Théâtre de l’Atelier, mercredi 5 novembre 20h30, acteur, Jacques Weber, auteur, Bernard-Henri Lévy, qui vint parler avec la salle après la représentation, rassemblée sur une initiative de l’Envers de Paris.
Après la présence de l’acteur, alternant la confusion, l’exaltation, l’outrance, l’ironie, la ferveur la déprime la joie la peine ou la douleur, BHL, généreux et bien présent, expliqua que son texte mêlait le corps de l’auteur avec la pensée qui l’attrape, le tient, le bouscule, le convoque.
Comme le fera remarquer Jean-Daniel Matet, président de l’EuroFédération de Psychanalyse dont le projet, pour BHL, correspond, dira-t-il, à celui des Lumières en Europe, avec ces échanges en plusieurs langues et ces pays multiples, il y a un enjeu du texte qui intéresse les psychanalystes. Il s’agit de cette question politique aiguë du choix, au présent, entre l’uniformité sans parole et une nouvelle donne politique.
Cette nouvelle donne, BHL l’expliquera avec une simplicité bien rare dans le débat politique contemporain. Elle relève notamment d’un constat: la nation n’est plus l’échelle adaptée. S’en déduit un autre constat : comment passer de plusieurs nations qui font leurs cuisines locales et s’isolent en silence, à une organisation politique nouvelle, à une donne novatrice qui ne soit pas juste le fruit d’un savoir-faire technocratique, comme l’est si souvent la Commission européenne, épinglée dans le texte d’Hôtel Europe, avec ses réglementations raffinées qui divertissent des juristes sourcilleux. À l’appui du constat, venait faire écho le final de Jacques Weber : une déclamation, voire un plaidoyer, pour la construction d’un discours qui se tienne en matière d’Europe.
Ainsi, ce que propose BHL n’est pas un remède, moins encore une recette. Il fera remarquer, suite à une interrogation de Philippe Benichou, directeur de l’Envers de Paris, précisément sur cette question d’acte politique et de suite à trouver devant ces constats peu glorieux, notamment ces ratés politiques dans différents conflits de ces dernières décennies, que les moments où il réussit à poser des actes sont finalement rares et dépendants des contingences.
Ces contingences sont encrées d’une traversée des siècles, elles imposent des outils nouveaux, un réveil radical et une rigueur renouvelée. C’est sur ce point qu’Anaëlle Lebovits-Quenehen interrogera BHL en reprenant le moment qui verra s’opposer Husserl et Heidegger : l’Europe n’avancera pas si chacun s’exclut d’un effort de lecture, d’un rapport à la lettre, qui est d’abord sa marque, de Jérusalem à Athènes, et d’Athènes à Milan, de Milan à Sarajevo, et de Sarajevo à Munich, de Munich à Stockholm.
On pourra relire le texte et revoir la pièce, pour sa densité. On pourra aussi relire ces époques pas lointaines du tout, où les décideurs, comme on dit d’eux, ne furent pas à la hauteur. Avec ce texte, BHL engage son corps dans l’élaboration d’une pensée sur l’Europe, comme il engage celui de chacun, pour rencontrer une histoire parfois un peu bizarre, souvent un peu violente.