Le discours contemporain promeut une inclusion pour les épars désassortis que sont les sujets dans le milieu dit ordinaire. Autonomie, inclusion sont les nouveaux signifiants-maîtres qui circulent dans les champs éducatif, médico-social, scolaire. Relèvent-ils pour autant d’un forçage ? Alors que les processus d’exclusion s’intensifient, le discours du maître tente de les contrer par une injonction à l’« inclusif ».
Ces ambitions inclusives tendent cependant à alimenter les ségrégations qu’elles cherchent à abraser. La psychanalyse d’orientation lacanienne propose, quant à elle, une autre voie, celle de loger la singularité de chaque sujet et son exception dans le lien social.
Si l’inclusion est aujourd’hui une tentative d’homogénéiser, de fondre le singulier dans l’universel, la généralisation d’une telle démarche va cependant contre la prise en compte de la subjectivité. La dialectique du sujet, telle que Lacan l’a définie et démontrée, est en soi une illustration marquante qu’au pendant inclusif correspond une pente exclusive. Lacan articule une temporalité logique et non chronologique, avec deux opérations : aliénation et séparation. Si le sujet doit en passer par l’Autre du langage pour se faire représenter, il s’ensuit néanmoins une séparation, dont résulte un reste, l’objet a, point de jouissance et cause du désir. Il en va donc de la logique même de la subjectivité de, certes, s’aliéner à l’Autre, mais aussi de s’en séparer non sans un reste.
Comment le discours inclusif résout-il le paradoxe d’une aliénation impliquant une séparation ? Les textes de ce numéro éclairent les enjeux de la logique inclusive, nouveau symptôme et réponse au malaise dans la civilisation.
Romain Aubé & Françoise Haccoun