Événements

Le petit Hans devenu grand met en scène Don Giovanni de Mozart à Salzburg, direction Furtwängler

Lors de la dernière leçon du Séminaire La relation d’objet Lacan évoque le personnage de Don Juan et nous dit que « le sommet du personnage »[1] est atteint dans le Don Juan de Mozart. À la page précédente, il concluait son analyse du cas du petit Hans. Or ce dernier devenu grand, devint un important metteur en scène d’opéra. Juif, il dut quitter l’Autriche et se réfugia aux États-Unis, mais il revint en Autriche et participa à plusieurs reprises au festival de Salzbourg. En 1954 il y met en scène le Don Juan de Mozart avec dans le rôle titre Cesare Siepi et l’orchestre philharmonique de Vienne. Un film en fut réalisé, visible sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=XPYjqz7nToY qui nous permet d’apprécier le travail de l’inoubliable petit garçon qu’il est pour nous.

Bon spectacle !

[embed]http://youtu.be/XPYjqz7nToY[/embed] [1] Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 418.

Lire la suite

Ça n’passe pas ! …mais ça insiste

LACF IDF organise son colloque annuel le samedi 13 décembre 2014 à Bourg-la-Reine (92)[1] avec la participation de lACF CAPA et de Serge Cottet, Fil Rouge de la Journée. Des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes, des enseignants, mais aussi un artiste peintre, un cinéaste, un directeur de théâtre exposeront sous le titre : « Ça npasse pas ! mais ça insiste ». Ce thème est issu des travaux des ateliers franciliens.

Charles-Henri Crochet nous en donne ici un avant-goût, en forme d'argument.

Un grain de sable coince les aiguillages, apparemment bien huilés, du discours de la science allié au discours capitaliste. Corps et âme, l’être parlant s’échine, avec « patience et courage »[2], à « supporter ce qui n’passe pas »[3] et à affronter l'intolérable de son monde. Quelle est cette aspérité qui l’achoppe ? Un petit détail, parfois, ébranle son train-train quotidien ou déséquilibre toute velléité d’harmonie. Une faille inhérente, une béance structurale, signent sa singularité. Parce qu’il parle, le vivant est aux prises avec ce que le signifiant implique d’insupportable pour chacun. Dans cette faille Lacan note une oscillation[4], une vacillation : « entre la cause et ce qu’elle affecte » ça n’colle pas. Bien au contraire, ça défaille, ça rate et ça trébuche. Lacan y loge l’inconscient freudien. Et de rajouter : « ce qui se produit dans cette béance, au sens plein du terme se produire, se présente comme la trouvaille, […] la surprise, […] ce par quoi le sujet se sent dépassé »[5], mais qu’il attendait. Cette solution singulière est « retrouvaille [et] toujours prête à se dérober à nouveau, instaurant la dimension de la perte »[6], du manque fondamental. L’absence ici n’est pas le fond de l’affaire. C’est la rupture qui ouvre la voie à l’absence « comme le cri non pas se profile sur fond de silence, mais au contraire le fait surgir comme silence »[7]. Notre civilisation nous promet de résorber l’inassimilable, de gérer l’impossible, de suturer la faille. Elle tente de plaquer à chaque problème une solution clef en main, uniformisante. La rencontre du langage et du corps ne produit nulle homéostase, mais plutôt une marque indélébile et unique chez chaque sujet. Le défaut de satisfaction de la pulsion chez l’être parlant est irrésorbable. Le train de la vie est une « chaîne […] de destin et d’inertie, de coups de dés et de stupeur, de faux succès et de rencontres méconnues, [qui] fait le texte d’une vie humaine »[8]. Là où ça s’enraye, « la psychanalyse peut permettre que ça puisse rater de la bonne façon »[9], au plus proche de ce qui fait la singularité du sujet. À partir de ce qui n’passe pas, à partir des failles manifestées par les formations de l’inconscient, à partir de l’angoisse qui fait signe du réel, nous entendrons comment le parlêtre peut s’en saisir pour en faire autre chose. Comment en « [cessant] de croire à son symptôme, […] le sujet a chance de pouvoir s’en servir »[10]. Comment l’humus humain du XXIe siècle peut s’ouvrir à l’invention, à la création. Comment peut résonner la fonction de l’impossible dans le malaise contemporain. [1] Samedi 13 décembre 2014 - 9 h à 18 h - Salle Agoreine - 63bis, boulevard du Maréchal-Joffre - Bourg-la-Reine (92) – à deux pas du RER B, station Bourg-la-Reine – Réservation recommandée Blog : acfidf.org [2] Lacan J., Le Séminaire, livre xx, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 78. [3] Miller J.-A., El hueso de un análisis, Buenos Aires, Tres Haches, 1998, p.73. [4] Lacan J., Le Séminaire, livre xi, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 25. [5] Ibid., p 27. [6] Ibid. [7] Ibid., p 28. [8] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 159. [9] Miller J.-A., « Vers PIPOL 4 », 37es Journées de l’ECF, Paris, 12 octobre 2008, inédit. [10] Miller J.-A., Présentation du congrès AMP 2006, « Le nom-du-père, s’en passer, s’en servir », 33es Journées de l’ECF, Paris, 2004, inédit.

