Édito

Éditorial

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Ce numéro 43 de L’Hebdo-Blog est un double événement : L’Hebdo-Blog a un an ! Oui vous pouvez chanter, et même danser ! Mais il y a autre chose : vous avez devant les yeux la  troisième édition spéciale des 45es Journées de l’ECF. Cette série de trois numéros spéciaux a été rendue possible grâce à la nouvelle voilure de notre embarcation. En effet, avec son rythme hebdo, ses flèches, ses textes ciselés, L’HB est vif et prompt, il permet ainsi de répercuter quasi immédiatement l'incroyable travail qui anime les ACF partout en France, pour s'élancer vers les Journées. Ce n'est pas pour rejoindre « le mouvement du monde »[1] que nous avons voulu un véhicule léger et vif, mais pour être à l'heure de l’époque. Une époque qui clique, zappe, survole, pour ne s'arrêter que sur ce qui, ô surprise, accrochera le désir et arrêtera sa course, un temps. L’HB a dernièrement ouvert quelques-unes de ses portes au public, c'est une petite révolution qui résonne avec le message puissant qu'a fait passer Christiane Alberti lors de l'Intercartel d'Agen (dont vous trouverez écho dans ce numéro), indiquant que c'est en faisant vibrer largement notre désir que nous donnons chance à certains de rencontrer le leur.

Point de départ…

Éric Laurent, dans  son texte  « Genre et jouissance » publié dans l’ouvrage collectif Subversion lacanienne des théories du genre[2] commence son propos avec cette question : y a-t-il une théorie du genre ? En citant Judith Butler, nous dirons qu’il nous introduit tout de go au cœur du titre des Journées : « Faire couple », formule choc qui illustre la part de parodie que comporte cette entreprise. Si le genre, pour J. Butler, est « un acte performatif, comme une série de gestes, d’attitudes, de postures, de normes, des sortes de parodies sans cesse répétées pour acquérir leur légitimité […] », faire couple ne relève-t-il pas aussi de ce jeu ? Virginia Woolf n’était pas sans savoir combien s’imposait le juste maniement des semblants à qui veut entrer dans la danse : « Si différents que soient les sexes, ils se mélangent. Dans chaque être humain se produit une vacillation d'un sexe à l'autre, et souvent ce sont les seuls vêtements qui conservent l'apparence mâle ou femelle, cependant qu'au-dessous le sexe est à l'opposé même de ce qu'il est au-dessus ».[3]

Dessus ou dessous ? Les êtres parlants ne chanteront jamais à l’unisson. Ils ne feront couple que s’ils parviennent à défricher entre les fougères un sentier, malgré l’obstacle à la rencontre qu’est le phallus : un homme, sujet qui a choisi de se ranger côté mâle dans la sexuation, jouit du fantasme et ne peut atteindre son partenaire que par ce fantasme. L’embrouille est donc au rendez-vous car une femme peut, elle, avoir rapport à la jouissance phallique, localisable, et à la jouissance « supplémentaire », jouissance du corps non limitée à l'organe phallique, et jouissance de la parole. Comment alors, compte tenu de ce répartitoire, pourra éclore un couple ? Ce numéro spécial J45 nous en montrera quelques bourgeons. Bonne promenade cher lecteur !

[1] Miller J.-A., L’orientation lacanienne, « Choses de finesse en psychanalyse »,  enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de paris VIII, leçon du 12 novembre 2008, inédit. [2] Laurent  É.,  « Genre et jouissance », in Subversion lacanienne des théories du genre,  Ouvrage collectif sous la direction de F. Fajnwaks et C. Leguil, Éditions Michèle, Paris 2015,  p. 146. [3] Woolf V., Œuvres romanesques, II, Orlando, Gallimard, NRF, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, 2012, p. 318.

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Lacan TV nous regarde

Et oui, cher lecteur, j’ai fait clic pour aller voir Lacan TV. La première web télé de psychanalyse telle que l’annonce la présentation signée Christiane Alberti. Une web télé ? Un nouvel e-objet qui attire notre regard ? Bien plus que ça. Je me suis baladée sur ce site agréable aux couleurs douces. Mon avis de web-téléspectatrice ?

