À 17 ans, Louis se rend au CPCT sur indication maternelle qui dénonce son désinvestissement scolaire. Sa posture remarquable quant aux règles de bienséance dénote avec le caractère énigmatique du rendez-vous : Louis ne sait ni où il est, ni pourquoi il vient.
Les énoncés de Louis dévoilent l’usage de la science comme recours primordial à l’ordonnance du monde. Le syntagme prouvé scientifiquement, en même temps qu’il soutient le sujet, impose son inébranlable certitude. Le goût prononcé de Louis pour la preuve par la science révèle une position subjective qui n’inscrit pas la division. La science vient à son secours pour proposer une réponse toute faite, prête-à-porter par tous. A l’évocation de ses paralysies nocturnes, je lui fais part de mon ignorance et l’invite à me décrire ce dont il s’agit. Louis s’insurge de ma méconnaissance : tout le monde connaît ça, les psychologues, les scientifiques… C’est considéré comme la plus grande peur… on est réveillé mais on ne peut plus bouger…
La suite du récit fait référence aux données neurophysiologiques du sommeil paradoxal qui justifie la paralysie du corps. L’usage remarquable de la science comme recours, objective le phénomène et soustrait la dimension subjective.
La forme du discours prend parfois l’allure de la maxime qui laisse entendre la part de hors-sens du langage : Ce que je veux est ce que je dois et ce que je dois est ce que je veux… Qui ne fait rien ne risque rien... S’accordant aux vérités scientifiques, le style discursif procure le masque à une certaine vacuité subjective.
Louis ne problématise pas, il est.
Le signifiant sous lequel il vient se ranger semble venir le déterminer. Se repère ainsi une série de je suis qui ne rencontre ni son entame ni son négatif : Je suis gentil, je suis irréprochable, je suis hyperactif… Ces signifiants sont pour certains articulés au discours de la science qui leur confère une véracité inébranlable. Gentil apparaît comme un trait essentiel auquel se fixe indubitablement le sujet et qui fait la paire avec la bonne conduite : Louis est irréprochable car il ne veut pas créer de problème.
De son rapport aux autres se dégage une teinte conventionnelle exacerbée qui s’accorde avec le style verbal de la maxime. Une petite note persécutrice résonne dans les évocations qu’il fait de ses relations. Louis témoigne des railleries de ses camarades du collège : on se moquait de moi. La rencontre avec celle qui deviendra sa petite amie prend cette même coloration. Entourée de ses amies, cette dernière riait. Louis interpréta : Je croyais qu’elle se moquait de moi. Lui faisant remarquer qu’il parle peu d’elle, il justifie parce que tout va bien, qu’il n’y a pas de problème. La dimension de l’amour est absente du discours de Louis, seule apparaît une comptabilité des mois qui se succèdent, vérifiant le couple qui dure.
En venant au CPCT, Louis a trouvé un accueil et la possibilité de parler sans me faire engueuler. L’impératif maternel a ainsi glissé vers un choix décidé du sujet de venir parler de ce qui le concerne. Décomplétée de savoir, je me suis laissée enseigner par Louis qui, en exposant un savoir détenu, a assis sa position en donnant du relief à ses solutions singulières. Ne pas poser de problème, constitue le socle de sa conduite sur lequel viennent s’édifier les diverses astuces décelées. Il s’agit d’une trouvaille qui, tout en permettant à Louis de se fondre dans une norme salvatrice fait taire un Autre menaçant.