Lire la suite

« Le Cartel fait son théâtre » à Brive le 6 novembre

Il est vingt-et-une heures à Brive-la-Gaillarde, vous voici confortablement installés dans la grande salle du cinéma Art et Essai Le Rex. Dans la salle de spectacle, comble, vous ne savez si votre voisine est comédienne ou votre voisin psychanalyste puisque, à l’initiative de Philippe Bouret (membre de l’ECF, Délégué aux cartels pour l’ACF Massif Central), cette rencontre originale nommée « Le cartel fait son théâtre » réunit l’ACF MC, un cartel de l’ECF « D’une scène à l’Autre » dont le Dr Jean-Robert Rabanel assure la fonction Plus-Une, le théâtre de la Grange et le cinéma Le Rex, respectivement dirigés par Jean Faure et Bernard Duroux.

Le cadre est posé, le propos est clair : « Freud et Lacan sont des amis du théâtre. L’œuvre du premier, les séminaires du second n’ont de cesse d’y faire référence pour y puiser un enseignement, Elvire, Jouvet 40[1] est plus qu’une pièce de théâtre, plus qu’un film, c’est un événement »[2].

Si son réalisateur Benoît Jacquot n’a pu se libérer ce soir, des applaudissements nourris accueillent Brigitte Jaques-Wajeman (mise en scène) et François Regnault (collaboration artistique) qui ont rejoint la Cité Gaillarde. Une surprise leur est réservée : le message d’amitié que leur adresse Maria de Medeiros, parfaite interprète de Claudia à qui, en 1940, Louis Jouvet, magistralement interprété par Philippe Clévenot, donna sept leçons en prenant appui sur la seconde scène d’Elvire du Don Juan de Molière.

