C’est sous ce titre que s’est tenu un après-midi de travail préparatoire aux journées 47 de l’ECF, ce samedi 30 septembre à Mons (ACF-Belgique), dans les murs de l’école Condorcet – une Haute École formant notamment des instituteurs et des professeurs. Ce fut très vivant ! Quelques petits intermèdes de Jacques Brel chantant Rosa, la lecture de passages de Chagrin d’école de Daniel Pennac, ainsi que des extraits de La leçon d’Ionesco constituèrent une belle entrée en matière ! La teneur des exposés suscita des échanges intéressants avec la salle.
De cet après-midi, je retiendrai l’antinomie entre le savoir et l’enseignement. Le savoir est un moyen de jouissance propre à chacun. Dans l’enseignement, l’apprentissage est une question de rencontre. Dans le savoir, il y a ce qui est inoubliable. L’inconscient est la mémoire de ce que l’on oublie. Reste inoubliable ce qui a modifié notre façon de jouir. L’inconscient ne s’enseigne pas, l’enseignant est l’analysant.
La présentation faite par Jean-François Lebrun, de Maurice Olender, à partir de son livre Un fantôme dans la bibliothèque, a bien montré la singularité du savoir comme moyen de jouissance. Cet enfant « né de la survie » en 1946, a baigné dans « le parler de ce qui n’existe plus » : les disparus de la persécution antijuive. Enfant, il ne veut rien savoir des lettres ; il passera pourtant sur le tard le jury central. C’est alors qu’il erre dans les rayonnages de la Bibliothèque Royale, qu’il est interpellé par ce carton nommé « fantôme » marquant symboliquement la place réelle des livres absents. Son intérêt pour ce détail, qui n’est pas anodin, le conduira à devenir philologue des langues anciennes et historien du racisme.
Un enseignant, comme en a témoigné Yohan De Schryver, confronté à l’impuissance face à des élèves, peut passer de l’impuissance à l’impossible, du rouspéteur au révolté. Le discours analytique est le seul à permettre de transformer la plainte en levier. Le désir de l’enseignant est primordial pour faire du lycée ce que disait Freud : « un lieu procurant l’envie de vivre. » Philippe Hellebois nous a fait cette proposition : « l’enseignant trouve du neuf, tandis que le prof répète ! »
Quand un élève manifeste des symptômes à l’école, bien souvent, un diagnostic est dressé par l’école, le médecin : phobie scolaire, dépression pour échec scolaire, dyscalculie, dyslexie, etc. Le décor est planté et parfois bien enraciné ! Les praticiens orientés par la psychanalyse s’intéressent à l’envers de ce décor, en partant du symptôme qui n’est pas à éradiquer, mais à déchiffrer, à interpréter, et dont l’usage est à questionner. Le sujet se plaint d’autant plus de son symptôme qu’il y tient ; il en jouit inconsciemment.
Au cours de la cure menée avec Béatrice Brault, Carla, une fillette de 10 ans, a pu trouver du « vouloir-dire » dans l’événement de corps qui l’empêchait de fréquenter assidûment l’école, lui permettant de s’y rendre à nouveau sans autant d’angoisse.
Certains symptômes se manifestent dès l’école maternelle. Rien d’étonnant, comme nous l’a fait entendre Laurence Labouche, directrice d’un Centre d’Aide Médico-Social Précoce. Freud attirait déjà notre attention sur la période de la petite enfance, lorsque, dans l’intimité de la maison familiale, l’enfant côtoie ses objets d’amour et d’identification. Les théories sexuelles infantiles et la curiosité de l’enfant inaugurent le fondement du désir de savoir. Les enfants curieux peuvent être bavards, remuants, questionner sans cesse ; ils ne sont pas les plus reposants ! Pourtant, vive les enfants curieux !