Il y a eu les blousons comme les chaussettes noires, les hippies et leurs grands frères, les beatniks, il y a eu les Ziggy Stardust et leurs rejetons, mais aussi les punks avec ou sans chien, les rappeurs avec ou sans casquettes, « les zonards qui descendent sur la ville »1. Il y a les cailleras, les BCBG, les emos, les no style, ceux qui ont une life et ceux qui n’en n’ont pas, il y a les skateurs, les teuffeurs ou les tecktoniks. Il y a des bandes de garçons et de plus en plus, aujourd’hui, de filles qui se font et se défont, des jeunes gens qui s’y protègent, s’y réfugient ou au contraire n’arrivent pas à y rentrer, il y a des sujets qui sortent de l’enfance et préfèrent être tous seuls, ou encore se sentent toujours trop tout seuls, même en groupe.
Qu’on considère que comme la jeunesse, elle n’est qu’un mot2, une représentation sociologique récente, ou qu’on l’aborde comme construction du sujet, le « symptôme puberté » comme le nomme Alexandre Stevens3, hier comme aujourd’hui l’adolescence inquiète dans la permanence de sa puissance de déflagration des semblants et de remise en cause de la marche du monde. N’est-ce pas qu’hier comme aujourd’hui, ce à quoi ont à répondre les dits adolescents c’est qu’au moment de « l’éveil de leurs rêves »4, se dévoile la béance d’un réel, de structure, et que faire l’amour avec une fille ou un garçon, surtout, quitter ses parents et s’engager dans sa vie, « si ça rate, c’est pour chacun »5 ? Face à cette énigme de la place où venir se loger dans et auprès de l’Autre, une seconde permanence, aujourd’hui comme hier, sera la réponse apportée par le fantasme, ou le sens que prendra un destin.
Pourtant, si la structure échappe au contemporain, il n’en demeure pas moins que notre siècle offre des objets et des idéaux plutôt fluctuants à venir offrir aux sujets en quête de nouvelles formes où pouvoir loger leurs interrogations. C’est pourquoi ce numéro accueille les cliniciens qui donnent à voir les diverses modalités de réponses des ados de notre siècle, en préparation au point d’orgue que constituera la prochaine Journée de l’Institut psychanalytique de l’Enfant, le samedi 18 mars. Son directeur, Laurent Dupont, nous fait le cadeau d’une interview qui en dit déjà toute l’orientation, une orientation fondée sur la rencontre entre un sujet en devenir et un clinicien qui a pris la mesure de ce réel qui se dénude. C’est bien l’offre évoquée par Lacan : qu’une parole puisse se dire, un discours, toujours en prise avec le corps, s’élaborer, pour que se déploie, non dans un passage à l’acte, mais en acte, la puissance des possibles.
1« Quand on arrive en ville », chanson de M. Berger et L. Plamondon dans la comédie musicale Starmania, 1979.
2CF Bourdieu P., « La jeunesse n’est qu’un mot », Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1984. Ed. 1992 pp.143-154.
3CF notamment éidtorial n°2, Le Zappeur, septembre 2016, http://www.apreslenfance.com/?wysija-page=1&controller=email&action=view&email_id=31&wysijap=subscriptions
4Lacan J. , « Préface à L’éveil du Printemps », Gallimard, 1974, p. 9.
5Ibid.