Autour de vous l’obscurité se fait. Le film, tourné en 1986, commence. D’emblée le spectateur est plongé dans son univers sobre et dense, en noir et blanc. C’est une œuvre ciselée qui en quarante-deux minutes cristallise la sensibilité de chacune ou de chacun qui peut se voir traversé(e) par le ravissement d’Elvire ou qui se trouve interdit(e) devant le vide d’âme de Don Juan. Mais il y a un au-delà. Les contours précis de cette pièce filmée ne ressemblent pas au déroulement d’un scénario prévu, d’un script avec début et fin. Et pourtant, alors que c’est toujours la même scène qui est reprise jusqu’à la trame, il y a bien un changement et c’est ce qui nous chavire. Vous entendez Jouvet, la voix tremblante d’une émotion insoupçonnée, briser la mélopée de l’actrice pour lui donner une indication que l’on sait avec lui être juste tant elle semble l’être pour lui, comme elle surgit ! Scansion. Vous voyez Claudia vaciller discrètement, se tendre, se relâcher pour livrer sa tirade avec son corps, épurant son savoir pour vibrer du seul sentiment. Dramatique. Vous ressentez en vous, par la force de la répétition insensée de la même scène et des mêmes mots, ce qui peut aussi faire la trame fantasmatique d’une cure analytique. D’un acte à l’autre. D’une scène à l’Autre. Et la jouissance en plus : « Jouvet veut Claudia comme Elvire : extatique […] dans un “état de viduité”[3] tel que l’actrice devienne pure transparence »[4], nous rappellent les acteurs du débat qui suit la représentation. Discussion croisée entre la salle et la scène sur l’art du comédien et sur l’acte analytique. Nuances du jeu et ossature du symptôme s’y trouvent convoqués. Si Jouvet a dû entendre Freud, Lacan a bien pu saisir Jouvet. Quel coup de théâtre ce serait !

*Gérard Darnaudguilhem est membre de l’ACF Massif central et du cartel « D’une scène à l’Autre ». [1] Présenté par les archives de l’INA, il est visible, en sept leçons, sur : http://youtu.be/FMeVDxuVcgY [2] Bouret P., « Un cartel branché pour des cartellisants à la page », Courrier de l’ACF MC, n° 65, 4e trimestre 2014. [3] Jouvet L., Molière et la Comédie classique. Extraits des cours de Louis Jouvet au Conservatoire (1939-1940), Paris, Gallimard, coll. Pratique du Théâtre, 1965. [4] Jaques-Wajeman B., « Le ravissement d’Elvire », http://www.lepoche.ch/upload/cms/DP_ElvireJouvet.pdf.

Lire la suite

Hôtel Europe

Théâtre de l'Atelier, mercredi 5 novembre 20h30, acteur, Jacques Weber, auteur, Bernard-Henri Lévy, qui vint parler avec la salle après la représentation, rassemblée sur une initiative de l'Envers de Paris.

Après la présence de l'acteur, alternant la confusion, l'exaltation, l'outrance, l'ironie, la ferveur la déprime la joie la peine ou la douleur, BHL, généreux et bien présent, expliqua que son texte mêlait le corps de l'auteur avec la pensée qui l'attrape, le tient, le bouscule, le convoque.

Comme le fera remarquer Jean-Daniel Matet, président de l'EuroFédération de Psychanalyse dont le projet, pour BHL, correspond, dira-t-il, à celui des Lumières en Europe, avec ces échanges en plusieurs langues et ces pays multiples, il y a un enjeu du texte qui intéresse les psychanalystes. Il s'agit de cette question politique aiguë du choix, au présent, entre l'uniformité sans parole et une nouvelle donne politique.

Cette nouvelle donne, BHL l'expliquera avec une simplicité bien rare dans le débat politique contemporain. Elle relève notamment d'un constat: la nation n'est plus l'échelle adaptée. S'en déduit un autre constat : comment passer de plusieurs nations qui font leurs cuisines locales et s'isolent en silence, à une organisation politique nouvelle, à une donne novatrice qui ne soit pas juste le fruit d’un savoir-faire technocratique, comme l'est si souvent la Commission européenne, épinglée dans le texte d’Hôtel Europe, avec ses réglementations raffinées qui divertissent des juristes sourcilleux. À l'appui du constat, venait faire écho le final de Jacques Weber : une déclamation, voire un plaidoyer, pour la construction d'un discours qui se tienne en matière d'Europe.

Ainsi, ce que propose BHL n'est pas un remède, moins encore une recette. Il fera remarquer, suite à une interrogation de Philippe Benichou, directeur de l'Envers de Paris, précisément sur cette question d'acte politique et de suite à trouver devant ces constats peu glorieux, notamment ces ratés politiques dans différents conflits de ces dernières décennies, que les moments où il réussit à poser des actes sont finalement rares et dépendants des contingences.

