Vive et vivante séquence que celle soutenue par le collectif Tya : Pierre Sidon, Coralie Haslé, Aurélie Charpentier-Libert, Stéphanie Lavigne, Jaqueline January, Olivier Talayarch, séquence qui a fait agrafe entre la série clinique du matin, et les développements de l’après midi. Les dits des patients et ceux du séminaire de Jacques Lacan sur la ségrégation, se répondaient ainsi dans ces interprétations faisant exister l’Autre scène auxquels nous avons à faire » Comme psychopathologues »1.
Point cardinal de la journée : » L’inconscient, c’est la politique »2, comme l’a rappelé Clotilde Leguil dans son exposé » La traversée des identités, une expérience lacanienne ». Qu’est-ce à dire ? Que ce qui lie les hommes entre eux relève pour une grande part de la logique. Et aussi que le symptôme de quelqu’un » est son identité la plus assurée ». C’est par là que la psychanalyse fonctionne à rebours de l’identitarisme à visée universalisante, lequel ne se trouve pas moins fractionné en de multiples sous-groupes véhiculant leur marque identificatoire, Espèce, race, classe, genre etc.,
Du symptôme
Du symptôme il en a donc été question dans la série des exposés : « La ségrégation, problème ou solution ? Ou comment la subvertir » ( A. Dray Stauffer), « Religion, football et psychanalyse » (A. Bailly), « Dana la mise en abîme de la ségrégation » (C. Crosali), « Louise et les deux mères » ( N. Grundler), « En trop » (S. Gayard), « Un lieu pour exister » (A. Poumellec) , « D’une ségrégation » , l’autre ( T Jacquemin).
Oui, le sujet peut vouloir cette ségrégation qui lui confère un statut d’exception, ou à l’inverse chercher un appui du côté de la fraternité, ou encore vouloir protéger la singularité de sa jouissance du processus ségrégatif. Il y a donc de multiples usages de la ségrégation, comme aussi bien de l’auto-ségrégation, qui voisinent avec ce que Lacan appelait » la ségrégation politique de l’anomalie » 3, par l’implacable discours capitaliste. Les lieux d’accueil et de consultations, associations de praticiens orientés par le discours analytique : ParADOxe, Souffrances Au Travail, Intervalle CAP du week-end, Lien POPI, L’ EPOC, ont ainsi témoigné de la puissance de ce discours dans l’ accompagnement du sujet dans sa recherche de solutions, lui offrant un lieu pour déposer et adresser les signifiants qui trament sa subjectivité.
Radical islamisme
La conversation amenée par P. Lacadée avec Zorah Harrach-Ndiaye, créatrice et Pilote du Dispositif de Prévention et de Traitement des basculements vers des extrémismes violents et Valérie Lauret, magistrate et intervenante dans ce même dispositif ouvrait à l’auditoire l’angle de » l’offre intégriste », pour ces sujets pour lesquels pèse l’absence du père. Cela a été rendu sensible par l’évocation rapide mais précise concernant l’ancien mentor des frères Kouachi Farid Benyettou, lorsqu’il se confronte, à l’âge de quatorze, à son père, stricte pratiquant religieux sombrant alors dans l’alcoolisme. Se sentir respecté , et aussi se sentir reconnu : « Je veux absolument porter le voile, je veux que les soeurs musulmanes me reconnaissent », rapportait Valérie Lauret pour cette jeune femme dont le voile était un signe et une marque essentielles à revêtir.
Il y a foule
Est ce que l’apport de Freud » Massenpsychologie und ich-analyse« , texte qui avait fait « jardin à la française » dans les analyses de la sociologie naissante de la fin du XIX siècle pouvait t il rendre compte des phénomènes contemporains ? Interroge Eric Laurent. Comment rendre compte de ce jeunes « qui partent faire foule en syrie »? La foule permet » de se défaire du moi et de ses embarras », permettant ainsi la collectivisation. Ce qui est alors central c’est l’identification au père, le meneur étant à cette place. Mais cela vaut il aujourd’hui ? Car ce n’est plus la verticalité qui caractérise en effet l’extrémisme en occident, mais la structure rhizomique, soit un lien social qui se défait du père. Lacan a fait valoir, à partir de l’apport de Freud, la dissociation entre Dieu et le père. Comment était il en effet possible de relier Dieu à la procréation, à l’engendrement, à la chaîne des générations, qui suppose la postérité ? C’est à partir de cette décantation qu’ont pu être formalisés les quatre types de discours qui sont autant de liens sociaux typifiés. Le reste de cette décantation du père étant l’élément signifiant en position d’agent dans chacun d’entre eux. Eric Laurent pourra aussi relever à partir de ce point, que parmi les religions du livre, seul l’Islam dissocie Dieu de la figure du père. Ici, depuis les actes extrémistes violents, nous sommes renvoyés à l’introduction de Camilo Ramirez qui ouvrait cette journée sur les figures de la pulsion de mort qui aujourd’hui accompagnent la marche forcée de l’économie globalisée et qui, prenant appui sur le récent propos de JA Miller prononcé à Madrid , rappelait que penser que la psychanalyse comme expérience intime du sujet puisse échapper au malaise, au chaos qui prévaut au dehors, est une erreur. Dehors, dedans, la pulsion de mort double ainsi le circuit extime de la part de jouissance domestiquée. Un circuit que nous avons parcouru tout au long de la journée, mais sans que jamais les intervenants ne se départissent d’un rapport au gai-scavoir. Les lectures de textes des comédiens Marie Desgranges et Bernard Gabay n’ont pas manqué d’en jeter d’autres étincelles.
1 Lacan J, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p.124
2 Lacan J., Le Séminaire, La logique du fantasme, inédit, leçon du 10 mai 1967.
3 Lacan J. , » Du trieb de Freud », Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p.854