Trois questions à Pascale Fari sur les prochains rendez-vous cliniques du CPCT-Paris
Hebdo Blog : Cette année, les Rendez-vous cliniques du CPCT-Paris mettent au travail la question du temps. Pourquoi ce thème ?
Pascale Fari : Plus que jamais, le temps fait symptôme. Les situations d’urgence pullulent. La jouissance s’affole tandis que nous courons toujours plus au-delà de l’épuisement. D’autre part, le rêve d’éternité a la dent dure – on passe son temps à rêver et on se réveille trop tard. Pas sans la complicité active de la jouissance, capable d’inventer les scénarios les plus improbables au service de la répétition ; c’est en ce sens que Freud disait que l’inconscient ignore le temps.
Lacan nous a donné des outils très puissants pour débrouiller ce qui fait symptôme entre urgence et inertie. Il a réintroduit dans l’expérience analytique le temps comme variable subjective essentielle.
HB : Samedi prochain, ce premier rendez-vous porte sur « l’instant de voir ». S’agit-il d’un insight, où tout d’un coup le sujet est saisi par ce qui n’apparaissait pas jusque-là ?
PF : L’insight est un terme psychologique qui désigne ce moment où une question, un problème change soudain de configuration, c’est le passage d’une forme perceptive à une autre. Dans une psychanalyse, souligne Jacques-Alain Miller, l’insight est ce moment de révélation où, en un éclair, se dévoile une vérité cachée, un savoir insu. C’est ce que Lacan nomme « l’instant de voir ». Mais il s’agit d’un temps logique : ce qui change brusquement, c’est la configuration signifiante en jeu pour le sujet. L’instant de voir opère une torsion par rapport au concept d’insight ; ce n’est pas un phénomène perceptif.
HB : La première rencontre avec un analyste, est-ce un instant de voir ?
PF : Le sujet vient dire son embarras, son insupportable, son idée de ce qui ne tourne pas rond. Accueillant cette construction, l’analyste s’intéresse à ce qu’elle a d’unique. Quels signifiants se détachent ? Par quoi le sujet est-il affecté ? Faisant résonner certains énoncés, mettant l’accent sur tel ou tel point, ponctuant la séance, l’analyste interprète ce qui lui est présenté en paroles et en actes. Là se joue la rencontre. Ce qui était en souffrance apparaît soudain comme une évidence. À partir de cette coupure, les choses s’ordonnent et se déplient autrement. L’instant de voir n’est pas un problème d’appréhension perceptive, ni le rassemblement cognitif d’éléments épars, il résulte d’un acte. Nous pourrons en débattre et en apprécier les finesses avec les quatre cas présentés samedi – dont celui de Fabian Fajnwaks, AE de l’ECF. Philippe Lacadée animera cet après-midi, avant de le ponctuer par un exposé de son cru. Un moment à ne pas manquer !
Rendez-vous cliniques du CPCT-Paris « L’instant de voir » : samedi 16 janvier 2016 de 14 h à 18 h (cpct-paris.fr/actu.php)