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Du quotidien faire événement

L'enthousiasme que la nouvelle équipe de l'Hebdo Blog ressent, à l'heure de s'engager dans une si belle aventure éditoriale, ne peut qu'être tempéré par le contexte dans lequel nous nous mettons à la tâche.

De telles circonstances engagent, et, dans le droit fil de l'acte posé dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 par la Présidente de l'École de la Cause Freudienne, l'annulation des 45e Journées, obligent à un réglage du discours tout autant qu'à un assèchement de l'émotion comme du fantasme. Passées la stupeur et la paralysie signifiante qui clôt les bouches et suspend les plumes, le temps est cependant venu de prendre la mesure de ce que nous avons vécu, de ce qui nous attend, et des multiples remaniements que le trou creusé par cette irruption des « événements » va entraîner.

C'est pourquoi nous avons choisi, pour ce premier numéro de l'année 2016, de faire une large place aux voix qui s'élèvent dans l'après-coup : vous pourrez y lire les mots de Patricia Bosquin-Caroz, qui revient sur la façon dont elle a, comme présidente de l'ECF, assumé sa responsabilité, c'est-à-dire engagé sa parole tout autant que, plusieurs semaines après, son corps. Vous découvrirez également, dans le texte de Cécile Bultez-Germain, comment la cérémonie théâtrale, au cours d'une adaptation du Prométhée enchaîné d'Eschyle le soir du 17 novembre, rallume l'étincelle du feu du désir, au-delà de l'espérance.

Autant de phrases qui témoignent du fait que notre désir de faire savoir n'est pas près de se tarir. À l'orée de cette nouvelle année, et à la suite de Stella Harrison et de toute son équipe, que nous remercions chaleureusement pour son travail et son accompagnement dans ce moment de transition, nous vous adressons donc un vœu tout à fait spécial. Que ces colonnes soient un des lieux de recueil privilégié de cet élan, et que les écrits de chacun de ceux qui œuvrent à ce que, jour après jour, nos ACF et CPCT soient des lieux vivants et vibrants de l'éthique qui est la nôtre, puissent trouver à s'y loger : la mise en bouche de Pascale Fari sur la prochaine journée du CPCT Paris l'inaugure de belle manière.

Mais encore que le travail minutieux, ces travaux et ces jours dont fourmillent chacune des régions qui tissent le réseau de notre École, puisse résonner ici pour étendre l'empan de sa chambre d'écho : nous veillerons attentivement à ce que l'Hebdo Blog suive, anticipe et prépare les débats qui occupent jour après jour les membres, dans un souci renouvelé pour la façon dont les ACF sont tournées vers le public, dans leur dialogue avec les institutions, avec les artistes et tous ceux qui sont attentifs à la clinique des discours dans la cité. Afin que notre et votre quotidien atteigne la dimension non des « événements » dans leur obscure répétition, mais de l'événement, avec sa puissance de surprise et sa force d'ouverture, sa capacité à donner à voir les choses autrement. Ou comment du quotidien faire événement.

Virginie Leblanc.

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Post-trauma

En 2015, Paris fut consécutivement frappé par des attentats meurtriers : en janvier, alors que les membres de l'École de la Cause freudienne (ECF) et de l’Association de la Cause freudienne (ACF) s’apprêtaient à se réunir pour la Journée Question d’École ; en novembre, au moment où près de 3500 participants se rendaient aux 45es Journées de l’ECF.

Patricia Bosquin-Caroz était alors présidente de l'ECF, fonction qu'elle a exercée jusqu'à la fin décembre 2015.

HB — Comment, en tant que présidente de l’ECF, avez-vous été concernée par ces attentats ?

Patricia Bosquin-Caroz — Après les premiers attentats à Charlie Hebdo et à la supérette Hyper Cacher, invitant chacun, plus que jamais, à se rendre à la Journée Question d’École, j’avais rappelé dans un court texte un énoncé de Lacan extrait de son Séminaire XI : « Aucune praxis plus que l’analyse n’est orientée vers ce qui, au cœur de l’expérience, est le noyau du réel. »[1] Cette citation me semblait en parfaite adéquation avec le moment que l’École traversait, planchant sur des questions relatives à la formation de l’analyste tandis que ses membres étaient encore sous le choc des récents événements tragiques.

