La croyance, selon Lacan, est ce « phénomène avec son ambiguïté dans l’être humain, avec son trop et son trop peu pour la connaissance – puisque c’est moins que savoir, mais c’est peut-être plus […], c’est s’engager, mais ce n’est pas être sûr »[1].
« C’est moins que savoir », le sujet n’est pas assuré que ce soit vrai. La croyance renvoie à la question de la vérité. Il n’y a pas de preuve de celle-ci en référence au savoir scientifique où la démonstration d’une hypothèse et sa vérification entrainent la certitude. « Mais c’est peut-être plus », ajoute Lacan. La croyance engage le désir du sujet. Croire, c’est donner son assentiment à quelque chose, à quelqu’un sans garantie. Il « n’y a d’autre garantie de la vérité que la bonne foi de l’Autre, et celle-ci se présente toujours au sujet sous une forme problématique. […] le sujet reste suspendu à l’entière foi en l’Autre » [2]. Rien d’autre ne vient garantir la parole que la parole elle-même. La croyance en l’Autre ne relève pas d’une question sur le savoir, mais elle implique le transfert, c’est-à-dire l’amour. Croyance et amour sont liés. L’amour de Dieu en est l’exemple princeps, un Dieu supposé tout savoir.
La croyance est le ressort de la cure analytique. L’analyse ne peut s’effectuer sans la mise en jeu d’une croyance en l’inconscient, au symptôme qui va délivrer une vérité à l’insu du sujet. L’analysant croit que son symptôme veut dire quelque chose et qu’il est analysable par la parole. Il éprouvera dans son analyse que ce dont il se plaint, il en jouit. Une autre vérité que celle du déchiffrage se fait jour, une vérité sur la jouissance. Le transfert, autre nom de la croyance, est le ressort de la cure, et plus précisément l’amour de transfert qui présente deux versants : l’amour pour le savoir – l’inconscient comme savoir ainsi qu’un sujet supposé à ce savoir – et l’a-mour dans sa dimension libidinale. L’analysant va loger l’objet, objet cause du désir, dans l’Autre, dans l’analyste.
Maintenir la croyance en l’amour de transfert, refuser de lâcher l’amour fait barrage au savoir. L’expérience analytique va à rebours de cette aspiration à l’amour par la mise en jeu du savoir en lien avec le désir de l’analyste. C’est un savoir qui a pu être apparenté à l’horreur de savoir, un savoir sur son être de jouissance. Le sujet veut-il vraiment savoir ? Il y faut un consentement, voire un pari. Le gain de savoir obtenu dans l’analyse est l’objet d’une démonstration lors de la procédure de la passe : « Le passage de l’analysant à l’analyste implique que cette bascule du sujet supposé savoir, où l’analysant passe du manque à savoir son être de jouissance à celui qui sait – pour n’avoir pas reculé devant l’horreur de savoir. » [3]
[1] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 163-164.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, La Martinière / Le Champ freudien éditeur, 2013, p. 468.
[3] Bosquin-Caroz P., « Une présence incarnée », La Cause freudienne, n°76, décembre 2010, p. 21.