Première surprise : Jean-Louis Débré dit que le couple président-premier ministre peut être un couple « avec ou sans amour », la cohabitation étant the must du couple à la tête d’un gouvernement. Intéressant.

Deuxième arrêt, des lectures d’extraits du Séminaire de Jacques Lacan. Des comédiens prêtent leur voix et leur regard au texte. Des extraits choisis avec pertinence.

Troisième arrêt, une série des pépites : l’écriture d’un premier amour joué par des Playmobils, des danseurs ravissants qui font couple devant nos yeux avec un classique de Bob Marley et une série allemande sur le couple.

Plus une série d’arrêts, en saccades : Joe Starr et sa franchise, Catherine Millet et sa rigueur féminine, Philippe Sollers et son mariage, Jean Lebrun et l’écriture avec un absent, Mathilde Monnier et la figure de deux, Alain Grosrichard et la géométrie du couple, Pierre Barrillet et l’écriture à deux. La profondeur du témoignage !

Pourquoi Lacan TV nous regarde ? Parce que nous préparons le grand rendez-vous que sont les Journées 45 de l’ECF « Faire Couple », dont le thème donne sa thématique essentielle à cette première période de Lacan TV et parce que, pour emprunter une phrase de Jacques Lacan, bien connue de nos oreilles : « tu peux savoir ce qu’en pense… » l’École de la Cause freudienne sur la psychanalyse et son rapport à l’époque. Lacan TV est sur la toile, donc à la portée de tout le monde. Longue vie à Lacan TV !

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Éditorial

Nous revoilà ! De retour de vacances très inédites pour nous tous, d’un été dérouté, secoué, ébouriffé par vents et précipitations diverses des 45es Journées de l’ECF, Jacques et Bernadette Chirac, Barack et Michelle Obama, Martine Aubry et Jacques Delors, Alexis Tsipras et Betty, accompagnés par Luc Garcia, Hélène Bonnaud, Pénélope Fay, Éric Zuliani, Alice Delarue... Pas de trêve cet été pour le Journal des 45e Journées ! La série politique s’est penchée sur les racines qui nouent quelques-uns des grands couples de notre monde contemporain. Savions-nous qu’au cœur de notre vacance nous seraient confiées des clefs détentrices de la recette du ciment de couples qui nous avaient ravis, surpris, ou révoltés ? Savions-nous que nous allions retrouver là, en ce premier septembre... Jacques Lacan ? Jacques Lacan lui-même introduit par Gérard Miller ? Si nous avions témoigné en juin du style nouveau adopté par nos Journées, avions-nous humé alors l'ampleur de ce souffle ?

Aujourd’hui s’ouvre encore dans votre Hebdo-Blog une page sur l’instant de la rencontre dans notre dossier. Oui, en l'instant, retrouvez La Princesse de Clèves, Madame de Chartres et son précieux dire fondateur, isolé pour nous par Marie Laurent : « les hommes sont infidèles et trahissent les femmes ».

C’est au troisième Rendez-vous clinique du CPCT-Paris, Équivoques de l'objet, avec Pierre-Gilles Guéguen, du 13 juin dernier, que vous serez conviés par la suite ; nous consacrons particulièrement cet HB à cette après-midi de travail. Qu’est-ce que parler d’objet en psychanalyse ? Comment cela oriente-t-il le traitement ? Lisez encore Célia Breton qui nous fait saisir combien le dispositif analytique peut permettre à un sujet de ne pas en rester au bon heur du sens établi et convenu, et acceptez l'invitation de Liliana Salazar-Redon, samedi 12 septembre à Ville-d'Avray, sur le couple patient-soignant, et avec Guy Briole.

Et si le carnage était au couple ce que le ver est au fruit et le bonheur au pré ?

Je cite ici Nathalie Georges-Lambrichs. Lisez-là en son rendez-vous fin juillet… avec Roman Polanski.

Bonne rentrée à tous !

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Éditorial

Entre l’homme et la femme,

                                 Il y a l’amour.

                                 Entre l’homme et l’amour,

                                 Il y a un monde.

                               Entre l’homme et le monde,

                               Il y a un mur.

