L’idée de faire, après environ quinze ans de pratique institutionnelle, un stage dans ce que je percevais alors comme une institution s’orientant de l’enseignement de Lacan, s’accompagnait d’un certain espoir de m’affranchir de ce que l’institution en elle-même peut comporter de surmoïque. À ce surmoi institutionnel, j’avais attribué une certaine difficulté à régler mes scansions dans la séance non sur le chronomètre mais sur la jouissance à l’œuvre dans la parole. Il me semblait alors que je ne pouvais réellement pratiquer la coupure après un temps bref de séance, sans risquer de m’attirer de graves remontrances. M’exerçant néanmoins à l’écoute du signifiant, une écoute en elle-même subversive par rapport au bain de sens et de signification par ailleurs répandu autour de moi, je ne pouvais me résoudre à arrêter une séance trop vite. Ainsi, avec ce stage au CPCT, l’idée était de me permettre de résoudre cette impasse, avec l’assentiment d’un Autre, toujours un peu trop consistant.
Pourtant, cela ne se fit pas si facilement, la plainte d’une patiente reçue, qui estimait ne pas avoir bénéficié d’un temps assez long lors de la séance précédente, me conduisit encore à m’éloigner du tranchant de l’acte de coupure d’une séance. Pourtant mes années de formation dans le champ freudien et mon analyse, m’avaient amenée à entendre, au-delà des dits, un dire appelant à une scansion. Cela se mit aussi au travail en analyse. Qu’est-ce-qui en moi rechignait à mettre en œuvre une pratique dont le maniement de ma propre analyse me démontre l’efficace ? De quelle signification imaginaire cet acte est-il trop encombré pour susciter une telle résistance ?
Récemment cependant, mon stage à peine terminé au CPCT, je me surprends à mettre fin promptement à la séance d’un patient qui venait à peine d’arriver mais qui avait formulé un dire inédit qui me semblait être un aveu de jouissance. À l’effet de surprise s’ajouta un effet d’allègement dont il me témoigna lors de la séance suivante. Je pense pouvoir émettre l’hypothèse, sans dérouler ici le cas, que quelque chose de la jouissance du sens a pu être, ce jour-là, entamé, avec une coupure qui a eu valeur d’interprétation pour lui.
C’est donc en cabinet et non pas au CPCT que je me suis autorisée à pratiquer une séance courte lorsque cela me semble une évidence, pour dégager un dire, « visant, comme le souligne Esthela Solano-Suarez, […] ce qui résonne dans la matérialité sonore de ce qui s’entend »[1] et, peut-être, produire quelques effets. Mais il m’a fallu le détour par le CPCT, pour m’apercevoir que ce que j’imputais alors à l’Autre institutionnel, que ce soit un Autre interdicteur ou un Autre qui autorise, venait surtout de mon propre rapport à l’Autre et qui provoquait une certaine résistance, voire un refus de couper la parole de l’autre.
L’enseignement du CPCT a donc permis de faire dé-consister l’Autre et de m’autoriser un peu plus de mon écoute. Il s’agit d’un effet de formation que je situe dans la manière que j’ai de régler ma position, et cela, comme le souligne Pierre-Gilles Guéguen dans un texte récent préparatoire à « Question d’École », n’est pas tant affaire de « règles techniques » que du « désir particularisé de l’analyste »[2].
[1] Solano-Suarez E., « Ce qui s’enseigne dans le contrôle », L’Hebdo-Blog, n°191, 3 février 2020, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr).
[2] Guéguen P.-G., « La vérité : s’en servir pour savoir s’en passer ? », L’Hebdo-Blog, n°189, 20 janvier 2020, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr).