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Marie n’a pas dit son dernier mot !

Être mère sur L'Hebdo-Blog, DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DES JOURNÉES : C'est avec une longue liste non exhaustive de mères, « typifiées » pour la circonstance, – la mère soumise, la mère méfiante, la mère poule, la mère déprimée, la mère rigide, la mère folle, la mère angoissée, la mère aimante… – que le Cartel Dossier a invité les membres du comité de pilotage et du comité scientifique des Journées 44 à nous parler des mères, d'une mère, d'être mère. Semaine après semaine, vous découvrirez la façon dont chacun, chacune s'est saisi de cette proposition. Une série de tableaux hétéroclites et surprenants donneront au lecteur un aperçu de ce grand work in progress autour de la question « Être mère ».

« Le XXIe siècle sera religieux, ou ne sera pas », c’est ce qui a été retenu de la fameuse prédiction d’André Malraux, là où l’on sait qu’il a plus exactement dit « Le XXIe siècle sera mystique, ou ne sera pas ». Cependant, on n’a pas attendu notre époque pour avoir recours à ce que Philippe Sollers appelle la PSA, Procréation Spirituellement Assistée qui a donné naissance au fils de Dieu. Damien Guyonnet nous livre ici une réflexion qui illustre cette orientation et il est tout à fait passionnant de lire ce texte à la lumière de notre hyper modernité.

Récemment, le pape François annonçait devant un parterre de prêtres et de séminaristes : « Si on n’a pas une belle relation avec la Vierge, on a quelque chose d’orphelin dans son cœur »[1]. Pourquoi ce rappel urgent et nécessaire au culte rendu à Marie, déclaration d’amour qu’on aurait tôt fait de juger dépassée ? Et si, contre toute attente, le pape François était finalement très moderne ? Alors, Vierge Marie, mères du XXIe siècle, même combat ?

Une disjonction, deux constats

Si nous nous interrogeons sur l’articulation entre maternité et sexualité, telle qu’elle se présente au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, deux temps logiques semblent repérables. Avec la légalisation de la pilule en 1967 et la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse, pour la première fois en France, une disjonction s’opère entre maternité et sexualité. Il est dorénavant possible pour une femme d’avoir une sexualité sans risque de maternité. Cette disjonction, nous la retrouvons également dans la logique de la procréation médicalement assistée (PMA), cette fois-ci de manière inversée : il est désormais possible de devenir mère sans sexualité.

Cette disjonction reprend, dans une certaine mesure, celle qui peut être effective entre la mère et la femme. Disons que cette dernière apparaît clairement maintenant, là où auparavant le statut de mère recouvrait largement celui de femme.

Retour sur Marie

Cette disjonction maternité/sexualité, versant « maternité sans sexualité », est également présente dans le récit de la naissance de Jésus, ce que nous rappelle la doctrine de la Conception Virginale (CV) selon laquelle Marie conçut le Christ par l’intervention du Saint-Esprit en restant vierge, ainsi que le dogme de l’Immaculée Conception (IM)[2] rappelant que Marie a été préservée du péché originel[3]. Ainsi enfants de la science, enfants de Marie, même combat, à la différence près, et de taille, que désormais, les analyses médicales et la diffusion des résultats sur internet ont supplanté l’ange Gabriel quant à l’annonce d’une possible maternité ! Ainsi, la CV et l’IM préfigurent en quelque sorte la PMA. Il n’y a pas besoin de rapport sexuel pour avoir un bébé. C’est désormais à deux instances que l’individu peut vouer une admiration toujours plus grande : la médecine présente au sein même de ses organes de reproduction, et la Sainte vierge logée au fond de son cœur.

Mystérieuse Sainte Anne

Cette dernière est représentée dans le célèbre tableau de Léonard de Vinci, La vierge, l’Enfant Jésus et Sainte Anne, exposé au musée du Louvre. Sont réunis dans une même scène la grand-mère, la mère et le fils, ainsi que l’agneau christique. Trois personnages donc, pour trois générations, avec cette particularité que les deux personnages féminins semblent étrangement n’en former qu’un dans une sorte de dédoublement. Autre division concernant Marie : elle est à la fois mère de Jésus de Nazareth et mère de Dieu (la Theotokos en grec, la Déipare en latin) ; « Sainte Marie, mère de Dieu,… », énonce la prière. Dès lors, comme le note Philippe Sollers : « du féminin engendre du féminin lequel engendre son principe causal… »[4]. Et nous pouvons étendre encore davantage la liste des enfantements de Marie, comme nous l’indique le Chant XXXIII du Paradis de Dante : « Vierge mère, fille de ton fils, humble et haute plus que créature, terme arrêté d’un éternel conseil […] »[5]. Et Sollers de conclure alors en toute logique : « C’est une proposition d’inceste réussi. »[6] Bref, nous l’aurons compris, tout cela reste miraculeux, échappant irrémédiablement à la science.

