Jamais l’image de soi n’aura été si prégnante qu’aujourd’hui où selfies, autoportraits et autres mises en scènes du sujet accompagnent notre quotidien connecté : réalisation transgressive du conte de fée où l‘omniregard de la communauté des écrans nous dirait finalement qui est la plus belle ? Consécration du narcissisme et généralisation du triomphe que Lacan décrivait à propos du petit d’homme entrapercevant son image unifiée, enfin ?
Bien plutôt, ce que nous dévoile la clinique au quotidien, c’est à quel point ce miroir, garantie de la nécessaire illusion moïque d’une unité, offerte par la présence d’un Autre venant surtout authentifier le sujet dans son unique singularité est un miroir brisé. Le plus souvent, l’image jamais ne correspond à notre idéal de ce corps aujourd’hui remodelé par les tatouages ou la chirurgie, un corps soumis à une rude discipline mais jamais à la hauteur, un corps disharmonique et que pourtant, comme l’écrit Lacan, nous ne cessons d’adorer car « l’on croit qu’on l’a »1.
Au-delà du stade du miroir, surgit ainsi sur la scène ce que le dernier congrès de l’AMP à Rio a mis au travail, cette substance jouissante qui perce l’enveloppe corporelle. Qui mieux que les artistes qui mettent en scène, déforment, triturent et découpent le corps en organes fétichisés, pour donner à voir ce qui fait le plus intime de notre expérience ? C’est notre choix cette semaine : les suivre pas à pas en quête de ce corps dont je crois qu’il est moi.
1Lacan, Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Seuil, p.