Le Centre d’Études et de Recherches sur l’Autisme (CERA), créé au sein de l’ECF, a pour vocation la recherche et l’enseignement sur l’accueil et l’accompagnement des sujets autistes. Pouvez-vous nous préciser son orientation dans le contexte actuel ?
Aujourd’hui, l’autisme focalise des questions politiques, épistémiques et pratiques, différentes voire opposées, qui ont rendu nécessaire la création d’une structure originale comme celle du CERA. Son but est de faire connaître la spécificité de la pratique psychanalytique avec les autistes, qui diffère grandement sur le fond et la forme des autres modes de traitement existants, lesquels relèvent souvent de l’éducation, de la rééducation ou du conditionnement, et considèrent que l’autisme est un handicap. Nous, psychanalystes et praticiens orientés par la psychanalyse, ne soignons pas des maladies, mais des personnes que nous essayons de soutenir dans leur effort de mener une vie digne, allégée de leur souffrance autant que possible. À la différence des méthodes éducatives, nous n’appliquons pas une méthode universelle, mais nous essayons de faire du sur-mesure. Pas de dogmes mais des principes cliniques.
Comme la théorie analytique est directement issue de la pratique avec les patients, les exposés cliniques sont très présents dans nos formations au CERA. Nous présentons des cas pratiques dont nous nous enseignons et nous exposons aussi la manière dont les praticiens procèdent avec ces patients. Ainsi, nous considérons que l’autiste est au travail, et que sa façon de se comporter, ses symptômes, sont des tentatives pour surmonter les difficultés auxquelles il a affaire. Nous recevons chaque sujet en prenant en compte sa singularité. Les trouvailles qui sont précieuses pour l’un ne peuvent pas toujours se transposer à un autre, comme l’expérience de notre pratique nous le montre.
Le 23 mars prochain seront présentés et commentés des cas cliniques. Nous écouterons également des proches de sujets autistes nous faire part de leur expérience qui nous en apprend beaucoup, toujours riche d’enseignement, ainsi que des personnes à pied d’œuvre dans la recherche sur l’autisme.
L’autisme pour tous ? est le titre donné à la prochaine journée d’étude. Quelle formule étonnante, qui laisse penser que tout un chacun est concerné par cette position subjective. Comment ce thème est-il venu à jour ?
Ce titre est volontairement équivoque. D’un côté, nous observons la montée de l’individualisme moderne, caractérisé par l’appareillage de ses écrans ou la création de « safe space » – espaces protégés – qui ressemblent bien souvent à des bulles autistiques. Cela donne l’impression que nous vivons de plus en plus dans un monde d’autistes. D’un autre côté, nous constatons une prolifération des diagnostics d’autisme pour des malades qui n’auraient pas été diagnostiqués comme tels il y a encore quelques années. Une tribune du journal Le Monde, en date du 7 février 2024, est éloquente ; elle ne propose rien de moins que de supprimer l’appellation « schizophrénie » jugée « trop stigmatisante » et « pas assez fondée scientifiquement ». Gageons qu’un certain nombre de ces sujets « déstigmatisés » sera, et s’avère déjà, baptisé « autiste » ou relevant du « spectre autistique ». Cette évolution ne dessert-elle pas finalement les autistes, pour lesquels les ressources allouées aux soins, à l’éducation, etc., restent toujours insuffisantes ?
Vous pourrez en apprendre bien plus le 23 mars prochain ! Je vous rappelle que la journée se déroulera exclusivement en présence, et nous nous organiserons pour faciliter la convivialité entre les participants.
Questions posées par Hervé Damase et Cécile Favreau de Rivals