Jacques Lacan, Je parle aux murs

Un mur ?

Et laisse-t-on vraiment aujourd’hui « les agences matrimoniales aux mains de mémères qui ont de l’expérience »[1], comme le disait Jacques-Alain Miller à Commandatuba en 2004, tout en ajoutant que si « on n’a pas encore installé les évaluateurs dans les agences matrimoniales ? Ça ne saurait tarder ! »[2]

Vous n’étiez pas sans savoir que chez Unicis, un conseiller pouvait réaliser pour vous, et sans engagement de votre part, une présélection de trois personnes dûment sélectionnées et fichées, qui allaient vous correspondre. Délivrés du langage, vous alliez vous livrer, corps et âme, à cette recherche dont l’issue rapide vous offrait trois profils. Retenus pour leur bonne adéquation avec vous, ils vous garantissaient satisfaction. Chez Unicis, ça s’appelait l'affinité réciproque. La conseillère était en mesure, vous l’aviez expérimenté, de vous permettre de bonnes rencontres, grâce à un subtil questionnaire psycho-relationnel.

Has been que cela !

Vous avez lu le Flash lacanien du 9 juillet et le texte de Dominique Pasco et savez désormais que le magazine Marie-Claire de Juillet 2015 consacre trois pages aux e-rencontres. Notre collègue précise dans son flash la part de la référence aux statistiques dans cet état des lieux de la e-rencontre : « On y apprend que les sites sont désormais vintages, quasi obsolètes et délogés par les applications qui permettent un accès plus immédiat avec géolocalisation et gratuité. Quinze à dix-huit millions de célibataires offrent une perspective incroyable à ces nouvelles modalités d’entrer en contact ».

Vous en doutez ? Vous me répondez, d’un autre site.com, celui de la psychanalyse lacanienne… que… il n’y a pas de rapport sexuel ?

Pour ce 14 juillet, cet Hebdo-Blog n° 40 est un feu d’artifice, ça fuse !

Voici la seconde édition spéciale 45es Journées. Nos rubriques « Dossier », « ACF », « Hors-piste », « Tiré à part », « Comment l’entendez-vous ? », « Arts &Lettres », « HB-Nos livres », sont au rendez-vous !

Nous vous emmènerons vers l’aube, quand « la cumparsita vient clore chaque nuit » (Laurent Dumoulin) et vers ce lieu de « la rencontre amoureuse entre deux sexes, permise là où il n’y a pas de rapport sexuel » (Marcelo Denis). Si, aujourd’hui « on jouit d’abord, on court-circuite le désir et il reste à aimer », nous dit Sonia Chiriaco – nulle invitation à gémir car « à la place du rapport sexuel qui n’existe pas, les parlêtres ont inventé l’amour. Et on en parle encore ! » Savez-vous d’ailleurs que « S’il n’y a pas de bon heur, il y a des rencontres qui donnent du peps ! » ? (Véronique Servais)

Certaines rencontres, aussi, ravissent. Lisez le texte de René Fiori lorsqu’il célèbre le livre Du mariage considéré comme un des beaux-arts, de Philippe Sollers et Julia Kristeva, « Ce livre est un régal tant les auteurs ont à cœur de nous prendre dans les plis, nous impliquer dans les suites de leur rencontre qui ne cesse de s’écrire jusqu’à aujourd’hui ».

Ce n’est pas de ravissement qu’il s’agit dans la « brève rencontre » de Claude Lanzmann, en Corée du Nord, avec Kim Kum-sum, mais d’éclair, de fulgurance du désir, de ruse et de rencontre avec une marque sur le corps de l’autre qui attise encore l’embrasement des corps-parlants. C’est cela qu’évoque pour nous Damien Guyonnet qui a su extraire des Mémoires de C. Lanzmann cette perle rare. Littérature, encore, Caroline Leduc débusque dans le premier roman de Witold Grombowicz l’amour qui se cache derrière celui de Jojo pour une jeune fille, un amour bien singulier. Rappelons que ces deux textes succèdent, dans le dossier, à ceux de deux autres membres du comité de pilotage des J45, Carolina Koretzky et Camilo Ramirez, publiés dans notre première édition spéciale J45 du 29 juin.