Vers une autre disjonction

Qu’aucune preuve n’existe des différents enfantements de Marie, de celle que nous osons définir, avec l’autorisation du Saint-Père, comme résolument moderne, est très enseignant pour nous. En effet, lorsque la maternité se passe de sexualité, plus rien n’est sûr. D’où le recours, concernant Marie, à la croyance, ainsi qu’au dogme. Pour toutes les autres mères, celles de la science, précisément celles qui ont recours à la gestation pour autrui (GPA), a lieu dès lors une petite révolution, comme le note Jacques-Alain Miller : puisque devenue incertaine, la maternité passe alors au statut de fiction légale, fiction qui, auparavant, était assignée au père[7].

C’est finalement à une dernière disjonction que nous parvenons, révélée là encore par Marie, celle existant entre « maternité » et « être mère ». Avec la GPA, la question de la maternité, autrefois associée à une réalité biologique, change de statut. On peut accéder au statut de mère sans avoir porté l’enfant, une sorte de déni inversé en somme, laissant apparaître finalement qu’« être mère » relève autant, voire plus, d’une fonction, que d’une réalité matérielle. Reste à celle souhaitant l’incarner à devenir en quelque sorte un modèle de cette fonction.

[1] Cf. l’article d’Élisabeth de Baudoüin « Pape François : Si tu ne veux pas de Marie comme mère, tu l’auras comme belle-mère !» (disponible sur internet). [2] Proclamé par Pie IX le 8 décembre 1854 (bulle Ineffabilis Deus). [3] Nous savons par contre que la question de sa virginité perpétuelle prête quant à elle à discussion. [4] Sollers P., Le Saint-Âne, Paris, Verdier, 2004, p. 27. [5] Dante, La Divine Comédie/Le Paradis (trad. Jacqueline Risset), Paris, GF-Flammarion, 1990, p. 307. [6] Sollers P., op. cit., p. 35. [7] Cf. Jacques-Alain Miller lors du second Parlement d’UFORCA à Montpellier en mai 2011, inédit.

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La première frappe et le premier geste

La première frappe et le premier geste

Les médias nous en informent, l’amiante continue à faire des victimes. Si Aurélien Bomy nous livre ici le témoignage de sa rencontre avec l’une d’entre elles, ce n’est pas dans le registre de la victimisation qu’il nous présente ce sujet : à l’approche de la mort, c’est aussi dans sa position de père que ce dernier est touché. L’acte de l’analyste lui permet de s’en apercevoir, ainsi que de la répétition comme mode de transmission de père à fils.

 

« […] la Prägung – ce terme emporte avec lui des résonances de frappe, frappe d’une monnaie – la Prägung de l’événement traumatique originatif. […] Disons que la Prägung n’a pas été intégrée au système verbalisé du sujet, qu’elle n’est même pas montée à la verbalisation, et même pas, on peut le dire, à la signification »[1].

Prime à la mort

M. B. est atteint d’un cancer lié à l’amiante, reconnu maladie professionnelle. Suite à une indemnisation qui mobilise le signifiant Père, se pose la question de la transmission de cette « prime à la mort ». Sa femme désespère du débat conflictuel qu’il a avec elle et son fils concernant l’éducation des petits-enfants et du refus qu’il oppose aux traitements. Il juge préférable de ne vivre que quelques mois plutôt que de vivre plus longtemps mais diminué. C’est dans ce contexte de grande tension entre eux qu’elle l’emmène consulter.

La transmission de cette prime qui le tue littéralement, ne prend pas forme de dette. Il doit s’en débarrasser. Il veut que ses petits-enfants en bénéficient, mais qu’ils en fassent usage dans « la ligne » : une droiture féroce qu’il tient de son père militaire. Déçu par son fils, en conflit avec lui au sujet des petits-enfants et redoutant que sa femme ne fasse « passer ça avec des étrangers », il ne peut faire confiance en leur « mauvais jugement ».

Pardon et excuse

M. B. garde toujours raison. Je prends le parti de ne pas argumenter avec lui, mais plutôt de conforter ses positions et de m’intéresser à la précision des mots qu’il emploie. J’interroge par exemple la différence qu’il fait entre pardon et excuse. M. B. cherche « une clé, une formule » car il est toujours « le bouc émissaire ». Se décrivant « emmerdeur, plieur de cheveux en quatre, pour protéger la famille », M. B. est certain de son « jugement sain » et se sait aussi exigeant avec son entourage qu’avec lui-même. Il se plaint d’être encore obligé de « les » éduquer et envisage de faire placer sa femme sous tutelle. « Je ne peux pardonner ou excuser tant que le sujet n’est pas réglé ». S’il ne peut accepter le pardon qui implique un Autre en supériorité, l’excuse est plus tolérable, puisqu’elle peut s’adresser à l’autre sur un pied d’égalité.

