Paul, 16 ans, vient au CPCT du fait d’insomnies corrélées à des absences au lycée. Il vit avec sa mère qui s’absente au rythme des aléas de ses relations amoureuses et voit peu son père du fait de son éloignement géographique et par le manque d’élan vital qu’il suscite.
Paul relate son histoire en l’articulant à la question de la mort : les décès de membres de sa famille constituent des marqueurs chronologiques qui jalonnent son enfance.
Mortification : se faire absent de la scène sociale
Les insomnies qui ont débuté quelques mois avant notre premier rendez-vous ont pris le relais de symptômes corporels récurrents (maux de ventre, de tête, nausées) : un corps douloureux qui obligeait Paul à garder le lit et à s’absenter du collège.
Prélevant le signifiant insomnie dont Paul dénonce le manque de prise en compte par l’Autre, je l’invite à en déplier son usage singulier. Tirant le fil de son énoncé les pensées ça m’emporte, l’insomnie d’abord référée à un corps immobile et sans affects, révélera l’omniprésence de la pensée. Le contenu restera sous silence, puis Paul évoquera des souvenirs infantiles honteux dont il préférera taire la nature, ce que je respecterais. Toutefois, la dimension sous-jacente de l’angoisse sera cernée : c’est dans une anticipation contrôlée que Paul prévisualise la journée scolaire. Le moment où il faut y aller fait surgir une angoisse que Paul traite par la dérobade.
Vivification : se faire présent sur la scène de l’Autre
La mortification de son corps révèle une jouissance solitaire qui place Paul dans une position de retrait. Rencontrer un consultant qui a accueilli l’impossible de Paul a permis de destituer l’impératif maternel bouge-toi. L’offre de parole a opéré une mise en mouvement, qui a conduit Paul vers un dire. Au début des entretiens, Paul cherchait la précision. Cette précaution s’est effacée et a laissé place à une parole délestée de l’embarras, un dire plus consistant.
La modalité de reprise du traitement après la rupture estivale témoignera de cette vivification qui impacte le corps dans la mise en acte de la parole. Paul viendra en personne au CPCT pour reprendre rendez-vous, signalant son désir de poursuivre son travail. Pour parler il y faut le corps, il y faut la rencontre des corps.
Se faire un corps vivant
Paul s’est ouvert à l’expérience d’une parole inédite, dont l’impact a opéré un changement. Les insomnies ont cédé et Paul a pu reprendre le chemin du lycée. Il notera une modification de sa position de retrait à l’occasion de la rentrée, surpris de répondre présent à l’invitation d’un nouvel élève pour s’engager dans une conversation. Notre ultime rendez-vous a permis à Paul d’extraire le point fondamental de cette expérience : c’est surtout que je me suis mis à parler. Si l’impact du signifiant mort que Paul a rencontré dans son enfance a laissé sa trace dans le corps en le cadavérisant, venir parler à un consultant du CPCT a insufflé du vivant, impactant le corps autrement : en lui permettant de se faire un corps vivant.