HB C’est en 1964, en fondant son École, que Jacques Lacan introduisait les psychanalystes à l’abord du réel…

PBC — En effet, Lacan s’adressait à ceux qui reprochaient à la psychanalyse un certain idéalisme l’amenant à réduire l’expérience à une ontologie des tendances, sorte de donné primitif relatif à la condition du sujet. Lacan n’acceptait pas une telle conception rabaissant la psychanalyse à un programme déterminé par avance, fût-il inconscient. Il distinguait radicalement le réel de la réalité et signalait que celui-ci ne se rencontre qu’au-delà de l’automaton de la chaîne signifiante, ce qu’il traduisait par rencontre du réel.

Lacan nous a ainsi appris à reconnaître la grimace du réel dans le surgissement de l’événement traumatique, de la mauvaise rencontre, inassimilable, qui brise le déroulement routinier de notre activité. Les attentats perpétrés en janvier, puis en novembre, à Paris ont été de cette teneur. L’opinion s’est réveillée comme d’un cauchemar, bouleversée, ahurie, traumatisée. Le choc ! Il fallut le temps que l’homéostase subjectivante régissant le système de la réalité se remette en route. Dans ces moments, on tente de reconstruire la réalité comme après un mauvais rêve. Parler, lire, écrire y participent. Mais le corps est aussi de la partie. C’est comme s’il fallait en reconstituer l’unité, l'enveloppe, alors que les médias ne diffusent que des images fragmentées. C’est pour cela, me semble-t-il, que l’on éprouve cette nécessité de se rassembler ou de marcher ensemble comme un seul homme.

HB — Par deux fois, votre Directoire et vous-mêmes avez eu à décider comment répondre au nom de l’ECF à des actes terroristes qui ont traumatisé la France entière et la décision que vous avez prise a été chaque fois différente…

PBC — Après les attentats des 7 et 9 janvier, en effet, le temps qui nous séparait de la date de la Journée Question d’École, le 24 janvier, nous fut propice. Le principe de plaisir retrouvait tous les jours un peu plus ses lettres de noblesse, recouvrant déjà la fugace rencontre avec le réel. Les instances de l’École retombèrent peu à peu sur leurs pieds. Le temps pour comprendre s’était remis en marche et nous étions vraiment décidés à réunir les membres de l’ECF et des ACF autour des « Problèmes cruciaux » de la psychanalyse pure, orientée par le réel singulier de chacun, syntone avec l’époque actuelle.

Vendredi 13 novembre, nous sortions de l’Assemblée générale annuelle des membres de l’École quand nous apprîmes la nouvelle des attentats. On attendait pour le lendemain un afflux record pour nos Journées annuelles, qui avaient demandé un travail militant intense d’un grand nombre de membres de l’ECF et des ACF. Cela se présentait certes comme des journées de travail, mais aussi comme une fête, dont toutes les lumières se sont éteintes en une seule nuit.

Tout autre fut le tempo. Fini le temps pour comprendre et décider en conséquence. L’instant de voir et le moment de conclure se télescopaient[2]. Nous étions obligés d’agir vite. La décision de ne pas tenir nos Journées des 14 et 15 novembre fut prise en quelques heures seulement. Sécurité oblige, certes, mais il fallut surtout rapidement prendre acte que la fête qui n’avait pas encore commencé était déjà terminée et écrire très vite une série de communiqués. Le premier, samedi, à 2h30 du matin, annonçait que les J45 ne pourraient pas se tenir comme prévu – l’équipe d’accueil était alors déjà sur le pont. D’autres communiqués suivirent.