Ces contingences sont encrées d'une traversée des siècles, elles imposent des outils nouveaux, un réveil radical et une rigueur renouvelée. C'est sur ce point qu'Anaëlle Lebovits-Quenehen interrogera BHL en reprenant le moment qui verra s'opposer Husserl et Heidegger : l'Europe n'avancera pas si chacun s'exclut d'un effort de lecture, d'un rapport à la lettre, qui est d'abord sa marque, de Jérusalem à Athènes, et d'Athènes à Milan, de Milan à Sarajevo, et de Sarajevo à Munich, de Munich à Stockholm.

On pourra relire le texte et revoir la pièce, pour sa densité. On pourra aussi relire ces époques pas lointaines du tout, où les décideurs, comme on dit d'eux, ne furent pas à la hauteur. Avec ce texte, BHL engage son corps dans l'élaboration d'une pensée sur l'Europe, comme il engage celui de chacun, pour rencontrer une histoire parfois un peu bizarre, souvent un peu violente.

Lire la suite

Le pouvoir rend fou

Débat Café Psychanalyse du 20/11/2014

autour d’Ubu Roi avec

Dominique Laurent et François Regnault

Y a-t-il encore matière à débattre aujourd’hui sur le texte princeps d’Alfred Jarry ? Sans conteste, oui ! Du fait que les pouvoirs politiques restent, eux, toujours d’actualité.

Du percutant « Merdre », devenu célèbre, proféré par le Père Ubu en ouverture de la pièce et qui plonge d’entrée de jeu le spectateur dans le champ des pulsions qui agitent le monde politique, au constat tout aussi célèbre du « S’il n’y avait pas de Pologne, il n’y aurait pas de Polonais ! » qui clôt le dernier acte et dont Lacan s’est saisi dans son enseignement, Ubu Roi met en scène la folie qui peut venir habiter les hommes investis des pouvoirs politiques absolus. La scène politique explorée par Jarry ne met-elle pas en valeur son équivalence avec les jeux d’enfants où tout se voudrait possible de la destruction de l’Autre et ce au moyen des pouvoirs de la pensée magique ? Il suffit d’un simple reset aujourd’hui pour magiquement annuler le carnage que proposent les jeux vidéo.

Des foires d’empoigne que nous montrent les hémicycles de nos honorables Assemblées aux comportements irréalistes de certains de nos hommes politiques, découle le constat que certains des sujets qui s’engagent dans le manège des pouvoirs politiques nous semblent être complétement déconnectés de la réalité de notre vie quotidienne. D’où pourrait se poser la question : la politique est-elle un délire ? Tout en étant une réalité incontournable.

François Regnault et Dominique Laurent se risqueront au débat avec les artistes et les spectateurs.

Nous vous invitons donc à vous rendre au Théâtre de Châtillon le jeudi 20 novembre 2014 à 20h30 pour assister à la représentation de la pièce Ubu Roi mise en scène par Jérémie Le Louët et interprétée par le Compagnie des Dramaticules, puis à participer au débat Café Psychanalyse de l’ACF-Île de France qui fera suite au spectacle.

Il est recommandé de réserver sa place (places numérotées) auprès du Théâtre de Châtillon au 01 55 48 06 60

Site du Théâtre à visiter pour tous renseignements : www.theatreachatillon.com Lien vers une interview vidéo présentant la pièce : Ubu Roi   José Rambeau est responsable des Cafés Psychanalyse de l’ACF-IdF Enregistrer

Lire la suite

a-corps parfaits

« a-corps parfaits », un titre en forme de Witz pour le Colloque annuel de l’ACF-Estérel Côte d’Azur du 11 octobre 2014 dont vous lirez l’introduction faite par Armelle Gaydon.

