Orientation

Par l’entremise du net

Entremetteurs, les sites web le sont tous... mêmes gratuits. La firme InterActivCorp possède Meetic et son évolution l'application Tinder. Différentes sources montrent que dans 47% à 66% des cas la motivation est le sexe et le coup d'un soir, le « fast sex ». Après avoir engrangé un maximum d'adeptes, Tinder lance une version payante pour continuer à voir défiler les photos dont les plus addicts ne pourront se passer. Tinder joue avec la règle et n'est pas très loin de se faire intermédiaire d'un commerce douteux. Nombre de fans de « fast sex » déçus de Tinder vont chez Okcupid qui permet de lever la dernière inhibition en renseignant le « casual sex » dans les critères de recherche. L'affaire Ashley Madison, site qui favorise les rencontres extraconjugales, ressemble à un démantèlement d'un réseau dans sa version Web. Ce n'est pas tant pour ses millions d'hommes dont un hacker a révélé l’identité avec les drames qui s'en suivent, mais plutôt par l'étude des 5.5 millions de fichiers des femmes (contre 31,5 pour les hommes) relayée par le seul journal La vie . L'entreprise au final a créé des « femmes imaginaires », ces hommes parlaient, dépensaient de l'argent cette fois-ci pour bien du virtuel. Le journal Capital montre comment l'infiltration de la finance dans l'exploitation de la rencontre est profonde. Il titre une page qui résume les quarante entreprises qui font le business du sexe dans le monde, du site aux magazines, en passant par les entreprises de sex toys, aux supports techniques financiers. Un doute s'installe à sa lecture, ce qui pouvait furtivement se vouloir être des révélations incongrues devient son envers, un conseil d'investissement dans les entreprises du CAC 40 qui les hébergent . Allons plus loin. Les sites internet, même gratuits, rapportent tous de l'argent. La première source de revenus est la publicité. De nombreuses régies multiples et variées proposent des publicités adaptées à votre public selon de multiples procédés. Si le site est gratuit sans publicité, sa vente est programmée pour recueillir les données des clients. Dans ces sites de rencontres, même les plus gratuits, se joue une affaire commerciale dont l'entremetteur est caché derrière une multiplicité de facturations et quelques semblants quand il en reste.

Erotique du temps 2.0. Internet est manifestement un accélérateur de rencontres étudiées ici sous le registre commercial. Un des idéaux contemporains recherché des internautes est de profiter de l'instant présent en multipliant les rencontres et en repoussant le moment d'une plus durable qui introduirait un amour et sa jouissance de la parole. Le net introduit une érotique du temps à l'envers de l'hystérique qui elle, instaure la continuité temporelle du désir sur la jouissance, c'est sa défense. Ici, la continuité temporelle se fait sur la jouissance avant le désir, s'il daigne faire signe. Cette position n'est qu'une autre version de la forclusion du temps sur continuité de jouissance. « Je suis incapable d'aborder quelqu'un au bar sans mon appli, je suis addict à Tinder : 70 coups en un an, je suis jalouse si une fille lorgne mes plans cul, j'ai subi une désynchronisation, j'ai eu l'impression de faire l'amour avec une machine, ou celui qui ne rencontre pas malgré des essais sur les sites » sont autant de témoignages d'une jouissance qui rate, même sur le net. Pas seulement, c'est aussi un Autre du signifiant bien là sur la toile. Jacques-Alain Miller donne à cet idéal « une fonction qui mérite d’être considérée comme motrice dans la cure analytique », mais un idéal comme nom du réel qui donne la possibilité à l'analysant de s'en plaindre et la chance d'entrevoir ce qui se joue pour lui. Parce que ces nouveaux symptômes sont rencontrés dans les cabinets d'analystes en place de cet idéal, « Il ne s’agit pas de rendre les armes devant ce symptôme et d’autres de même source. Ils exigent de la psychanalyse interprétation. »

Les Inrocks, n° 1026, juillet, août 2015. La vie, n°3659, octobre 2015. HYPERLINK "http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/tinder-et-meetic-vont-entrer-par-la-petite-porte-en-bourse-931292.html"http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/tinder-et-meetic-vont-entrer-par-la-petite-porte-en-bourse-931292.html Miller J.-A., « Introduction à l'érotique du temps », Mental, n°22, avril 2007, p.19. Le nouvel observateur, « La nouvelle révolution », n° 2646, juillet 2015, p. 35-36. Miller J.-A., L'expérience du réel dans la cure analytique, cours de 1998-1999, non publié, première leçon. Miller J.-A., « L'inconscient et le corps parlant », La cause du désir, n°88, 2014, p 107.