C’était comme s’arracher à dire quelque chose quand le silence s’imposait et que l’on aurait préféré se taire. Pourtant, il était urgent de parler, de s’adresser à tous ceux que nous avions entraînés dans notre sillon pour préparer les 45e Journées, à chacun qui était sur le point de nous rejoindre le lendemain du carnage pour plancher avec l’École sur le thème : « Faire couple. Liaisons inconscientes ». Dire et en même temps faire silence sur le point intime violemment percuté, taire toute résonance fantasmatique que les événements traumatiques provoquaient. Tracer un bord autour du trou, autour de ce qui nous laissait sans voix.

Telle fut l’action du Directoire de l’École qui, un week-end durant, ne quitta pas les lieux où les 45e devaient se produire.

HB— La décision de ne pas tenir les Journées a été reçue avec tristesse, mais comme étant juste, eu égard aux circonstances. Et depuis ?

PBC — Agir encore et sans répit. Poursuivre et œuvrer pour l’École, regarder devant nous, vers le prochain Congrès de l’AMP à Rio, la Journée FIPA à Bordeaux, Question d’École tout bientôt à Paris... Aller vers 2016. Ne pas se retourner devenait notre devise tacite. Certes, les Journées annuelles de l’ECF de 2015 n’avaient pu avoir lieu, mais comment oser s’en plaindre au moment où des familles endeuillées, pour qui allait toute notre compassion, subissaient les conséquences subjectives de pertes irrémédiables ?

HB — Comment avez-vous vécu l’après-coup de ces moments ?

PBC Un mois plus tard, le week-end des 12 et 13 décembre, Christiane Alberti, directrice des Journées et vice-présidente de l’ECF (présidente à l’heure où ces lignes paraîtront), et moi étions invitées à Barcelone, par nos collègues Anna Aromi et Santiago Castellanos[3], aux XIVe Journées de l’ELP dont le  thème était : « Crisis ». Une tribune me fut offerte pour dire quelques mots sur les événements de Paris et leurs conséquences pour l’École.

Je considère aujourd’hui qu’il s’agit d’un heureux déplacement, car c’est sur une Autre scène, celle d’une autre École, dans le cadre particulier de l’EuroFédération de Psychanalyse, que la vérité du trauma put enfin s’exprimer. Là, à Barcelone, je me retournai pour regarder. À ce moment, ce ne sont pas les mots qui vinrent à mon secours, mais les larmes qui prenaient leur place, de façon absolument disruptive, signe dans le corps qu’un réel avait été en jeu et que le sinthome avait parlé au-delà d’un sens possible à attribuer à la violence de l’événement. Là, après coup, je pris réellement la mesure, que oui, l’École avait perdu quelque chose : les Journées 45 et avec elles, un lieu inédit d’énonciation spécialement marqué depuis quelques années par une  façon joyeuse de faire exister la psychanalyse grâce à l’impulsion de Christiane Alberti, leur directrice, et à l’orientation de Jacques-Alain Miller.

C’est à Barcelone, que j’(a)ppris, que la terreur fait taire.

Au regard de ce silence qui lui fut imposé, l'École aura désormais à en tirer les conséquences et penser aux modalités de rassemblement des corps parlants, nécessaires à l'existence même du discours analytique.

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris Seuil, coll. Champ Freudien, 1973, p. 53.

[2] Lacan, J.,  « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », Écrits, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1966, p. 197 & sq.

[3] Anna Aromi est directrice des journées de l'ELP « Crisis » et Santiago Castillanos, président de l' ELP.

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« À ce projet, personne ne s’opposait » : Réinventer le feu prométhéen

Ce soir est particulier. C’est celui où, quelques jours après ce que la presse appellera « les événements » – et qu’il faudra bien finir par nommer – les théâtres de Paris réouvrent.

Ce 17 novembre 2015, l’Envers de Paris et le collectif « Psychanalyse et théâtre » inaugurent le premier débat de leur programme autour de la pièce d’Alexis Armengol et de Marc Blanchet, À ce projet personne ne s’opposait, une adaptation libre du Prométhée Enchaîné d’Eschyle. Le titre sonne comme une interprétation. Pourtant, lors du débat la question ne sera qu’esquissée, les auteurs acteurs et spectateurs s’accordant implicitement sur l’ouverture que le projet théâtral leur a inspiré. Qu’avons-nous fait ce soir là que de construire du lien, de commencer, par le biais de la parole, que ce soit celle entendue ou celle échangée lors de la rencontre qui a suivi, à commencer de construire un bord au trou qui venait de s’accomplir ?