Souvenons-nous du numéro 1 de L’Hebdo-Blog, c’était il y a dix mois, le 21 septembre 2014, et du texte Same Sex Procreation, (dans la rubrique Hors-Piste) de François Ansermet. Ici, Marie-Christine Baillehache, René Fiori et Isabelle Galland se sont entretenus avec lui à propos de son dernier livre La fabrication des enfants, un vertige technologique. Ne déflorons pas le contenu de cet entretien riche d’enseignements. Quand bien même F. Ansermet parle de choses fort sérieuses, c’est avec légèreté.

Mais pas de pause estivale sans un retour sur nos pas, sans honorer PIPOL 7 : « Victime ! » Alors que Dominique-Paul Rousseau nous y introduisait, voilà qu’à chaud, tout de go car il vient de nous parvenir, nous avons le plaisir de vous communiquer un texte, politique, de Jean-Daniel Matet, président de l’EuroFédération de psychanalyse et co-organisateur du congrès avec Gil Caroz. Nous l’en remercions.

Prochain rendez-vous avec L’Hebdo-Blog le lundi 7 septembre !

[1] Miller J.-A. « Une fantaisie », Mental, n°15, Revue internationale de santé mentale et de psychanalyse appliquée, Paris, 2005, p. 24 et 25. [2] Ibid., p. 25.

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Éditorial

« La psychanalyse, à travers tous ses boniments, a bon pied, bon œil, et elle jouit même d’une espèce de respect, de prestige, d’effet de prestance tout à fait singulier si l’on songe tout de même à ce que sont les exigences de l’esprit scientifique »[1].

1967. Il y a presque un demi-siècle déjà, Jacques Lacan s’étonnait : la psychanalyse, ça tenait, cette « chose » elle était « toujours là »[2].

2015. L’Orientation lacanienne jouit encore d’un prestige certain, mais elle est attaquée et il nous faut rester vigilants. Sa force ne tient-elle pas à ce qu’elle sait rompre avec l’ennui et le pour tous, vise à serrer le réel le réel en jeu ? Elle pousse chacun à parler à partir d’une place précise, à partir de son manque-à-être, non de son savoir statufié. Ce principe, développé par Jacques-Alain Miller dans Politique lacanienne 1997-1998[3], est au cœur de notre orientation et le choix du thème de nos Journées participe de cette tension vers le réel, le symptôme, la solution intime, unique, et aussi vers la « tension entre l’un et le deux, soi et l’autre », comme l’écrit Christiane Alberti, directrice de ces Journées, dans l’argument qui les présente.

Les Journées de l’ECF, vecteur majeur de notre communauté, propulsent ACF et CPCT vers ce thème : Faire couple. Liaisons inconscientes. Nous tenterons, dans l’édition spéciale que nous consacrons ici à ces 45es Journées, de débusquer ce fameux « effet de surprise » évoqué par Lacan[4], qui happe et capte. Et la question du comment « faire couple » n’est-elle pas propice à accélérer cette traque en recentrant le propos sur la façon dont se décline, pour chacun, le non-rapport sexuel ?

Depuis plusieurs années, les Journées de l’École n’ont plus pour seule fonction de nous réunir dans l’intimité d’un pesant « entre nous », à l’image d’un colloque de spécialistes. Notons encore que Lacan, dans la conférence citée, nous alertait sur « la faiblesse du psychanalyste » dont le penchant est « qu’il se tient à carreau »[5]. Cette posture, prudente, prude et retenue, n’est pas – vous l’avez saisi ! – celle qui qualifie la direction de ces J45 !

Avançons sans rien sacrifier à la rigueur du concept dans la clinique. La langue qui s’y fait entendre porte la marque de l’ouverture. Le pari qui s’entend derrière ce qui s’y dit est celui d’énoncer clairement ce que nous découvrons dans notre pratique, mais aussi d’entendre ce que d’autres disciplines peuvent nous enseigner. C’est pour cela qu’autour de textes sur le thème lui-même, nous avons fait la part belle dans ce numéro spécial aux échos des après-midi préparatoires : manifestations du désir impulsé par les Journées bien avant l’événement lui-même. Vous trouverez également ici un volet politique essentiel avec trois textes sur les enjeux de la diffusion : « rencontre publique », « échanges », « conversation », tels sont les signifiants qui circulent sur les affiches des événements en région cette année.