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L’École dans les régions

À la suite des échanges qui se sont tenus lors de l’Assemblée générale de l’ECF, ce triste vendredi 13 novembre où des évènements majeurs nous ont portés ailleurs, nous pouvons dire que l’étude de la psychanalyse, dans son lien à l’École et aux évènements qu’elle produit, est plutôt bien assurée dans l’ACF et que l’École est amplement relayée dans les régions.

Je voudrais cependant insister sur un point. Les membres de l’École ont à garder le souci de se faire passeurs, dans l’ACF, des fondements même de la psychanalyse, de transmettre ce qui anime leur transfert à la psychanalyse et qui touche à la psychanalyse pure. Ils ont là une responsabilité particulière. Car, derrière les évènements et les activités, derrière une présence plus vivante dans la cité, il reste que, pour le public, ce qu’est un psychanalyste demeure bien opaque et que l’Orientation lacanienne n’est pas nécessairement dissociée de l’ensemble du champ de ce qui se range sous le signifiant de psychanalyse. Parce que la psychanalyse au XXIe siècle, est amenée à vivre sous le régime de l’inconsistance[1] et du multiple, ce qu’avait anticipé Jacques-Alain Miller, il nous revient de donner les raisons de nos choix singuliers, de les éclairer pour les partager.

Aussi, à la suite du dernier congrès de l’AMP, nous avions mis sur pied à Angers une soirée ouverte à tous, autour de la question « Qu’est-ce qu’une École pour la psychanalyse ? »

Nous avons déplié, devant une quarantaine de personnes, la logique sur laquelle Lacan a construit son École, le type de nouage entre les Écoles et les groupes qui se rattachent à l’orientation lacanienne, et la nécessité qui a présidé à la création, par J.-A. Miller, de l’AMP ainsi que de l’École Une, l’articulation entre le l’Un et le multiple, etc. Cette soirée a été suivie avec une grande attention et la demande nous a été faite, par des étudiants, de poursuivre dans ce sens. Il ne fallait donc pas s’arrêter là.

En mars dernier, nous avons tenu une deuxième soirée sur le thème « Comment se forment les analystes ». Soirée soigneusement préparée dont nous mesurions les enjeux. Nous avons fait appel à de jeunes membres de l’ACF et à quelques plus anciens pour témoigner, dans une énonciation vivante et engagée, de leur formation, de leur désir de contrôle et de ses effets. Ce soir-là, à Angers, une véritable petite foule s’est pressée dans un amphithéâtre de cent places qui a vite été saturé au point qu’une trentaine de personnes n’a pas été autorisée à entrer.

Cette série se conclura au début de l’année prochaine avec une troisième soirée qui aura pour thème : « Qu’est-ce qu’être lacanien aujourd’hui ». Elle sera l’occasion de parler, à ciel ouvert, non seulement de l’enseignement de Lacan, dans son entier, mais de témoigner aussi de celui de J.-A. Miller, avec son nom propre « l’Orientation lacanienne », qui ne cesse d’animer notre travail et notre transfert- J.-A. Miller – sans qui nous ne saurions être lacaniens aujourd’hui. Comme la fois précédente, nous donnerons la parole à des membres de l’ACF pour qu’ils témoignent d’un moment crucial de leur rencontre avec l’enseignement de Lacan et avec « l’orientation lacanienne », et de ses conséquences pour eux. Car, il nous revient, dans l’ACF, de porter ce nom propre, l’Orientation lacanienne, à la hauteur qu’il mérite, de le rendre désirable et de démontrer en quoi il est une boussole aussi bien pour conduire les cures aujourd’hui que pour lire le monde du XXIe siècle et en déduire la politique et les actions qui conviennent.

[1] Miller J.-A., « Le désenchantement  de la psychanalyse », Mental, n° 33, 2015.

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E-AMOURS et E-DÉSAMOURS à portée de doigts

Pas d’accès direct au partenaire ?

Quelle tactique has been ! Lisez ce texte de Françoise Haccoun qui nous dit comment quitter silencieusement, du tac au tac et en un clic !

