Nous souhaitons reprendre le débat proposé par Question d’École de janvier 2021 et interroger ce qu’il en est en 2025 de cette actualité brûlante, le fake. Quid du fake dans son rapport au vrai, à la vérité, au mensonge, à la post vérité et au post mensonge ? Le fake a imprégné en quelques années le monde médiatique et politique. Il dénonce une vérité, la marquant du saut de facticité : chaque fake recèlerait une vérité qui en cacherait une autre. Le fake ne donnerait-il pas alors un sens ultime, une vérité absolue, qui conduirait aux théories du complot les plus extrêmes et même dangereuses ? Cette notion, fake, renverse la différence entre la vérité et le mensonge par l’allégation d’évidences contradictoires. Or vérité et exactitude ne se recouvrent pas. En psychanalyse, la place de la vérité est un lieu vide. Il y manque le vrai sur le vrai et, nous dit Lacan, c’est là proprement la place de l’Urverdrängung. Il y a donc un paradoxe de la vérité que recouvre le fake. Ce paradoxe s’entend dans ce que Jacques-Alain Miller pointait : dès qu’on parle, on complote.
L’inconscient freudien s’était forgé avec l’idée d’une vérité cachée et Lacan n’a pas cessé dans son enseignement de parcourir et de tordre la question de la vérité et du mensonge. Le signifiant fonde ce que Lacan appelle des lambeaux de discours, qui nous ont frappés. Comment la psychanalyse se positionne-t-elle dans la dimension contemporaine du fake qui traverse sans retenue les milieux politiques ? Partant d’une conception de la vérité à laquelle il fait dire « Moi, la vérité, je parle » dans « La chose freudienne », Lacan concevra plus tard la vérité dans « Télévision » comme pas toute, car les mots y manquent. « C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel.1 » La vérité derrière laquelle on court ne peut s’attraper sauf par la facticité du sens et la croyance. J.-A. Miller propose un pas de plus pour lire le fake actuel : la vérité est menteuse sur la jouissance. Lacan enfin va jusqu’à dire que l’exploit de la psychanalyse, c’est d’exploiter le malentendu.
Les trois textes ici présentés par leurs auteurs exploitent eux les effets et les conséquences du fake : Fake, vérité et hors-sens par Laurent Dupont, le marché international du mensonge à l’heure de l’ère du post mensonge par Catherine Lazarus-Matet et La vérité au temps de l’Autre qui n’existe pas à partir de la structure de réseau caractéristique de notre époque par Jérémie Wiest.
Marga Auré et Françoise Haccoun
[1] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 509.