La ligne

S’employant à une « transmission éducative de la ligne », M. B. est ralenti dans ce qu’il a à régler avant de mourir à cause des « mauvaises interprétations » qu’il rencontre. Il m’apporte les textes choisis pour la cérémonie. L’important est de « ne pas être oublié ».

Je lui demande s’il a connu l’oubli. Il s’effondre en larmes et parle de son placement, de quatre à sept ans, chez ses grands-parents, de son père qui « a fait » l’Algérie. Il révèle l’aveu que quelque chose le hante à propos de son père : « Les fois où je pourrais douter, il faut que ça se règle. Il est impossible qu’il ait fait des tortures. Faut pas que ça s’écarte de la ligne pour être en sécurité, pour que les choses ne glissent pas. Trouver la juste valeur des mots. Il y a des pensées qui sont présentes dans le monde, envahissantes : ‟Combien de temps il reste ?” Ça empêche les préparatifs ». Ainsi, la ligne se confond avec le père tourmenteur ; un réel perceptible est omniprésent dans les séances. À partir de ce moment, M. B. pleure un peu à chaque rencontre. Il se redresse aussitôt pour retrouver sa posture combattive. Les mots affectent son corps vivant produisant un relâchement de l’extrême tension dans laquelle il se trouve.

La frappe

M. B. veut enregistrer une séance pour prouver que je conforte ses positions. Je refuse de cautionner qu’il entre, à son initiative, dans une mise en doute de sa parole. Il s’est passé quelque chose qu’il essaie, agité et dans un flot de parole ininterrompu, de me restituer en détail, menant une véritable enquête sur « le geste premier » pour établir la seule vérité : la sienne. Il veut prouver l’injustifiable d’avoir été frappé dans le dos par sa femme, « comme un gamin ». Il a senti une douleur. « Quand on me tape, je rends toujours », dit-il. Ainsi il a frappé sa femme qui dément avoir porté un premier coup et « a allumé le feu » en appelant les enfants. « Vous êtes frappé », lui dis-je. Cette phrase l’arrête. Je fais l’hypothèse que la vérité qu’il cherche tient au fait qu’à ces moments-là, et de manière générale – par la maladie, des douleurs –, il est frappé par un insupportable qu’il veut éviter.

M. B. commence à témoigner. Enfant, s’il recevait des claques, il avait surtout affaire à la « dissuasion ».

La poursuite de l’enquête conduit à situer le conflit autour de sa volonté de donner de l’argent à un petit-fils pour faire un bon placement. L’indécision de ce dernier ralentit sa démarche. M. B. veut déshériter son fils. Cette radicalisation traduit une urgence : « Faire une transformation de ce qui est subi ».

Transformer le subi

M. B. offre à son frère un livre sur l’Algérie : « Je sais ce que c’est, la guerre ». J’acquiesce : s’il ne l’a pas faite et si son père n’en parlait pas, il l’a vécue en silence par ce qu’il a connu de lui, car quelque chose ne peut pas se dire.

Il se bat dès lors pour transmettre autre chose qu’une éducation qui inculque ; la seule qu’il ait connue par laquelle on ne peut que subir et se taire pour survivre. Il prend des libertés par rapport à la ligne et se bat pour la vie. Quelque chose s’apaise. Souvent essoufflé, il m’informe de l’évolution de sa maladie qui n’a « aucune incidence sur le moral ». Douloureux, il accepte la morphine.

Son fils est plus distant. Sans se voir pendant plusieurs mois, ils échangent des sms. Si les premiers sont presque insultants, le dernier est poétique et très touchant. Au bout de quelque temps, les contacts reprennent, et il participe à des achats pour ses petites-filles.

Il tente d’« arrondir les angles », de ne pas dire les choses « comme un réquisitoire », mais plutôt « du bout des lèvres. Toute vérité n’est pas bonne à dire. Voilà une bonne clé ! »

[1] Lacan. J., Le Séminaire, livre I, Les écrits techniques de Freud, Seuil, Paris, 1975, p. 214.