E-Amours à portée de doigts

 La première fois que Fabien, dix-neuf ans, l’a vue, c’était en photo électronique, une parmi des dizaines. Chaque fois, deux possibilités : le cœur ou la croix. « Tu fais glisser à droite, tu “like” – à gauche, tu jettes ». Smartphone dans la poche, nous voilà tous géo-localisables : une aubaine pour les applications mobiles de rencontres, comme Tinder[1] lancée en 2012 par quatre Américains qui misent sur la drague de proximité. L’application fait défiler des profils avec plusieurs critères, dont le sexe et la position géographique. Si l’attraction est réciproque, le doigt rivé à l’écran de son téléphone, Marie envoie vers la gauche ou vers la droite les photos des célibataires inscrits sur Tinder à trois kilomètres à la ronde. Gauche, s’il est écarté, droite, s’il lui plaît. En face, si le jugement est réciproque.Bandeau_web_j452_def2

Je te quitte en un clic

Après les Apps de rencontre, l’App de rupture à l’aide d’excuses préenregistrées !

Fictive ? Utopique ? Imaginaire ? « Imaginez seulement que vous puissiez rompre avec une personne de la même manière que vous débutez une relation... », écrit Ian Greenhill, trente-six ans, co-fondateur de Binder[2]. Ce nouveau site propose à ses utilisateurs de se charger de la rupture. Binder est un nom construit sur un jeu signifiant : « bin » est la corbeille en anglais, le nom de l’App se prononçant « binned her », « la mettre à la corbeille » ! Le principe est simple : mettre fin à la relation du bout du doigt, envoyer son profil dans une poubelle ornée d’un cœur. L’App propose alors plusieurs phrases d’excuses préfabriquées, de la basique et laconique - je préfère être seul(e) - à la provocante et dénuée de toute responsabilité - ce n’est pas moi, c’est clairement toi - jusqu’à celle chargée de pathos - j’ai l’impression de vivre dans un cauchemar duquel je ne peux pas sortir. Il y a plus. Une autre solution plus altruiste encourage l’autre à trouver mieux ailleurs - tu mérites le rêve, maintenant sois libre et va attraper ce joli papillon. Un message est ensuite envoyé au destinataire avec le texte choisi, le tout enrobé dans un SMS impersonnel signé par Binder. À portée de doigts ! N’est-ce pas le comble ? Rompre par un intermédiaire robotisé ? En quelques semaines, plusieurs dizaines de milliers de téléchargements ont eu lieu. Binder vend l’illusion que le réel serait contourné, l’engagement dans la parole réduit à des excuses pré-formatées et codifiées. Faire taire l’autre et éviter le moment où pourrait se dire le ratage, le « ce n’est plus ça », ne serait-ce pas là l’objectif d’un tel dispositif de rupture standardisée ?

Place à la contingence

La sexualité chez l’être parlant ne passe pas par l’instinct et ne relève pas d’un programme préétabli. Pas d’accès direct à son partenaire. Il doit en passer par les chemins labyrinthiques du langage. Cela implique donc inévitablement des incompréhensions, des malentendus, voire des impasses, qui font les beaux jours de la plainte des parlêtres. Le désir, la jouissance, l’amour ne s’harmonisent ni ne convergent vers le partenaire qui serait le bon à partir de critères de recherche statistique. Pour Jacques-Alain Miller, le partenaire est un partenaire symptôme. Il peut être partenaire image comme pour ces applis dites branchées. Mais pour être partenaire symptôme, il ne suffit pas d’être partenaire image, il faut sortir de l’axe imaginaire… et prendre le risque de se parler ! Or quid des paroles, du discours amoureux, quand la première « approche » se résume à un like ?

Le rapport au sexe est déterminé pour chacun par une rencontre, une contingence. Elle s’invente au un par un. Aucune application, fut-elle fictive, ne pourra parler à notre place. Pour que le symptôme de l’un rencontre le symptôme de l’autre, et « fasse couple », il sera toujours nécessaire d’aller au-delà d’une simple image !

[1] http://mobile.lemonde.fr/societe/article/2014/08/09/avec-tinder-du-sexe-et-beaucoup-de-bla-bla_4469392_3224.html?xtref=http://www.google.fr/url

[2] L’application Binder disponible sur Google Play va ravir les séducteurs et séductrices qui n’ont pas de temps à perdre en ruptures délicates. Cette application se chargera de rompre illico via des messages préenregistrés.

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