L’Hebdo-Blog : Comment voyez-vous cette proposition de l’ECF : faire connaître la vitalité des la psychanalyse lacanienne par des enseignements ouverts à tous ceux qui en ont la curiosité ?
Patricia Bosquin-Caroz : Comme Christiane Alberti l’avait rappelé dans un communiqué annonçant une nouvelle modalité d’enseignement à l’ECF, celle-ci s’inscrit comme point de capiton de la création du Champ freudien par Jacques-Alain Miller après 37 ans. Année Zéro donc. On recommence avec comme nouvelle perspective annoncée lors de son premier séminaire du 24 juin 2017, l’affirmation de l’École dans sa mission d’enseignement.
A la dernière AG de l’ECF J.-A. Miller en rappelait le motif : la psychanalyse est rejetée de la psychologie clinique, chassée de l’université, repoussée progressivement à l’extérieur. « Les beaux jours sont finis ». L’initiative de multiplier les enseignements à l’ECF se fait sur fond de ce constat. Il s’agit aujourd’hui plus que jamais d’en tirer les conséquences et de ne plus parier sur les circuits officiels. La psychanalyse est chassée par la porte mais elle revient par la fenêtre !
Elle n’a pas dit son dernier mot et portée par des corps désirants de plus en plus nombreux elle a encore du souffle.
Ainsi chaque soir de la semaine et tout au long de l’année un enseignement est tenu par un ou plusieurs enseignants et ouvert à tous ceux qui veulent s’enseigner des psychanalystes.
Les portes de l’École sont désormais grande ouvertes !
HB : Qu’est-ce qui, selon vous, fait le nouveau de ce mode d’enseignement par rapport à ceux qui sont déjà pratiqués dans notre champ ?
P. B-C : C’est un enseignement qui se veut différent de l’enseignement universitaire et de celui dispensé dans les sections cliniques d’UFORCA. L’enseignement dispensé dans UFORCA a une affinité avec le discours universitaire. Dans le prologue de Guitrancourt, J.-A. Miller précise que la psychanalyse entre en contact avec l’université par l’enseignement du mathème qui doit être démonstratif et est pour tous à la différence par exemple de l’enseignement de la passe « encore chargé de la particularité du sujet ». Ceux qui y assistent sont appelés participants et non étudiants ce qui indique qu’ils devront s’y impliquer. Leur travail sera guidé et évalué. Il s’agit d’un lieu de formation à la clinique psychanalytique suppléant « aux carences d’une psychiatrie qui laisse de côté sa riche tradition classique pour suivre les progrès de la chimie » et aujourd’hui de la neurobiologie. Toutefois, celle-ci n’autorise pas celui qui s’y engage à l’exercice de la psychanalyse. Nous savons qu’aucun diplôme ne pourrait la garantir, le psychanalyste étant avant tout le produit de l’expérience de sa propre analyse.
L’enseignement dispensé à l’École est d’une autre nature que la formation clinique, car il s’agit pour l’enseignant d’enseigner à partir de l’ expérience de sa pratique analytique. D’où la variété des intitulés s’enracinant dans la pratique et la forte implication de chaque enseignant. Il diffère également de l’enseignement de l’AE qui s’effectue à partir de l’expérience de sa propre analyse menée jusqu’à son terme.
A la différence aussi de l’enseignement dispensé dans les sections cliniques, ou dans un séminaire (par ex. de l’ACF) il n’est pas nécessairement attendu du public ou des collègues qui y assistent un travail effectif.
Par contre celui qui le donne cet enseignement s’y engage corps et âme ce qui vérifie, comme Lacan l’a fait valoir, que l’enseignant est avant tout l’enseigné.
Ce qui est nouveau également c’est l’effet one shot, tous les soirs, à la différence des cours ou séminaires mensuels. Un grand coup en effet, mais aussi une pluralisation des enseignements, une variété des thèmes abordés en fonction du désir de l’enseignant ou de la particularité de son expérience pratique.
Pour assister à l’un d’eux, je dirais que cela relance le désir de s’enseigner voire d’enseigner.
« Le savoir psychanalytique à ciel ouvert ! Ce sera notre slogan ». (C. Alberti)
Bien dit !