Intitulée « J’ai un problème avec mon corps », la 7e Journée du CPCT Aquitaine s’est déroulée le samedi 11 octobre dernier au château du Diable à Cenon, réunissant pour l’occasion plus de 215 participants de tous horizons. En ouverture, le Dr Delpech, adjoint au maire, témoigna de la confiance et de l’attente de la ville à l’égard du CPCT.
Philippe La Sagna, en sa qualité de président, précisa l’importance, dans la cité, de ce lieu d’accueil de la parole qu’est le CPCT : « À une époque où la qualité du lien social devient souvent le seul rempart contre la crise, voire la ségrégation, le discours analytique est devenu une composante essentielle de ce lien social et du lien à venir ».
En ce sens, si le travail du CPCT se noue au discours analytique, il y a cependant bien des manières pour celui-ci de prendre corps. Et justement, un des propos de Fouzia Liget, directrice du CPCT de Nantes, était de mettre en lumière un fonctionnement différent, en ce qui concerne la temporalité du travail de cartel qui n’intervient qu’en fin de traitement[1]. Elle a pu également évoquer sa pratique, à travers l’accueil de la parole d’un sujet en faisant déconsister l’idéal du signifiant « travail » auquel il était rivé, enserré.
Pas de corps parfait, pas d’idéal non plus, n’en déplaise au superman bodybuildé imprimé sur le programme de la journée. Les intervenants du CPCT Rive Droite et de Lien Social ont tenté de penser un petit bout de ce corps imparfait au travers de vignettes cliniques : être ou avoir un corps, le corps intouchable, celui de l’autre, le corps absent, et la place du corps de l’analyste. Ainsi, si chaque présentation signait un rapport au corps unique, un certain nombre de questions transversales ont émergé : quel est l’intérêt des séances courtes ? Comment se donner la chance d’attraper la question sur un point vif ? Quel accueil faire à l’énonciation du sujet ? S’agit-il d’interpréter le sens inconscient ainsi que le proposait Freud au début de sa pratique, ou bien de limiter la jouissance du sujet ? Par quoi l’acte de l’analyste est-il orienté ? Comment permettre à chacun de trouver une formule inédite pour être au monde ? C’est à cela que les intervenants ont tenté de répondre, pour penser ce que peut être la clinique lacanienne du corps au XXIe siècle dans la pratique singulière proposée au CPCT : à savoir des traitements psychanalytiques courts, gratuits, d’une quinzaine de séances.
Le CLAP, Centre de Consultations et Lieu d’Accueil Psychanalytique Petite Enfance, « nouvelle branche de l’arbuste CPCT » a, quant à lui, proposé un cas clinique à trois voix. Corps étrange, différent, puisqu’il propose un fonctionnement tout à fait original. En effet, il accueille parents et enfants jusqu’à l’âge de six ans, pour cinq à six consultations. La particularité tient au fait que les intervenants les reçoivent au même moment, mais avec la possibilité d’avoir accès à des pièces différentes selon qu’il s’agit de travailler ensemble ou bien d’aménager un espace individuel. La question du corps de la famille est donc traitée de façon surprenante puisque chacun, au loisir de ses jeux, mouvements, errances, peut s’en dissocier pour mieux y revenir à partir de sa place de sujet. Ainsi, au gré de ses va-et-vient, et pendant que ses parents étaient reçus, un jeune garçon a pu s’apaiser et se délester d’un certain nombre d’objets qui encombraient son corps.
Le corps médical était lui aussi invité en la présence de Charles Cazanave, praticien hospitalier en maladies infectieuses et tropicales au CHU de Bordeaux ; Julie Versapuech, dermatologue à Bordeaux ; Rémy Lestien, gynécologue et psychanalyste à Nantes. Leur pratique au cours de leurs rencontres médicales a posé la question délicate de la maladie en place de symptôme chez le sujet contemporain. Maux à mots, a été abordé la difficulté de dénouer le corset du savoir médical afin d’entendre aussi celui du patient. La meilleure prescription, a-t-il été ajouté, est parfois de ne pas soigner, de ne pas soulager la douleur mais d’entendre ce qui se joue, ce qui se jouit ailleurs.
Comment penser le corps à corps paradoxal de la prise en charge psychanalytique dans un espace médical puisque : « le pur acte scientifique rate toujours » ?
Le corps enseignant, enfin, n’a pas fait pas exception en la présence de Catherine Thomas, enseignante de la classe relais, et Éric Dignac, réalisateur, intervenant au sein de cette classe, venus nous présenter un court métrage d’une drôlerie doucement percutante, « Mutation nocturne », écrit et réalisé par les élèves. Leur travail a permis d’aborder comment, au travers de l’écriture d’un corps de texte, prennent forme sur la toile des adolescents se saisissant du cadre de la vidéo pour travailler différemment la question de leur place, de leur corps. Comment accueillir, comment faire avec l’agitation et la souffrance dont ils peuvent témoigner ? Les intervenants nous ont proposé quelques éléments de réponse, du « savoir-y-faire » qu’ils ont développé au contact de ces adolescents au fur et à mesure des années. Un travail d’une finesse et d’une pertinence remarquables.
Au final, le corps était donc bien présent, y compris pour le corps psychanalytique. Puisque en ce jour, nous portions tous, épinglé au corps sous forme de badge, en clin d’œil, le thème de la journée du CPCT : « j’ai un problème avec mon corps ». Intense, foisonnante en pratiques et expériences différentes, cette journée a fait trace, pas à pas, en déployant la richesse des solutions trouvées par chaque sujet pour faire « avec », dès lors qu’une place leur est donnée en tant que corps parlant.
[1] La formation des intervenants des trois CPCT comprend un travail de cartel, sous l’égide d’un Plus-un éclairé, qui permet de dérouler et de discuter chacun des cas rencontrés. À Bordeaux, il intervient en cours de traitement, une fois par mois environ, tandis qu’à Nantes, ce travail ne s’effectue qu’une fois le traitement terminé.