Ces Journées impulsent une nouvelle façon de diffuser et, comme le rappelle Jean François Cottes, responsable de la e-commission, « il est bien connu que chaque changement technique du recueil et de la diffusion de l’écrit a un effet sur la forme du message ». Parions, et le pari a déjà fait ses preuves, que cette diffusion adressée qui, sans être tous azimuts ne laisse rien au hasard, sera homogène à l’époque des réseaux ! Pour sa part, la rubrique « Dossier » ajoute deux petits cailloux dans le soleil de la série ouverte par le Copil des J45 et le texte de C. Alberti Match-Point publié dans L’Hebdo-Blog le 8 juin dernier. Vous pourrez lire deux textes vifs qui rendent compte de l’instant de la rencontre par deux voies différentes convergentes en ce même point : le minuscule laps de temps où un homme, ou une femme, sont frappés par un détail qui réveille la folle envie de faire couple, coûte que coûte.

Les rubriques ACF, nourries de textes émanant de la préparation des Journées en régions, et Arts & Lettres, ne sont pas en reste et vous livreront de nouveau quelques traits de couples exceptionnels…

Allegro ma non troppo !

L’automne n’a pas éclos et avant Paris n’oublions pas que nous sommes attendus à Bruxelles ! Deux textes issus de Marseille et de son rendez-vous du CPCT du 5 juin 2015, « Victimes et victimisation », nous accompagneront, eux, vers PIPOL 7.

[1]           Lacan J., Mon enseignement, Paris, Seuil, 2005, page 23. [2]           Ibid. [3]           Miller J.-A., Politique lacanienne, 1997-1998, Paris, Collection Rue Huysmans, 2001. [4]           Op.cit. [5]           Op.cit., p. 19.

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Musique et psychanalyse ? Quel couple !

« “Tiens, on va jouer free” dit Macero. “Free ? rétorque Monk aussi sérieux qu’un trappiste, tu veux dire dixieland ?”

– “Non : free” : Macero indique ce qu’il entend par là, il plaque des accords ni faits ni à faire. Il fait n’importe quoi. Or, les accords de Monk sont l’envers de cette pitrerie d’ingénieur : irrégulièrement enfoncés selon la carcasse de Monk, organiquement liés à la pression, aux tendons, à la longueur des doigts au micron près, aux leviers des bras, ils mettent en jeu des muscles microscopiques que les pianistes ne sollicitent jamais. »[1]

Si l’association dite libre assigne l’analysant à toucher à des rets de jouissance de lui-même ignorés, quelle est la liberté du musicien lorsqu’il joue de son symptôme ?

Et pourquoi ce vœu d’un dossier « Musique et psychanalyse » s’est-il fait si pressant pour beaucoup d’entre nous à L’Hebdo-Blog, depuis un moment ? Pourquoi nous sommes-nous réjouis de cette question de Jacques-Alain Miller dans sa conférence de présentation du thème du Xe Congrès de l’AMP : « On peut se demander si la musique, la peinture, les beaux-arts ont eu leur Joyce. Peut-être que ce qui correspond à Joyce dans le registre de la musique, c'est la composition atonale, inaugurée par Schoenberg, dont nous avons entendu parler peu avant »[2] ?

Il semblerait que ni Freud ni Lacan ne se soient arrêtés sur ce terrain, et que le duo, ou le binaire – c’est selon – musique et psychanalyse s’en ressente, embarrassant, dissonant à nos oreilles. Sommes-nous prisonniers de ce savoir : Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien.[3]

Rappelons, comme l’indiquait Armelle Gaydon dans Lacan Quotidien n° 223, combien le travail de Valentine Dechambre, interlocutrice de Gérard Seyeux ici pour L’Hebdo-Blog, pouvait engager un véritable chantier de travail sur ce thème à partir d’un abord lacanien. C’est sous sa direction que fut réalisé l’ouvrage de Pascal Dusapin Flux, trace, temps inconscient – Entretiens sur la musique et la psychanalyse. Plusieurs collègues de l’ECF répondirent présents à cette recherche : François Ansermet, Jacqueline Dhéret, Nathalie Georges-Lambrichs, Myriam Mitelman, Paulo Siqueira.