« Les mythes n’ont pas de vie par eux-mêmes. Ils attendent que nous les incarnions [1]» écrivait Albert Camus en 1946 dans un monde de cendres à un peuple contraint au recommencement, peu de temps après d’autres « événements », prenant lui aussi appui sur Prométhée pour faire renaître le feu, rappeler que le désir peut prendre son point d’origine dans la rébellion et que celle-ci est à maintenir.

Fils de Prométhée, mais aussi de Pandore, Alexis Armengol tente à son tour d’emmener cette « douloureuse et noble image du Rebelle [2] » qui dit l’origine de l’humain, sa grandeur et son manque, à la lorgnette du XXIe siècle. Les dieux sont bel et bien « des bandits » mais leur loi se dévoile dans son insuffisance et l’éthique s’offre comme une nouvelle parade à leur méfaits.

Le point de départ, c’est un lieu qui s’appelle « nulle part » où s’accomplit le supplice d’un Prométhée obstiné, rendu contemporain du simple fait d’avoir offert le feu « gratis » aux hommes. À cela, les auteurs joignent une femme, celle qui n’existe pas, Pandore, qui lâche les fléaux sur l’humanité, manipulée par une Force-pouvoir dont le projet reste de « pourrir l’humanité ». Dès le premier mouvement, l’auteur use du truchement que permettent l’adaptation et la réécriture pour percer le texte original de la langue d’autres insurgés. Des bribes du Discours de la Servitude volontaire ressurgissent par la voix de Prométhée, tandis que Marc Blanchet fait résumer les fléaux de la boîte d’obéissance par le  Malaise dans la civilisation.

La bifurcation a lieu à la fin du premier mouvement lors que Prométhée, Io, Pandore décident d’explorer l’espérance contenue dans la boîte, tout en la libérant. Au second mouvement, l’humanité a capitulé à l’amour du chef, l’espérance s’est finalement révélée être pour elle un fléau, en ce sens où elle a mis les hommes dans l’attente et donc dans la résignation. Les hérauts de ce monde nouveau, qui se nomment eux-mêmes des « sentinelles », ont remplacé les héros antiques, l’enthousiasme s’est substitué à l’espérance. Pour les personnages il s’agit de réinventer le feu, de recommencer l’Histoire au point d’avant la ruse et le larcin, de revenir à la phusis par l’éthique.

Dans cette perspective il s’échinent à faire « œuvre commune » en diffusant ceux qui ont été, de poser des questions en s’autorisant à ce qu’elles soient bêtes et plus encore de laisser des traces de questions, de transmettre, pour guider, pour interpeller, pour faire souvenir à l’avenir que si un seul ne suffit pas maintenant, peut-être suffira-t-il plus tard et qu’« une étincelle suffit à rallumer le feu ».

L’esquisse de ce désir qui fait avec – et malgré – la forclusion des référents, de la tradition, du religieux en sachant que « les fruits de l’attique (...) ne seront plus jamais, ou ils seront pour d'autres [3]» affiché par les personnages trouble d’autant plus qu’il se mêle à un enthousiasme qui s’apparente à une forme d’angélisme, de candeur. D’autre part, la jouissance de parole, quasi compulsive, qui envahit les personnages n’est pas sans rappeler « l’émoi de mai [4] » et que « la vérité du sujet [est toujours] en deçà ou au-delà du collectif [5] ».

 À ce projet aurait pu en rester là et proposer l’alternative usée de la jouissance collective post 68, le contexte s’y prêtait. Au contraire, derrière ce qui se dit, apparaît la nécessité d’une renonciation pulsionnelle invoquée par Freud dans son article sur La possession du feu, rappelée à point nommé par Serge Cottet, invité de la rencontre.

