La personne qui vient en analyse et du grand public ignore, de manière générale, la différence entre ces deux pratiques, ces deux éthiques, ignorance qui pousse à les rapprocher comme deux termes voisins.
Il faut dire que les psychothérapeutes s’inscrivant dans des approches issues de la psychanalyse, comme la psychothérapie individuelle, le psychodrame, la thérapie de groupe, la psychothérapie d’enfant, ont bénéficié de cette ambiguïté. Cela plus par un manque de rigueur conceptuelle ou théorique, ou encore par une décision des thérapeutes eux même de ne pas faire passer dans leur pratiques des éléments rencontrés dans leur analyse, c’est-à-dire par une forme d’horreur face à l’acte analytique, que par une sorte d’imposture. Ces thérapeutes, s’ils ne se revendiquaient pas du tout comme analystes, se voulaient d’inspiration psychanalytique.
Lacan ironisait dans Télévision sur ces psychothérapies, dont on exigeait, en tout cas dans les années 70, qu’elles soient « d’inspiration psychanalytique », en modulant la chose, comme il disait, par la présence des guillemets. Il y avait une sorte de malentendu, parfois volontairement entretenu, qui profitait donc à ces psychothérapies. Aujourd’hui, c’est bien plutôt le contraire, on propose au grand public de soigner surtout sans la psychanalyse, en essayant d’importer du monde anglo-saxon des méthodes thérapeutiques très diverses souvent issues de la culture New age.
En France, la psychanalyse a une histoire et une présence dans la culture très différente. Il faut lire, à ce propos, l’ouvrage de l’historien : Nathan Hale Junior, Freud et les américains. Dans le second tome, qui n’a pas encore été traduit en Français, l’auteur développe comment la multiplication des psychothérapies New age à partir des années 80 en Californie a été une conséquence de l’adoption par les psychanalystes émigrés dans les années 30 et 40 du modèle médical, ceci pour s’adapter aux exigences du pragmatisme américain. A partir de ce fait, les questions les plus propres au sujet auraient fait retour, selon cet auteur, par la voie détournée des psychothérapies. La psychanalyse devenue une pratique adaptative et normativisante dans « l’ego psychology » ne pouvait plus les loger. C’est une hypothèse que l’on peut discuter. Peut être, il y a encore d’autres variables qui entrent en jeu, mais au moins elle a le mérite de situer assez bien le problème.
De leur côté, les psychanalystes, jusqu’à Lacan, n’ont pas toujours été très clairs quant à la différence entre psychanalyse et psychothérapie. Ils n’ont pas abordé directement la question. Freud, parce qu’il était probablement plus occupé à construire le grand corpus théorique de la psychanalyse qu’à préciser les différences entre les deux. Il prévoyait néanmoins, dans son célèbre propos du congrès de Budapest en 1916, qu’à l’avenir, nous serons obligés de mêler à l’or pur de l’analyse une quantité considérable du plomb de la suggestion directe. On trouve dans sa correspondance avec Biswanger, par exemple – Biswanger, jeune psychiatre en formation en institution et un peu en contrôle avec Freud, des propos assez savoureux sur la place de la suggestion dans la cure et les aménagements que la technique appliquée en institution nécessitent. Les psychothérapies, de manière générale, opèrent à partir du principe qu’il est possible de ramener ce qui est du registre du symptôme au principe de plaisir, comme si cela était possible.
Écouter la suite sur le site de l’ECF : http://www.causefreudienne.net/psychanalyse-lacanienne-et-psychotherapie/