Les deux faces du symptôme imposent à l’analyste deux écoutes différentes. Ainsi, une face interprétation et une face constatation donnent forme au symptôme [1], et convoquent la circulation de l’analyste entre une « écoute au niveau de la dialectique » et une « écoute de l’itération » [2].
Du côté déchiffrable du symptôme, la « puissance de la parole » [3] opère par l’interprétation. L’écoute dialectique permet de le délester du sens qui pesait sur la vie libidinale du sujet. Et elle accompagne le vidage de l’être du sujet jusqu’au désêtre, via la traversée du fantasme, avec ses effets connus de dépression et d’allègement mêlés.
L’autre face du symptôme est ce qui reste et se dénude lorsqu’il est déchiffré, c’est-à-dire qu’une fois interprété, le symptôme se révèle finalement comme non dialectique, indéchiffrable. Quelque chose se répète, et, en cela, il se distingue des autres formations de l’inconscient par sa permanence – permanence produite par la fixation de libido, la fixation de la pulsion comme racine du refoulement, c’est ce que Lacan traduit par l’Un de la jouissance qui fait événement de corps.
L’expérience analytique est donc pour une part au niveau du sujet de la parole, mais elle ne peut s’y réduire puisqu’il y a un corps qui se jouit, celui du parlêtre. Cette jouissance itère, et c’est ça qu’il s’agit d’écouter.
L’écoute convoque la sensibilité du corps. Avoir l’oreille (a)bsolue, au-delà du sens ou malgré lui à travers l’équivoque, c’est réussir à entendre la résonnance, la consonance, le son, la vibration du signifiant Un, hors sens, venu marquer le corps d’un événement de jouissance.
Osons l’analogie avec la musique, et proposons ceci : parmi toutes les notes jouées sur le clavier qui composent la sonate de l’analysant, si le corps y est sensible, s’entend la note qui itère l’événement de jouissance.
Les notes transcrites sur une partition traduisent des sons, c’est une écriture qui paraît hors sens mais qui est à déchiffrer : le corps comme interprète y est convoqué. Et, de temps en temps, répétitivement, il y a la note, celle qui fait dresser l’oreille et qui provoque un écho dans le corps, celle qui parfois dérange la belle harmonie, la « fausse » note dont on se plaint.
La rencontre de la langue et du corps se produit comme par (a)ccident, c’est le choc primordial, une percussion qui comme celle du diapason produit le L(a) de la jouissance. Dans l’analyse se raconte ce qui a permis de voiler le réel de l’événement : « il est arrivé ceci et cel(a) », récit tissé de souvenirs trahis par les senti-ment(s), destinée fantasmée, où le L(a) fait entendre son itération. Un jour, il n’y a plus rien d’autre à dire sauf à constater qu’il y a ce L(a), vibration du corps qui se jouit de ce reson, et il n’y a, au final, que ça de réel. Le sujet peut alors tenter d’écrire une partition, chanter sa sinthomie à partir de son reson, de sa petite note, et c’est la passe.
[1] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un-tout-seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 6 avril 2011, inédit
[2] Ibid., leçon du 4 mai 2011.
[3] Ibid., leçon du 11 mai 2011.