Les corps remaniés par la science, que notre époque rêve sans limites, résonnent dans le titre « a-corps parfaits », ainsi que dans le titre choisi par notre invité. Il a bravé une météo fort aléatoire pour venir nous parler des « Paradoxes de la prédiction »… : avouons qu’hier soir nul ne se risquait à prédire s’il finirait par se poser à Nice. Mais François Ansermet a parié sur son désir et non sur le calcul de probabilité. Et voilà ! Il est là.

Lacan aimait à dire qu’« il n’y a de science que fiction »[1]. Il accordait son estime à ces fictions futuristes qu’il qualifiait tantôt de « variations sur le thème du savoir absolu » tantôt d’« amusettes »[2]. Prendre le propos de Lacan au sérieux, c’est s’apercevoir qu’un thème récurrent du cinéma campe des héros aux corps glorieux, ayant réalisé la promesse de la science d’éradiquer les limites du corps[3]. En somme, la science-fiction dévoile en quoi les corps sont devenus les « victimes toutes désignées » de la science[4].

Dès 1974, Lacan prédit le retour de la religion, y compris la religion des corps. Mais la science avec ses « tripatouillages » lui paraît « autrement plus despotique, obtuse et obscurantiste » que la religion[5]. Il est temps d’ajouter aux trois professions impossibles – gouverner, éduquer et psychanalyser – « une quatrième, la science. À ceci près, dit-il, que les savants ne savent pas que leur position est insoutenable ». Il évoque une science « folle » « avançant à tâtons » et « sans juste milieu » au point qu’elle commence à effrayer les savants eux-mêmes qui soudain se demandent : « Et s'il était trop tard ?... Et si tout sautait ? »

En riant il ajoute : « Je ne suis pas pessimiste. Il n’arrivera rien. Pour la simple raison que l’homme est un bon à rien, même pas capable de se détruire lui-même. […] Je trouverais merveilleux un fléau total produit pour l'homme. Ce serait la preuve qu’il est arrivé à faire quelque chose […]. [Ce serait] le triomphe de l’homme ». Il conclut : « Mais ça n’arrivera pas » !

Lacan restait optimiste. Certes, nous les savons tenaces, ces fantasmes de « corps parfaits » ainsi que ces vertiges des sciences de la vie qui réalisent une autre prophétie de Lacan : l’avènement du corps « détaill[é] pour l’échange »[6].

Le mérite de ces films est de mettre en scène le pouvoir d’effraction et la puissance subversive qui résulte du fait que ces corps qui rêvent de perfection soient aussi des corps parlants et désirants. La science-fiction oppose souvent aux sociétés futuristes et totalitaires pilotées sur écran, une poignée de rebelles déguenillés qui n’ont pour trouer cette toute-puissance que leur courage physique, leur incompréhensible volonté de continuer à faire l’amour pour se reproduire et leur étrange énergie à continuer de vouloir lire des livres imprimés sur papier. La clinique nous l’apprend : on pourra toujours compter sur l’incroyable capacité du parlêtre à se prendre les pieds dans son fantasme, son inconscient et sa jouissance et à faire buguer, dérailler et rater ces projets de sociétés pures.

En matière de prédiction, la seule chose à peu près sûre c’est que les parlêtres continueront d’avoir affaire, dit Lacan, au réel qui toujours « prend l’avantage »[7]. Céder à l’inquiétude n’est donc pas de mise tant que le psychanalyste gardera une orientation vers le réel. Pour cela, là où « les savants [dont parle Lacan] ont leurs alambics et […] leurs montages électroniques » [8], notre « couteau-suisse » à nous – je rappelle que François Ansermet vient de Suisse ! – c’est… de rendre au parlêtre sa parole.

