embarquer. C’est ici la place du désir qui fait du sujet un sujet toujours déplacé. Cette extraction du sujet est l’un des enjeux de l’interprétation dans la cure avec un enfant : c’est une des fonctions que Jacques-Alain Miller lui assigne dans son texte d’orientation de la Journée.
Mais par ailleurs, la petite girafe et les petits monstres sont là pour rappeler que cette place est à tout moment disputée par les objets qui se bousculent pour jouer leur partie – objets partiels et partiaux qui n’en font qu’à leur tête ! Là, plus question de la sécurité d’une place symbolique, même itinérante, c’est la bousculade, chacun veut des miettes du gâteau… et c’est en imposteur qu’apparaîtra qui voudrait y mettre de l’ordre. Une voie s’ébauche pourtant : que le sujet vienne soutenir sa position face à ces bouts de jouissance. Se faire boulotter, se faire chier, se faire jeter, se faire voir, se faire entendre : toutes occurrences de la pulsion à monter sur la scène des cures d’enfants, autant d’occasions à saisir par l’analyste pour accompagner ptitom dans ces tours et ces détours. Trois petits tours, ou plus, et l’objet se détache pour aller se faire façonner ailleurs, créant ici un lieu vide qui pourra se nouer au manque du sujet qui parle.
Très tôt, avec Mélanie Klein, avec Anna Freud également, le jeu de l’enfant est apparu comme l’effectuation de la somme de ces deux processus – distribution des places, insurrection des objets – donnant déjà l’idée très précise d’un inconscient « en acte ». Lacan lui aussi interprète l’enfant dans son commentaire du rêve de la petite Anna Freud, qui noue ensemble l’objet marqué par l’interdit de l’Autre – « flan, fraise, grosse fraise » – et le sujet Anna pris dans la série. Nous en prenons de la graine pour saisir comment c’est l’initiative de l’analyste qui fait exister cet inconscient pour l’enfant. Interpréter l’enfant, nous pouvons donc ici l’entendre comme le pas dans l’inconnu que fait un analyste pour susciter chez un enfant un goût pour l’effet de castration inclus dans la série des signifiants pris au sérieux et un appétit nouveau pour le plus-de-jouir, le sien, reste de l’objet pulsionnel perdu.
Qu’est-ce qui l’y autorise ? Rien d’autre que ce qu’il sait du symptôme, de par son analyse : étrange chimère faite de signifiants en souffrance et de jouissance en peine d’être perdue, valeur sûre « qui n’attend pas l’âge des années » !
Ce jour-là, le 21 mars 2015, des invités viendront converser avec nous sur ce que l’enfant du siècle peut attendre d’un analyste, des collègues feront part de moments-clefs où, dans une cure, ça interprète ; d’autres encore mettront en valeur les initiatives qui, soudain, permettent à un intervenant d’entendre ce que dit un enfant ou à un enfant d’expérimenter d’autres usages du monde, des autres, et fondamentalement de la langue et de la lettre.
La Journée, comme les précédentes, se construit à partir des propositions que la commission d’organisation reçoit[1]. Work in progress autour du Comité d’initiative de l’Institut de l’Enfant et de Claudine Valette-Damase, Laurent Dupont et Bruno de Halleux, responsables de la Journée.
[1] Les propositions d’interventions sont attendues pour le 22 décembre au plus tard. 5000 signes, espaces compris. Tous les renseignements sont sur le blog : http://jie2015.wordpress.com