Comment se manifeste le « souci permanent d’intervention de la psychanalyse appliquée dans le malaise contemporain » ? Le 4 juin dernier s’est tenue à Biarritz la journée de l’ACF Aquitania, « Ce qui a changé dans la psychanalyse », avec Éric Laurent, Laurent Dupont et Jérôme Lacaux qui nous ont fait l’honneur de leur présence. Dans la salle de la Rotonde du Bellevue qui offre une vue enchantée sur l’horizon biarrot, nous avons passé une journée passionnante.
Au creux de celle-ci, Philippe La Sagna nous a notamment offert un tour d’horizon de la psychanalyse appliquée au cœur du moment actuel. Sous le titre « La psychanalyse appliquée au réel », il a soigneusement précisé la place et la fonction que celle-ci occupe dans le climat social et politique actuels. Aujourd’hui, ce sont les Instituts du Champ Freudien, parmi lesquels le CPCT, qui sont à la manœuvre, en première ligne de la bataille ouverte par une politique managériale qui produit une ségrégation toujours plus patente sous le couvert des bonnes pratiques. Les institutions sanitaires et sociales ne parviennent plus à masquer l’échec du sens et laissent les sujets au ban de la parole et de tout traitement, toujours plus désemparés, flottants.
Philippe La Sagna a rappelé la remarque de J.-A. Miller en 2001 : la pratique de l’écoute tend à faire exister l’Autre. Eh bien précisément, la demande adressée aux institutions de la psychanalyse appliquée témoigne de plus en plus que l’Autre n’existe pas ! Aussi, le CPCT reçoit-il des sujets qui se sentent oubliés du sens, pour lesquels le symptôme devient difficile à produire, qui présentent des séries d’actes énigmatiques, des maladies hybrides difficiles à définir. La clinique et les identités sont plus floues, parfois vacillantes parce que moins requises par les codes institutionnels et familiaux. Ainsi se dénude l’effondrement progressif des collectifs partenaires du sujet. Aux prises avec l’individualisation forcenée qu’impose la globalisation, le sujet se trouve de plus en plus seul et isolé. D’où une demande de sens exacerbée.
Face à cet Autre qui incarnait le sens, face à la défaite des institutions qui pouvaient faire croire à une stabilité du discours, face à cette faillite du sens qui ne propose au sujet que des identités en toc, cousues du faux sens qui inonde les réseaux sociaux, seul le désir de l’analyste ouvre un trajet au-delà et peut permettre de sortir de cette impasse du sens. La psychanalyse appliquée permet la production d’un symptôme. C’est le symptôme qui parle et donne une énonciation au sujet.
Les institutions de psychanalyse appliquée « …appliquent dans l’enceinte du refuge qu’elles constituent (…) les principes que la psychanalyse pure a permis de mettre au jour. »[1] La psychanalyse appliquée s’évertue à recevoir chacun avec le réel de ses symptômes pour lui permettre de parler.
Philippe La Sagna a su dégager comment les dernières avancées de la psychanalyse permettent de répondre à ces sujets et de conduire le traitement au CPCT. Prendre en compte le réel qu’ils rencontrent pour produire un symptôme qui permet de parler, ou ne pas trop l’évoquer pour s’en protéger, relève du même tact. De s’y confronter rend nécessaire « d’essayer de se mettre à l’heure de la clinique borroméenne », pour ne pas effacer le réel du discours et permettre que la parole et le lien social reprennent leur place. Ouf : il reste un horizon !
[1] Guéguen P.-G., « Quatre remarques sur la psychanalyse appliquée », in Miller J. [s/dir.], Pertinences de la psychanalyse appliquée, Paris, Seuil, Champ Freudien, 2003, p. 27.