[1] Lacan J., interview pour le magazine Panorama (1974), republiée dans le Magazine Littéraire, n° 428, février 2004, p. 24 : « Pour moi, la seule science vraie, sérieuse, à suivre, c'est la science-fiction. » Disponible en ligne (octobre 2014). [2] Lacan J., Le Séminaire, livre IX, L’identification, inédit, Leçon du 22 novembre 1961. [3] Cf. Armelle Gaydon, « Limitless », a-corps parfaits n°4, newsletter préparatoire au Colloque de l’ACF-ECA du 11 octobre 2014, en date du 29/09/2014, disponible en ligne (octobre 2014) sur le Blog de l’ACF-ECA. [4] En paraphrasant Jacques-Alain Miller qui parlait des « enfants victimes toutes désignées du savoir ». Cf. Jacques-Alain Miller, « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Navarin Editeur, 2011, p. 13-20. [5] Lacan J., interview republiée dans le Magazine Littéraire, op.cit., ainsi que les citations qui suivent. [6] Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 369. [7] Lacan J., interview republiée dans le Magazine Littéraire, op.cit. [8] Ibid.

Lire la suite

L’analyste porte la parole

L’école de Lacan est celle qui parle à partir de ce qu’est l’expérience d’une psychanalyse. La présence de l’ECF dans les régions devient particulièrement effective lorsque ceux qui sont allés jusqu’au terme de cette expérience y sont invités. S’enseigner de leur témoignage est le pari que peut prendre la communauté de travail qui s’inscrit dans l’orientation lacanienne. C’est dans cette intention que l’ACF-Midi Pyrénées a invité le 4 octobre dernier Danièle Lacadée-Labro, AE en exercice, à venir rejoindre ses membres pour participer à une séance de leur Séminaire Interne et donner une conférence publique. Florence Nègre saisit ici les points vifs de sa conférence devant un auditoire en grande partie jeune et captivé qui l’a écoutée parler sous le titre « Une cure-type aujourd’hui: une femme à venir de la fille ».

La cure-type, extraite du texte[1] de Lacan, avait été, avant la conférence, à l’ordre du jour du Séminaire Interne. Selon la méthodologie lacanienne qui exige des mêmes choses un « discours différent à être prises dans un autre contexte »[2], chacun avait relu ce texte de 1953 dans la perspective de la question mise au travail cette année : qu’est-ce qu’une psychanalyse au XXIe siècle ? Puis une conversation s’est engagée où chacun s’est tenu à suivre l’invitation éthique de Jacques-Alain Miller à « rester au plus près de l’expérience pour la dire »[3], pour dire la psychanalyse qui change. Comment par exemple envisager ce propos fort de Lacan selon lequel « l’analyste porte la parole »[4] du sujet à l’ère du parlêtre, quand la parole du sujet mute en « percussion du signifiant sur le corps »[5] ?

Une femme à venir de la fille. De la fille à la femme, l’avenir est tout tracé pour la biologie. Il en va tout autrement pour la psychanalyse. Prenant appui sur son analyse, Danièle Lacadée-Labro a fait entendre au cours de sa conférence que l’on devient femme selon un trajet singulier, une par une, au gré des rencontres et tout particulièrement de ce qui vous a été dit ou ce qui ne l’a pas été. Il s’en déduit que l’expérience de la psychanalyse peut permettre d’aller jusqu’au point de rendre compte de ce trajet et du sujet féminin qui en résulte. Extrayant de son expérience de vie des signifiants marquants, isolant la tristesse « passée dans [son] corps » « comme un liquide dans le corps », l’analyste s’est employée à disséquer plusieurs rêves jusqu’à rendre compte du passage subjectif entre le début de l’analyse empreint d’« un deuil infini » et la fin, marquée d’« un plus de vie »[6]. J.-A. Miller, commentant l’ultime conception de la passe par Lacan, avait pointé qu’il s’agit d’« une procédure inventée […] pour mettre à l’épreuve de dire la fin de l’analyse. »[7] Eh bien, c’est à cela que nous avons assisté, à une mise à l’épreuve de dire son expérience de la cure. Deux conséquences en ont découlé : un effet vivifiant du côté de la salle d’où ont fusé réactions et interrogations, et une mise au travail de D. Lacadée-Labro elle-même à recevoir et examiner les questions posées par l’assistance.