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L’Hebdo-Blog s’entretient avec Pierre Naveau

Avec Ce qui de la rencontre s'écrit[1], Pierre Naveau nous rappelle que la rencontre entre un homme et une femme est cette « pliure » où une marque de jouissance s'écrit. Il fait valoir que la psychanalyse soutient « une éthique de la rencontre » où « l'amour prend son élan à partir d'un impossible ». Avec les écrivains auxquels il se réfère, P. Naveau démontre qu'entre la jouissance de l'Un du masculin et la jouissance infinie du féminin, entre la contingence d'un réel de jouissance et les mots de l'Autre, il y a cette « pointe de l'instant » capable d'ouvrir un « accès à un savoir insu et, par là-même, inédit ». Ce livre, à l'époque où la science met en formule tout ce qu'elle touche, est précieux.

 
Pierre Naveau présentera son livre à l’ECF ce mardi 2 octobre prochain, lors de la première Soirée de la Bibliothèque de cette rentrée.
 

L’Hebdo-Blog – Selon vous, la marque d’une « authentique et franche pliure de son être » (p. 17), au-delà de la rencontre traumatique qui fait la cassure, la fracture, l’effraction, est-elle ce « bouleversement de l’économie de la jouissance » capable de durer ?

Pierre Naveau – Un bouleversement, s’il en est un, ne peut durer. Mais il peut se produire à nouveau, c’est-à-dire maintes et maintes fois. Car l’amour joue avec le hasard. Marivaux le montre : c’est du hasard que l’amour, à chaque fois, tient sa force. Fût-ce du hasard d’un lapsus, d’un acte manqué ou d’un rêve. Ce qui importe, c’est que l’on soit alors surpris.

LH-BComment situez-vous, au regard de « l’éthique de la rencontre » qui tient compte de la contingence, ce qu’il en est de la nécessité du refoulement de cette contingence qui veut croire au rapport sexuel ?

P. N. – Quand, avec insistance, le refoulement substitue à la contingence la nécessité, il se met en travers du chemin de l’amour et provoque alors la cristallisation d’un symptôme. La comédie de l’amour tourne au drame. Le symptôme, c’est, hélas, qu’on ne rit plus guère. Pour que l’on puisse rire, il faut que, comme en témoigne le mot d’esprit, la contingence soit d’une façon ou d’une autre dans le coup. Le danger vient en effet de l’engluement et du sentiment de lourdeur et d’encombrement.

L’H-BAlors que, écrivez-vous, « le fantasme de l’homme est une tentative pour suppléer à l’absence du rapport sexuel », qu’en est-il du fantasme d’une femme et de son incidence quant à l’absence du rapport sexuel ?

P. N. – J’ai cru remarquer que Lacan parle surtout du fantasme de l’homme, dans les filets duquel, à l’occasion, tombe la femme. Elle en devient la captive. Mais il lui est aussi arrivé, en effet, de parler du fantasme de la femme – en particulier du fantasme de l’hystérique qu’il oppose alors à celui de l’obsessionnel. L’hystérique, dans son fantasme, s’identifie au drame de l’amour et cherche ainsi à réparer ce qu’il y a de cassé chez l’Autre. Mais, surtout, Lacan n’a-t-il pas dit, un jour, que ce qui peut arriver de mieux à une femme, c’est qu’elle rencontre un homme qui lui parle selon son fantasme fondamental à elle ? C’est, je crois, quelque chose que l’on ne peut saisir qu’à partir de sa propre expérience.

L’H-BPour J. Lacan, l’hétérosexualité met en jeu aussi bien pour l’homme que pour une femme – « une femme ». C’est ce qui fait de cette femme un symptôme. Pourriez-vous alors nous dire de quel ordre est ce savoir du « tous » auquel un homme s’identifie, alors que ce « tous » n’est pas comptable, dénombrable ?

P. N.– Le tout que vous évoquez renvoie au « savoir » de la commune mesure qui a pour effet que l’homme ne voit alors pas plus loin que le bout de son nez. Rivalité, lutte à mort de pur prestige, passion pour l’exploit, illusion de la possession, etc. Mais, concernant les femmes, votre question attire, en fait, l’attention sur l’écart entre le une et le la. Il faut lire là-dessus le commentaire qu’a fait François Regnault de Partage de midi de Claudel dans un texte intitulé « Claudel : l’amour du poète »[2]. Il y parle notamment du rapport entre Mesa et Ysé et, par là-même, de cet écart.

L’H-BVous écrivez, dans votre texte « Le drame de Septimus et Lucrezia »[3] : « Certes, Clarissa comme Septimus ont pu tomber amoureux. Mais, plutôt que d'amour, il me semble que c'est d'une faillite relative à l'accomplissement de l'amour qu'il s'agit. »[4] Lorsque vous écrivez cela, n’avez-vous pas déjà, en germe, cette thèse forte de votre livre qui soutient que le ratage de l’amour vient de l’oubli de la dimension de la rencontre ?

