H. B. : Quel(s) enseignement(s) sur l’objet regard tirez-vous de la lecture des textes qui seront présentés le samedi 5 novembre au Palais des Congrès, en tant que coordinatrice des simultanées des Journées 46?
Clotilde Leguil : Ce qui est frappant, lorsqu’on axe ainsi la présentation de cas cliniques autour de la fonction de l’objet regard dans la cure, c’est qu’on aborde une zone qu’on pourrait dire souterraine du sujet. Il n’est pas question du sujet qui désire, du sujet qui parle, du sujet qui aime, du sujet qui veut, mais du sujet qui se sent regardé de partout, du sujet pour lequel le regard est un objet en trop, un objet inhibant, un objet angoissant.
La première surprise a donc été de découvrir des cas qui avaient presque tous un trait commun : il y était question de la difficulté à rencontrer l’autre.
Avec Laurent Dupont, nous avions pensé au départ que le regard évoquerait peut-être aussi l’amour au premier coup d’œil, le coup de foudre, le choc de la rencontre avec le regard de l’autre comme premier chapitre d’une histoire, mais nous avons découvert que « l’objet regard » nous conduisait à l’envers de l’amour. Ce qui est aussi finalement un enseignement de Lacan, qui aborde la question du regard dans son articulation avec le surgissement de la pulsion. L’objet regard conduit à aborder la clinique par un biais qui met d’emblée en avant la dimension du rapport au réel. Il est question du corps, de la répétition, de la pulsion, bien plus qu’il n’est question du rapport à l’Autre.
Lors du travail avec Carolina Koretzky et Fabian Fajnwaks, nous avons alors cherché à rendre compte – à travers les axes que nous avons proposés – de la façon de se déclinait cette fonction du regard comme objet a dans les extraits de cures qui nous ont été présentées.
H. B. : Qu’est-ce que cela éclaire de notre monde dans le rapport à cet objet, et quelles en seraient les conséquences cliniques ?
C. L. : Je dirai que ces simultanées sur « L’objet regard » vont peut-être apparaître comme l’envers des simultanées qui n’ont pas eu lieu en 2015 sur « faire couple ». A l’heure où le « faire couple », est à certains égards mis en péril par les nouvelles coordonnées d’un monde où chacun est de plus en plus seul avec ses exigences pulsionnelles, confronté de façon toujours plus intense à l’incomplétude de l’Autre, « l’objet regard », prévalent dans nos existences, n’introduit pas tant à la rencontre qu’à l’impossibilité de la rencontre.
C’est cette dimension que nous allons explorer lors de ces simultanées : comment la clinique lacanienne conduit à introduire de la contingence ouvrant sur une rencontre avec l’autre possible, là où le rapport à l’objet regard contribue paradoxalement à séparer le sujet du champ du langage.