Kader a 12 ans. Sa mère l’adresse au CPCT pour « des mensonges persistants pour se faire remarquer et des difficultés scolaires ».
Il souffre d’être l’objet de paroles mauvaises qui l’empêchent de se concentrer en classe et l’amènent parfois à répondre en parole ou en acte lorsque les injures entendues se font insupportables. Il entend parfois deux types de voix : « d’un côté une voix un peu diabolique et de l’autre la voix angélique ». En plus de ces phénomènes réels qui se manifestent à lui avec un support (l’objet voix), Kader perçoit son corps comme Autre. « Des fois je ressens que mon corps m’électrocute, comme une décharge électrique». « J’ai quelque chose de trop dans mon corps ».
Kader dit que le CPCT est pour lui un lieu à part et que le ton de ma voix le détend. Il n’a jamais parlé à quiconque de ces phénomènes (les voix et la jouissance erratique) qui paraissent s’estomper un peu au long des mois. Il insiste pour que ces éprouvés ne soient pas connus de ses parents. Il parle avec lucidité de son sentiment de dérive, de déréliction. « Je suis un peu perdu comme un naufragé sur une ile. J’ai besoin qu’un bateau passe et être ramené chez moi. J’ai besoin d’aide. » Je l’assure qu’il peut parler de tout cela au CPCT et qu’ici son besoin d’aide est pris au sérieux.
C’est à « l’entrée en primaire que les gens qui me parlent mal ont commencé. Le passage de la maternelle au CP c’était une chute, des anges à l’enfer ». C’est, plus précisément « quand le niveau a été haussé » par l’apprentissage de la lecture, qu’il a été mis en difficulté. Après avoir lu « la Chine » ce qui était écrit « le chien » au tableau, il se souvient avoir vécu les moqueries des élèves et la honte. C’est d’abord le signifiant qui l’a persécuté. D’autres événements seront détachés de l’imbroglio imaginaire qui caractérise ses énoncés.
L’orientation du travail avec Kader consiste à l’aider à ordonner les événements qu’il énonce. De plus il s’agit de le décoller de la charge réelle accolée à certains signifiants. Le signifiant, qui a pour lui une consistance réelle, se joue de lui.
Kader ne parle de son père qu’en réponse à des questions à son sujet. Il considère qu’il « essaye de se donner des airs de père » et il estime que son « père n’est pas qualifié pour s’occuper de lui ». Il veut que ni sa mère ni son père ne connaissent l’existence des manifestations réelles qu’il éprouve. Cela maintient un malentendu entre lui et les autres concernant le statut de ces bavardages et de ses mensonges. Cet écart apparait à préserver car il lui permet de construire sa manière singulière de faire tenir ensemble des registres ici très peu noués.
Le travail avec Kader consiste à maintenir cela tout en considérant sa mère comme « partenaire de l’expérience ». En la recevant régulièrement, afin de régler avec elle de petits détails de la vie quotidienne de Kader, nous visons à rendre moins exigeant l’idéal de normalisation, qui sous-tend le lien à son fils, afin que sa demande perde de sa férocité. Kader est ainsi soutenu dans sa construction organisant sa certitude d’être une exception sur Terre. En accord avec sa mère, un second cycle au CPCT a été décidé pour Kader, à titre « exceptionnel ».