P. N.– Oui, la faillite relative à l’accomplissement de l’amour est justement ce qui renvoie à la « forclusion » de la dimension de la rencontre. Étrange rencontre que celle de Septimus et de Lucrezia ! Septimus a demandé la main de Lucrezia dans un moment de panique. Il est même précisé par Virginia Woolf qu’à ce moment-là précisément, la peur lui est tombée dessus comme la foudre. Or, à ce moment-là, Virginia Woolf indique que – paradoxalement – he could not feel, il ne sentait rien. C’est le trou originel de l’absence de sens que fait résonner le coup de tonnerre.

L’H-B« L’instant », qui porte tant votre plume, est-il, pour vous, voie royale d'accès au réel ?

P. N. – Oui, l’instant, comme l’a indiqué Kierkegaard, est décisif. L’instant est en effet celui d’un choc, d’un heurt, voire d’un trauma. L’on se cogne alors contre le réel. Et, du coup, la question qui, dès lors, surgit est celle qui se pose à propos des conséquences d’un tel événement. L’instant même de cet événement se produit alors hors fantasme ; il s’en écarte, s’en sépare.

L’H-BVous recentrez la question féminine autour de la rencontre avec le réel du désir de l’Autre. Avec Célia, vous rapportez son symptôme « manger trop/se regarder dans la glace/se faire vomir » à son refus de la jouissance féminine, en tant que cette jouissance est ce que l’Autre ne peut pas lui dire de son être de femme. Refus qui s’entend dans une façon de parler où « il s’agit d’expulser le dit impossible à dire » (p. 57) sans, pour autant, rien pouvoir dire de sa propre jouissance de corps. Pouvez-vous préciser comment la psychanalyse opère dans la cure l’ouverture vers ce que vous nommez « une éthique de l’instant et du bord » (p. 72) ?

P. N. – L’après-coup de cette cure déjà ancienne a montré que la liberté de dire qui a été donnée à Célia au cours de son analyse aura apaisé la férocité de son surmoi et aura conduit à une plus grande souplesse dans les relations entre sa parole et son corps. La coupure effectuée lors de chaque séance – visant, dans son instantanéité même, un bord du corps – y aura aidé.

  [1] Naveau P., Ce qui de la rencontre s’écrit. Études lacaniennes, préface d’Éric Laurent, Paris, Éditions Michèle, Juin 2014. [2] Regnault F., « Claudel : l’amour du poète », Lacan : l'écrit, l'image, sous la direction de l’École de la Cause freudienne, Champs Flammarion poche, Paris, 2000. [3] Naveau P., « Le drame de Septimus et Lucrezia », in Virginia Woolf. L’écriture refuge contre la folie, ouvrage collectif dirigé par Stella Harrison, Paris, Éditions Michèle, 2011, p. 101. [4] Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet, Paris, Seuil, n° 6/7, 1976, p. 16.

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Bord de mère

Un petit livre choc, d’une écriture épurée et poétique, est en prise avec le thème être mère quelle question ! De quoi s’agit-il ? Quelques lignes dans un journal à la rubrique faits divers : Une femme tue ses enfants après leur avoir payé la fête foraine et les frites.

Le caractère terrible de cette phrase saisit Véronique Olmi, dramaturge. De ce surgissement du réel naît une fiction, Bord de mer[1], son premier roman dont la lecture éprouvante bouleverse le lecteur. Le talent de V. Olmi consiste à nous introduire dans l’univers mental de son personnage. Dans ce récit situé après-coup, elle donne la parole à la narratrice, long monologue intérieur d’une femme, mère de deux enfants, qui se clôt dans un hurlement. Alors que la lecture avait déjà créé une inquiétante étrangeté, le lecteur est saisi d’effroi à la fin du récit. La narratrice dont nous ne saurons pas le nom, sera auteur d’un double filicide[2]. Le récit éclaire à minima les coordonnées de son acte. En filigrane, le lecteur pressent le caractère désespéré du voyage qu’elle entreprend.

Elle vit seule avec ses deux enfants, Stan et Kevin (neuf et cinq ans). Pour la première fois, elle les emmène découvrir la mer, elle se l’était juré. Le récit commence quand ils prennent le dernier car du soir. Les enfants sont inquiets de partir en semaine en période scolaire. Il pleut, l’hôtel est minable, il fait froid, l’argent manque, elle a oublié sa « chimie ». C’est une mer déchaînée qui est au rendez-vous, non la belle bleue. Dans la ville, on les regarde, elle perçoit de l’énervement, du dégoût à leur égard. Rien ne va comme elle aurait voulu.