Faire fi de l’espérance, de la foi(re) collective ne veut pas dire, comme le montrent les sentinelles d’A. Armengol, sombrer dans le désespoir. Et à cet endroit, le metteur en scène fait mouche. Cette quasi absence d’espérance ouvre au contraire sur une exigence joyeuse qui se noue au désir. Elle permet de faire lien autour d’une position éthique et lucide. Elle permet Autre chose. « C'est ici que Prométhée rentre à nouveau dans notre siècle [6] ».

[1] Albert Camus, Prométhée aux enfers, 1946.

[2] Albert Camus, L’Homme révolté, 1951, p. 45

[3] Victor Hugo, La légende des siècles, v. 204, Paris, NRF, Poésie/Gallimard, 2002, p. 65.

[4] Albert Camus, Prométhée aux enfers, 1946.

[5] Jacques Lacan, D’un Autre à l’autre, Séminaire XVI, 1968.

[6] Jacques Sédat, « Lacan et Mai 68 », Figures de la psychanalyse 2/2009 (n° 18) , p. 221-226.

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L’instant de voir n’est pas un phénomène perceptif

Trois questions à Pascale Fari sur les prochains rendez-vous cliniques du CPCT-Paris

 Hebdo Blog : Cette année, les Rendez-vous cliniques du CPCT-Paris mettent au travail la question du temps. Pourquoi ce thème ?

Pascale Fari : Plus que jamais, le temps fait symptôme. Les situations d’urgence pullulent. La jouissance s’affole tandis que nous courons toujours plus au-delà de l’épuisement. D’autre part, le rêve d’éternité a la dent dure – on passe son temps à rêver et on se réveille trop tard. Pas sans la complicité active de la jouissance, capable d’inventer les scénarios les plus improbables au service de la répétition ; c’est en ce sens que Freud disait que l’inconscient ignore le temps.

Lacan nous a donné des outils très puissants pour débrouiller ce qui fait symptôme entre urgence et inertie. Il a réintroduit dans l’expérience analytique le temps comme variable subjective essentielle.

HB : Samedi prochain, ce premier rendez-vous porte sur « l’instant de voir ». S’agit-il d’un insight, où tout d’un coup le sujet est saisi par ce qui n’apparaissait pas jusque-là ?

PF : L’insight est un terme psychologique qui désigne ce moment où une question, un problème change soudain de configuration, c’est le passage d’une forme perceptive à une autre. Dans une psychanalyse, souligne Jacques-Alain Miller, l’insight est ce moment de révélation où, en un éclair, se dévoile une vérité cachée, un savoir insu. C’est ce que Lacan nomme « l’instant de voir ». Mais il s’agit d’un temps logique : ce qui change brusquement, c’est la configuration signifiante en jeu pour le sujet. L’instant de voir opère une torsion par rapport au concept d’insight ; ce n’est pas un phénomène perceptif.

HB : La première rencontre avec un analyste, est-ce un instant de voir ?

PF : Le sujet vient dire son embarras, son insupportable, son idée de ce qui ne tourne pas rond. Accueillant cette construction, l’analyste s’intéresse à ce qu’elle a d’unique. Quels signifiants se détachent ? Par quoi le sujet est-il affecté ? Faisant résonner certains énoncés, mettant l’accent sur tel ou tel point, ponctuant la séance, l’analyste interprète ce qui lui est présenté en paroles et en actes. Là se joue la rencontre. Ce qui était en souffrance apparaît soudain comme une évidence. À partir de cette coupure, les choses s’ordonnent et se déplient autrement. L’instant de voir n’est pas un problème d’appréhension perceptive, ni le rassemblement cognitif d’éléments épars, il résulte d’un acte. Nous pourrons en débattre et en apprécier les finesses avec les quatre cas présentés samedi – dont celui de Fabian Fajnwaks, AE de l’ECF. Philippe Lacadée animera cet après-midi, avant de le ponctuer par un exposé de son cru. Un moment à ne pas manquer !

Rendez-vous cliniques du CPCT-Paris « L’instant de voir » : samedi 16 janvier 2016 de 14 h à 18 h (cpct-paris.fr/actu.php)

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