Suspense…

P. Dusapin serait-il Le Joyce de la musique, comme put le dire V. Dechambre à A. Gaydon il y a juste un an, le 18 juin… 2014 dans ce Lacan Quotidien ?

Minute papillon !

La musique touche à la jouissance, à ce qui brûle les ailes aussi, et ne sert à rien[4]. Comment, cependant, vivre sans ce havre, cet îlot inouï, cette joie mais aussi ce souci, cette douleur lorsque l’on s’essaie à jouer et la faire vibrer soi-même, sans tenter d’en dire quelque chose ? Craignons-nous de perdre ce ravissement, comme si ces bouleversements devaient rester tus, interdits à qui parle comme tel ? Si nous nous essayons à mordre par nos mots sur cette jouissance éprouvée silencieusement, c’est que nous nous inscrivons sur les sentiers de Théophraste, cité par Pascal Quignard : « Il disait que la vue, le toucher, l’odorat et le goût font éprouver à l’âme des troubles moins violents que ceux que lui causent, au travers des oreilles, les “tonnerres et les gémissements”. »[5]

Nous tenterons de désépaissir un mystère, d’effleurer les racines d’un événement de corps. La musique est-elle sans aucune signification car ouverte à toutes, puisque ces significations, imaginaires « ne peuvent pas dire sa jouissance réelle »[6], comme le proposait Gérard Pape auteur du numéro prochain de notre dossier ? Irons-nous jusqu’à dire que la musique, à l’inverse de l’interprétation analytique, est, dans l’inconscient « ouverte à tous les sens »[7] ? Défrichons encore : la musique tonale signe-t-elle systématiquement la recherche de l’accord, du son juste, du rapport sexuel qu’il n’y a pas ? N’est-elle que tentative de masquer le réel, la musique atonale indiquant alors un consentement à l’opaque du symptôme ou un savoir-faire avec celui-ci ? Comment la cure psychanalytique influence-t-elle le mode de jouir de la musique ?

Un conseil cher lecteur : branche le son !

Ce dossier est sonore.

Chut :

Medeamaterial de Pascal Dusapin – Choregraphie de Sasha Waltz [embed]https://youtu.be/cReAXjd-JB0[/embed] https://www.youtube.com/watch?v=cReAXjd-JB0   Passion de Pascal Dusapin – Choregraphie de Sasha Waltz [embed]https://youtu.be/gMDmhG3lEG4[/embed] https://www.youtube.com/watch?v=gMDmhG3lEG4 [1] Marmande F. « Thelonious Monk, la musique des sphères », in Élucidation, Vies épinglées, dir. J.-A. Miller, Paris, Verdier, n° 10, printemps 2004, p. 90-91. [2] Miller J.-A, « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n° 88, 3e trimestre 2014, p. 111. [3] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 95. [4] Ibid., p. 10. [5] Quignard P., La haine de la musique, Paris, Gallimard, Folio, novembre 2000, p. 26. [6] Pape G., L’Envers de Paris – Horizon, n° 59, Paris, septembre 2014, p. 131. [7] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 227.

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Éditorial

kjtLLw1ABc ?

Chère Madame, je suis abonnée à l’Hebdo-Blog, j’étais abonnée à La Lettre mensuelle depuis des années, mais je n’arrive pas à me connecter… Pourrais-je avoir un code d’identifiant plus simple ?

Certes !