Elle est une femme désorientée, épuisée, sans appui, dont les souvenirs se perdent, excepté la chanson de son père et la ressemblance du père de Kevin avec son propre frère. Envahie par ses monstres intérieurs, par des angoisses qui l’empêchent de dormir la nuit, elle est amenée à dormir le jour avec pour conséquence son retard à la sortie de l’école qui n’est pas sans lui faire éprouver de la honte. Elle n’est pas comme les autres, se faufile dans la vie, se retire chez elle ressentant une hostilité foncière du monde qui l’entoure. Ses seuls liens sont contraints, l’école et le dispensaire.

Au-delà des difficultés sociales, voilà son drame : « on met des bébés au monde et le monde les adopte. On est des ventres, c’est tout, après ça nous échappe et très vite on nous explique qu’on est hors du coup ». Le discours normatif porté par l’assistante sociale lui fait injonction – être une mère normale, comme les autres, viser la perfection… Elle s’y soustrait, par éthique ou impossibilité ? Pour la narratrice, être mère elle n’est que cela : « J’étais la maman, pas plus, pas moins que les autres, le premier mot écrit par Kevin, j’étais ça, je faisais ça. »[3] Une bonne mère avec un intérêt particularisé, elle veille, prend soin, aime ses enfants, en est fière. Elle sait les faire sourire, les distraire de ses soucis pour qu’ils ne voient pas son malaise. Elle se transformerait en fée pour être à la hauteur de leurs espoirs[4] dans les limites de ses forces.

Pour elle, « Il y a l’enfance […] Mais juste après l’hostilité du monde»[5]. Aussi, elle voudrait dissoudre la frontière entre eux et éviter que le monde n’avale ses mômes alors qu’ils deviennent sujets. Elle veut les protéger, tout leur épargner, le froid, la honte, la contagion des autres, de la société. Dans sa solitude insupportable et son égarement, son désir de mère ne cesse pas de ne pas vouloir se séparer. En l’absence de médiation possible, la séparation sera radicale. Au-delà de son acte, envahie par son imaginaire, elle constate son échec à réunir Stan et Kevin dans la mort, ils se tournent le dos et ne se regardent pas, elle en est ravagée.

  [1] Olmi V., Bord de mer, Paris, Actes Sud, coll. Babel, 2001. [2] Un filicide est un passage à l’acte meurtrier soit un homicide d’un parent sur son enfant, il est à différencier de l’infanticide où la victime est un nouveau-né n’ayant pas une existence sociale. [3] Olmi V., op. cit., p. 111-112. [4] Ibid., p. 36. [5] Ibid., p. 109.

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Aux confins du vivant – De la science à la psychanalyse

En direct de l’ACF-Normandie, Letterina , n°63

Les nouvelles technologies font voler en éclat l’ordre naturel au profit de nouvelles prérogatives, décisions incombant au sujet donnant l’allure d’un étrange choix, d’une possibilité de contrôle de sa part sur le vivant : droit de procréer selon différentes méthodes offertes par la science pour des formes de familles de plus en plus disparates, droit de mourir… Entre la naissance et la mort, le sujet est ainsi appelé à décider lui-même, non sans angoisse, ce qu’il n’a peut-être parfois nulle envie de décider à partir de techniques qu’il ne contrôle pas, jouant à son égard le même rôle que celui jadis dévolu à la nature ou à Dieu. La science qui parfois nous tire de mauvais pas est aussi capable de nous plonger dans des situations qu’elle est seule à pouvoir produire !

Le droit évolue en fonction de ces mutations et se doit de répondre aux revendications des citoyens au risque de ne pas tenir compte de l’impossible au nom d’un pour tous ! Que se passe-t-il quand les désirs deviennent des droits ? Les désirs entrent en collision avec la jouissance. Ils ont un objet, non pas objet cause, mais à obtenir, objet monté au zénith du ciel contemporain…

Comment mettre à jour notre pratique quand s’accroît ce que Freud appelait le « malaise dans la culture » et que Lacan déchiffrait comme les impasses de la civilisation ? Comment tenir compte de l’enseignement de Lacan ? Comment à notre époque qui revendique l’égalité des droits pour tous, en termes d’avoir, introduire la singularité, le consentement à la non-équivalence pour qu’advienne un sujet plus vivant que jamais ? La psychanalyse nous enseigne que le langage chez le parlêtre vient trouer le réel et c’est de cette fonction du trou que le langage opère sa prise sur le réel.

C’est le travail de cette étroite articulation entre certains mots issus de la langue et l’énigme du corps, aux confins du vivant, que nous présentent les auteurs du numéro 63 de la revue Letterina de l’ACF-Normandie. Si Letterina demeure inchangée dans ses objectifs, sa présentation a évolué. En effet, la couverture est dotée désormais d’une image minérale colorée, un caillou suspendu, matière à la fois dense et légère qui n’est pas sans rappeler, par ses strates, les falaises normandes. La revue a adopté un format plus large afin de faciliter la lecture avec une marge à droite confortable pour d’éventuelles annotations dans un graphisme sobre, élégant ; un document de travail qui, nous l’espérons, saura trouver sa place parmi les publications du Champ Freudien.

