Il y a plus d’un demi-siècle, Jacques Lacan prononçait son séminaire L’Acte psychanalytique. Il vient de paraître, grâce à l’édition de Jacques-Alain Miller. Cette édition vaut pour l’original irréductible à la version orale dite devant un public. Le lit-on, aujourd’hui, pour savoir comment on pensait la psychanalyse dans ces années-là ? Absolument pas. On le lit pour savoir comment s’orienter aujourd’hui dans la clinique psychanalytique et notamment comment s’assure ce passage du psychanalysant au psychanalyste et donc comment se dénude la fin d’une analyse.
Mais qui lit, ligne à ligne, les seize séances du séminaire, est invité à un effort touchant à la logique. Cette dernière peut rebuter et, pour certains, s’opposer à la clinique. La cure n’implique-t-elle pas le concret de la rencontre, l’effectivité des paroles prononcées, la pragmatique des interventions, etc. ? Ce n’est pas la position de Lacan qui sollicite la logique pour savoir comment s’orienter. L’effort dans la lecture devient ascèse. Pourquoi s’astreindre à cet exercice ? Parce que la définition du sujet, représenté par un signifiant pour un autre signifiant, si l’on veut en faire autre chose qu’un slogan, nécessite de repérer la subversion épistémologique impliquée avec ses conséquences cliniques. Lorsque Lacan, par exemple dans la séance 8, dialogue avec Charles Sanders Peirce, c’est pour affirmer que le sujet ne relève d’aucune ontologie mais se définit à partir d’une case vide (voir page 145) : « il y a la case où il n’y a pas de traits [le prédicat trait vertical n’est pas vérifié] – c’est là qu’est le sujet ». Je laisse le lecteur prendre un papier et un crayon. Ce dialogue avec la logique n’est donc pas un excursus mais bien le cœur de l’affaire où advient le sujet de l’inconscient : le sujet fonctionne comme n’étant pas, il n’implique pas un être, une ousia.
C’est parce que cet inouï dans le concept est posé qu’une clinique tout aussi inouïe peut advenir. Les trois textes publiés, ci-après, actualisent cet enjeu.
Hervé Castanet