Si Je ne saisis pas votre demande, veuillez appuyer sur la touche B, ne fut jamais notre réponse, il nous est arrivé de sombrer dans cette interrogation : comment l’Hebdo-Blog pourrait-il être lu plus aisément, sans que grise mine n’apparaisse chez les collègues rétifs à ces manipulations fastidieuses ? Comment permettre que le génie sorte par éclipses de sa bouteille, que ça se dise et mi-dise, au-delà de notre communauté d’abonnés ? Comment ne pas donner du grain à moudre aux Devos, Bedos et Pierre Dac évoqués par Jacques-Alain Miller dans la notice de Mon enseignement : « On en sait un bout, mais là-dessus, motus, ça se règle entre nous. » ?[1]

Et oui ! Comme vous venez de le lire par le biais d’ECF-Messager, à partir de ce numéro et chaque semaine donc, certains textes choisis par la rédaction seront à la disposition de tous et pourront être lus dans leur intégralité. Un nouveau pas se franchit aujourd’hui.

Si La Lettre mensuelle s’était transformée en Hebdo-Blog en 2014, c’était pour savoir répondre aux appels des palpitations de l’École, des ACF et des CPCT. Au cours de l’année 2015, de nombreux événements importants se profilent : juste après le Congrès de la NLS, c’est la Journée Uforca, le Congrès Pipol, les Journées de l’ECF enfin… et en avril 2016, Rio, le Congrès de l’AMP. Comment accompagner ces grands temps, solliciter et diffuser témoignages, reportages sur le vif en restant dans l’entre soi, sans briser les frontières, sans permettre que nos Dossiers, par exemple, circulent pour un plus grand nombre et Outre-Mer ? Grâce à cette ouverture, vous aurez bientôt accès en un seul clic à un entretien avec le comité de pilotage des J. 45. Twitter et Facebook, ainsi prendront le relais.

Extension/intension.

Nous aurons à mettre en tension la nécessité d’extension de la psychanalyse avec l’intension, la passe, les témoignages cliniques. Les textes qui en sont issus resteront « verouillés » et réservés aux abonnés.

Si la nécessité de prudence concernant la diffusion des cas issus de nos cliniques est donc toujours bien de mise, il semblerait cependant aujourd’hui que ce souci freine la transmission des textes. Insistons donc : l’Hebdo-Blog est la revue de l’ECF, de l’ACF et des CPCT. L’HB tient à pouvoir témoigner de la spécificité de l’orientation lacanienne par la transmission de cas, et à donner une place à cette pratique inédite issue de la création des CPCT et le format de l’Hebdo-Blog n’empêche en rien l’envoi de textes riches, enseignants, percutants.

Jacques Lacan, à Rome, le 29 octobre 1974, ne nous engageait-il pas, afin que nos écrits soient lisibles et circulent amplement, à serrer, à faire « des choses un peu serrées, serrées autour d’un point tout à fait précis qui est ce que j’appelle le symptôme à savoir ce qui ne va pas » ? [2]

[1] Lacan J., Notice, de J.-A Miller, Mon enseignement, Seuil, p.7. [2] Lacan J., Le triomphe de la religion, Seuil, p. 87.

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Éditorial

V’la l’bon vent, V’la l’joli vent, V’la l’bon vent, ma mie m’appelle, V’la l’bon vent, V’la l’joli vent, V’la l’bon vent, ma mie m’attend… ?

N’ayez crainte. Si ce bon vent des Journées de l’École de la Cause freudienne forcit déjà, il ne vous soufflera sûrement pas à l'oreille « l’adéquation libidinale » ou « l’avènement idyllique de la relation génitale »[1], mais se consacrera à l’immense question de ce qui fait couple, en notre « humaine condition », comme vous avez pu le lire le 28 avril dans l’argument des Journées rédigé par Christiane Alberti, directrice des Journées.

Mai 2015. Bientôt, quelques lectures inédites, ouvrages réexaminés à l’aune de ce thème seront au rendez-vous. L’Hebdo-Blog vous entraînera lui aussi dès le 11 mai dans les flots de ces Journées, avec un très beau texte qui mettra pour vous en lumière le couple extraordinaire que Marceline formait avec Joris… Mais... chut, encore !