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Mauvaise fille : l’espace d’une écriture à soi

À propos du livre de Justine Lévy, Mauvaise fille, Paris, Stock, 2009.

Avec Le rendez-vous, Justine Lévy dresse le portrait d’une mère « très, très belle » que la vie « de bohême et de désordre » consume dans toutes sortes d’excès qui la font absente à son rôle de mère. « Si la femme est infiniment séduisante, la mère est dangereuse. »[1], écrit J. Lévy, dressant le portrait d’une fille divisée entre le désarroi d’avoir une mère « égoïste, et dure, et désinvolte »[2] et la fascination admirative pour une mère « merveilleuse, délicate, enchanteresse »[3]. Prise dans ce mélange d’effroi et d’éblouissement qui fait sa « brûlure, là, tout le temps »[4], cette fille veut l’impossible : protéger cette mère, trop proche du « bord des choses », d’elle-même. Mais les amants, les amantes, les pharmacopées, l’alcool, les vols, les petites délinquances, la prison creusent toujours plus le trou où la mère bascule sans que ni le masque de la beauté ni personne n’y puissent rien. Au rendez-vous donné par la mère, la fille a « toujours su, au fond, qu’elle n’allait pas venir »[5]. Et l’oubli de la mère, en l’emprisonnant dans le refus du manque maternel, lui fait occuper la place de l’objet de son désir et laisser son propre désir en suspens.

Avec Mauvaise fille, J. Lévy convoque à un ultime rendez-vous ce même lien dévastateur entre une mère et sa fille : la mère est en train de mourir quand sa fille apprend qu’elle attend son premier enfant : « Je suis embarquée dans […] une nouvelle vie […] Quelqu’un va arriver que je vais aimer plus que moi-même et que ma mère […] Et quelque chose, en moi, ne se pardonne pas d’avoir fait ça »[6]. Dans ce mélange de bonheur et de tragique, la « mauvaise fille » se sent coupable d’avoir eu une mère qui la renvoyait à la solitude. Elle ne se pardonne pas, en consentant à devenir mère à son tour, de la laisser maintenant à son destin mortel. Dans cette double contingence où le réel de la mort fait irruption dans le corps de sa mère tandis que la vie épanouit le sien, elle ne peut pas lui dire qu’elle attend un enfant, elle ne peut pas dire ces mots qui séparent. « Elle doit savoir […] je n’ose plus lui parler de rien […] Ce qui est monstrueux c’est que j’ai zappé maman en faisant un enfant »[7]. À l’heure des comptes et des adieux, c’est à elle, la fille qui a fait le rêve impossible de protéger sa mère de sa provocation à perdre tout sens dans une Autre jouissance, d’effectuer, seule, le difficile travail d’accepter le manque de l’Autre maternel. La mort de sa mère est son vrai ultime rendez-vous avec la jouissance pulsionnelle de celle-ci et avec son choix propre, de faire de cette part de liberté qui lui revient, une création qui lui permette d’être une femme à sa manière. « Maman est morte et je suis en train de devenir maman, […] je suis sonnée […] ou bien furieuse […] comme elle l’a toujours été, enragée, révoltée, car en train de comprendre qu’il n’y a rien, rien de rien »[8]. La fille va-t-elle comme sa mère faire le choix de s’engloutir dans la passion mortifère de ce rien que J. Lacan nomme la « Surmoitié »[9] ? C’est divisée qu’elle aborde cette question essentielle à son être de femme lié à cette Autre jouissance qui a tant envahi la femme en sa mère. Quand vient pour elle le rendez-vous avec sa propre fille à naître, la césarienne s’impose, tant pour elle accoucher semble impossible : impossible délivrance d’une part vivante en elle ? Impossible expulsion d’une mère trop réelle en elle ? Mais quand l’enfant est là, son innocente présence vivante efface l’impossible confiance en une mère à la parole si peu « fiable » et rend possible une inscription symbolique par le lien à un homme dont la virilité tout humaine sait prendre soin d’elle et la désirer comme femme.

Avec l’appui d’un père qui « ne renonce pas » à la sécuriser, avec l’amour et le désir d’un homme qui sait la faire rire et avec l’enfant qui la fait mère responsable, la fille du roman de J. Lévy parvient à mettre à distance la jouissance illimitée de son Autre maternel et acquiert une consistance de son être comme sujet et comme femme : « Ma peine est infinie, envahissante, absolue, mais, […] pour nous trois, […] je décide de la remiser […] loin de nous. […] il n’y avait personne et maintenant il y a quelqu’un et je suis mère de ce quelqu’un »[10].

