Dans le cadre des enseignements lacaniens à l’ECF, Gil Caroz propose un cours – huit soirées – au sujet de l’obsessionnel et de son réveil(i). D’emblée, il nous indique que le cas d’un sujet obsessionnel ne nous donne aucune indication sur le cas d’un autre. Alors comment peut-on parler d’une catégorie psychique s’il n’y a pas de points communs d’un sujet à l’autre ? « Il n’y en a pas du point de vue de la phénoménologie mais il y en aurait quelques uns au niveau de la structure. Et il est concevable qu’un obsessionnel ne puisse donner le moindre sens au niveau d’un discours d’un autre obsessionnel. C’est même de là que partent les guerres de religion »(ii). ll faut donc les prendre un par un comme tous les sujets que nous accueillons.
Dans la littérature psychanalytique, L’homme aux rats(iii) de Freud reste la référence en matière d’obsessions. Si la structure du névrosé obsessionnel, son architecture est complexe, elle renvoie à un certain nombre de métaphores militaires comme les fortifications à la Vauban, les commandements, la destruction. « Tandis que l’hystérique essaye de repérer les difficultés de sa position au niveau de l’Idéal, du masque de l’identification, c’est au contraire sur ce que l’on peut appeler la place forte de son moi que l’obsessionnel se situe pour essayer de trouver la place de son désir. D’où ces fameuses fortifications à la Vauban […], ces forteresses dans lesquelles un désir toujours menacé de destruction se remparde, et qui sont élevées sur le modèle de son moi, et par rapport à l’image de l’autre »(iv). Contrairement à l’hystérique qui peut rentrer tout de suite dans une analyse, le psychanalyste nous dit G. Caroz doit faire l’usage d’une ruse et avoir une boite à outils solide pour briser les remparts de l’obsessionnel. Ce dernier peut passer à côté de sa vie comme par exemple ne pas se déclarer auprès de celle ou celui qu’il aime et continuer de l’aimer secrètement. Réveiller un obsessionnel n’est pas aisé !
G. Caroz a pris appui sur la troisième partie du Séminaire V et le commentaire fait par Jacques-Alain Miller(v) pour expliciter son propos. Le grand rêve de l’obsessionnel est de résorber la jouissance dans le signifiant, dans la parole. Il croit que tout peut se dire, s’expliquer faisant alors abstraction qu’un signifiant manque dans l’Autre. Le phallus, signifiant qui indique qu’il y a du désir chez l’Autre est partout, véritable cheval de Troie chez l’obsessionnel. S’il tend à détruire le désir de l’Autre, c’est aussi son propre désir qui est détruit et c’est alors la mortification assurée. L’obsessionnel ne cède pas sur son désir, il s’attaque à son désir, à celui de l’Autre comme le lieu du signifiant. Pourquoi est-il alors coupable, s’il ne jouit pas, ne désire pas ? Le surmoi rentre en scène. Il s’agit d’un résultat d’une économie de jouissance. Là où le moi jouissait, un interdit est posé par le surmoi et ce dernier se met à jouir. Plus on obéit aux exigences du surmoi, nous dit G. Caroz, plus on se sent coupable. La culpabilité va alors surgir si la demande opère comme une demande de mort. Vivement les prochains épisodes de ce cours !
i . La première leçon du cours du Gil Caroz prononcée le2 octobre à l’ECF a été enregistrée sur Radio Lacan : http://www.radiolacan.com/fr/topic/1067/3
ii . Lacan J., « Introduction à l’édition allemande d’un premier volume des Écrits », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.557.
iii . Freud S., « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle » (L’homme aux rats), Cinq psychanalyses, 1954, Paris, PUF, p. 199-261.
iv . Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Seuil, 1998, p. 487.
v . Miller J.-A., … du nouveau! Introduction au Séminaire V de Lacan, Paris, collection Rue Huysmans, 2000.