Mars 2010. Il y a cinq ans et deux mois, dans son éditorial, de la Lettre mensuelle, « Les nouveaux horizons de la Lettre mensuelle : la Revue des Acf », Jean-Daniel Matet, alors président de l’ECF, avançait que la Lettre mensuelle pourrait devenir un jour un blog, en en précisant la mission : « Elle fera circuler l'actualité des élucubrations entre les régions, entre ceux qui se reconnaissent dans l'École de Lacan. »

En septembre 2014, Patricia Bosquin- Caroz, Présidente de l'ECF, et le directoire, ont rendu possible le passage : là où c’était la LM est bien advenu l’Hebdo-Blog. 

Et nous faisons nôtre ce vœu car nous sommes curieux des inventions, des innovations produites par les ACF. Une fois encore, nous vous appelons à témoigner, à partager vos surprises en nous envoyant vos textes. Nous accompagnerons aussi au plus près les événements qui s'annoncent dans notre Champ : les Journées de l’ECF en premier lieu, mais encore le Congrès de la NLS, la Journée UFORCA, PIPOL, et le Congrès de l’AMP.

Est-ce parce que de nombreux discours aujourd’hui ne mordent pas sur le réel que l'action lacanienne, Petit Poucet, armée de Lacan Quotidien, s’engage à semer les traces de sa doctrine sur tous les fronts ? Il semblerait que l’orientation lacanienne doive renseigner elle-même des cases ! Celles du malaise dans la civilisation. Nous avons à répondre à l'appel. Oui, il y a bien des abonnés au numéro que vous avez demandé et la psychanalyse, si elle veut survivre, saura infiltrer et instruire nombre dossiers. C’est elle qui est en place d'élucider le mal dit, le mal nommé, l'obscur.

[1] Lacan J., Le triomphe de la religion précédé de Discours aux catholiques, Paris, Seuil, 2005, p. 57-58.

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Éditorial

Voici chers lecteurs, un Hebdo-Blog consistant, en cet anniversaire de la naissance de Jacques Lacan le 13 avril 1901 !

D’abord deux dossiers, pour vous, s’entrecroisent et se nouent :

Rio de Janeiro, le Xe congrès de l’AMP et le Dossier l’Escabeau nous retiendront encore pour quelque temps : Marie-Hélène Blancard distingue dans le trajet d’un sujet en analyse deux modalités d’écriture : l’écriture escabeau, et l’écriture procédant de la cure.

De l’être à l’ex-sistence donc, et de Rio à Bruxelles, via … Paris ! Car de nouveau, l’action lacanienne de l’École de la Cause freudienne vrombit et accélère : vous connaissez déjà la magnifique affiche des Journées 45 de Philippe Metz. Et Bruxelles, PIPOL 7, approchent résolument. Ouvrons donc sans plus tarder  un nouveau dossier, PIPOL avec Vanessa Sudreau. Éric Zuliani lui emboîte le pas pour nous inviter à réfléchir sur « l'innocence », en se référant à Freud, J.-A. Miller et Lacan.

Et n’oubliez pas de vous attarder un moment sur l’entretien réalisé par l’HB avec Franck Rollier sur le colloque du CPCT d’Antibes du 18 avril 2015 : « Ados branchés, débranchés. Tous addicts ? » F. Rollier explicite pour l’HB le choix du thème de ce colloque qui, à sa façon, nous prend la main vers la Journée de l’Institut de l’Enfant… du printemps 2017, consacrée à l’adolescent !

Pierre Strelisky, lui, nous offre sa lecture du documentaire de Gérard Miller, Gérard Depardieu, l'homme dont le père ne parlait pas, dans laquelle il souligne la familiarité de l'acteur avec sa lalangue et son immense présence de corps parlant.

L'Envers de Paris, par la plume de son directeur, Philippe Benichou, nous convie aussi, mais au théâtre, le 18 avril, pour une pièce d'Ernst Toller, Hinkemann, mise en scène par Christine Letailleur. Et avec Romain-Pierre Renou, l’HB vous apporte un aperçu éclairé de la conversation qui s’est tenue lors de la dernière Soirée de la Bibliothèque autour de l’ouvrage collectif La psychanalyse à l’épreuve de la guerre établi sous la direction de Marie-Hélène Brousse.

Riches lectures pour deux semaines, chers abonnés : notez que l’Hebdo-Blog ne paraîtra pas le 20 avril mais vous ouvrira à nouveau ses fenêtres le 27.

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