Avec ce roman, J. Lévy démontre que c’est en continuant à se référer à l’Autre maternel, dont le manque est le fondement, qu’une fille parvient à établir son désir propre et à créer sa propre féminité. Si séparer son corps, son désir et sa jouissance de ceux de sa mère est la tâche de toute fille et de toute mère, J. Lévy nous enseigne, avec Jacques Lacan, que c’est avec son « obscure intimité »[11] qu’une fille se donne un corps d’amour et de désir à elle, et qu’un écrivain écrit. Et si avec Mauvaise fille J. Lévy révèle une part autobiographique de son histoire, c’est en tant qu’avec ce roman elle parvient à nouer au langage le manque constitutif de sa féminité et affirme que sa condition de femme la regarde, pas sans l’Autre.

  [1] Lévy J., Le rendez-vous, Paris, Plon, 1995, p. 22. [2] Ibid., p. 39. [3] Ibid., p. 39. [4] Ibid., p. 41. [5] Ibid., p. 177. [6] Lévy J., Mauvaise fille, Paris, Stock, 2009, p. 25. [7] Ibid., p. 66-67. [8] Ibid., p. 93-94. [9] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 468. [10] Lévy J., Mauvaise fille, op. cit., p. 158. [11] Lacan J., « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache », Écrits, Seuil, 1966, p. 676.

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Une dépêche de l’Yonne… Le coup d’envoi est donné !

L’association Cause freudienne Bourgogne Franche-Comté a le plaisir de vous inviter à son premier après-midi de travail dans l’Yonne le samedi 4 octobre prochain. Sous le titre « Mères idéales, mères réelles » nous mettrons à l’étude le thème des prochaines Journées de l’ECF. Le désir des cinq est dans le coup. Ils sont membres de l’ECF (Nathalie Georges-Lambrichs, Patricia Johansson-Rosen, Didier Mathey et Anicette Sangnier) ou de l’ACF (Karolina Lubanska) et ont des attaches familiales dans l’Yonne. Ils s’associent pour donner vie à une aventure auxerroise inédite en faisant une offre de travail orienté par l’enseignement de Jacques Lacan et de Jacques-Alain Miller : ils proposent des études psychanalytiques. À qui veut. Les mises sont faites ! Ils n’ont point d’idée du paysage intellectuel de l’Yonne. De ce point de vue, elle leur est une terre inconnue. Ils n’y vont pas en conquistadors mais en explorateurs. Y trouveront-ils de l’hospitalité ou seront-ils persona non grata ? La psychanalyse a-t-elle encore le droit de cité par ici ? Monsieur Guy Férez maire d’Auxerre leur ouvre grand la porte de la ville : il leur fait l’honneur non seulement de donner son patronage à l’événement, mais encore de venir l’ouvrir en personne.

Que veulent-ils ? Ils veulent rencontrer ceux pour qui le sujet de l’inconscient compte. Les entendre et se faire entendre d’eux. Ils veulent parier sur un malentendu créateur. Trouver pas tant une langue commune qu’une parole vivante…de celles qui portent à conséquence.

Sauront-ils parler sans se réfugier dans une «  disance lacanienne » [1]? Sauront-ils transmettre ce qui ne se transmet qu’entre les mots ? Et non pas tant ex-cathedra ? Sauront-ils convertir le savoir troué en gay sçavoir ? Encore deux semaines…Seize personnes inscrites ! C’est avec elles qu’ils vont engager la conversation. Et avec quelques autres encore, peut-être…

PS : Une collègue m’a informée que les responsables administratifs faisaient de la publicité pour notre journée auxerroise. Moi, enthousiasmée, de lui répondre : « Les administratifs qui y mettent du leur ? Leurs noms ! ». En réponse, pas de noms, mais juste cette note : « En fait, voilà, plusieurs personnes souhaitent avoir une aide financière pour aller aux Journées de l’ECF. Les responsables leur font plutôt valoir la demi-journée d’Auxerre ». Bref, j’ai compris que «  l’engouement » des administrateurs pour notre initiative est à la mesure de leur goût pour les économies ! Sur ceci, il me revient cette phrase tirée de la première partie de  Faust :

- Qui es-tu donc, à la fin ?

- Je suis une partie de cette force qui, éternellement veut le mal, et qui, éternellement accomplit le bien ». Alors ? Vive les administrateurs !...

Sera ce qu’il sera. Pourvu que nous fassions ce que nous avons à faire.

  [1] Miller J.-A., L’Orientation lacanienne, Le tout dernier Lacan, cours du 15 novembre 2006, inédit. LHB2_Affiche_Meres_ideales_meres_reelles-1 Enregistrer

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