De sorte que l’on peut dire avec Lacan que si « la psychanalyse ne change rien au réel, [...] elle “change tout” pour le sujet »[8].

[1] Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966. [2] Ibid, p. 339. [3] Miller J.-A., L’inconscient et le corps parlant, Conférence prononcée en clôture du IXe congrès de l’AMP le 17 avril 2014 à Paris. (L'inconscient et le corps parlant, http://wapol.org/fr/articulos/Template.asp?intTipoPagina=4&intPublicacion=13&intEdicion=9&intIdiomaPublicacion=5&intArticulo=2742&intIdiomaArticulo=5) [4] Lacan J., « Variantes de la cure type », op.cit., p. 350 [5] Miller J.-A., « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Collection de la petite Girafe, Paris, Navarin, n° 1, 2011, p. 19. [6] Lacadée-Labro D., « Reddition de l’hystoire et réduction de la jouissance », La Cause du désir, Paris, Navarin, n° 87, p. 95. [7] Miller J.-A., « La passe du parlêtre », La Cause freudienne, Paris, Navarin, n° 74, p. 118. [8] Lacan J., « Variantes de la cure-type», op. cit., p. 350.

Lire la suite

Échos du 6e Colloque Médecine & Psychanalyse de Clermont-Ferrand

Le 6° Colloque Médecine & Psychanalyse s’est tenu les 25, 26 et 27 septembre dernier[1] sur le thème « La clinique contemporaine. La plainte ».

Deux conférences ont donné d’emblée le ton. Pour le Pr J.-E. Bazin, professeur d’anesthésie et réanimation à Clermont-Ferrand, il y a « une plainte irréductible qui ne peut se résoudre dans un protocole de soin ». À partir de la techné d'Aristote, le Pr J.-C. Weber, chef de service de médecine interne au CHU de Strasbourg, nous a introduits à la « microcréativité », selon lui exigible du médecin ; invention hic et nunc d’un comportement qui n'est pas entièrement prédictible. Il a conclu par cette très belle formule : « Le médecin ne peut que laisser à désirer ».

Du « vouloir un enfant » au burn out

Trois psychanalystes parisiens, dans une séquence coordonnée par Marga Auré, ont montré comment la clinique contemporaine s’inscrit dans le « malaise dans la civilisation ».

Deux présentations cliniques évoquant les « exploits de la chirurgie » nous ont montré comment la rencontre avec l’analyste fut, pour l’un des cas, occasion de questionner la paternité et ouvrit, pour l’autre, la possibilité d’une socialisation.

Plaintes et addictions

Tel était le thème choisi par l’équipe venue de Belgique. J.-L. Aucremanne sous le titre « Artaud, plainte, persécution et création » illustra comment Artaud « revendicateur d’un corps sans organe » par « son invention d'écriture », fit de son art et de sa folie son traitement pour vivre.

Le corps

Du corps, entre science et famille, l’équipe espagnole isola comment, l'objet du besoin, d’être objet possible disponible sur le marché, devient objet de la demande. Les Italiens abordèrent quant à eux la démarcation difficile entre déficit et excès, traitée aussi par d’autres collègues ayant affaire davantage à des questions liées à la proposition et l’acceptation de traitements chirurgicaux dans la clinique contemporaine. Nous avons ainsi pu suivre, dans l'après-midi, le trajet d’un sujet obèse : chirurgie bariatrique, puis esthétique, médecin nutritionniste, quid des effets sur la pulsion ?

Les Bordelaises nous présentèrent comment, à donner la parole à un sujet le corps peut être traité : une solution s’élabore pour chacun au cours d'entretiens orientés par la psychanalyse.

La plainte : philosophie, linguistique, justice, psychanalyse et littérature

Après les trois interventions de Chrisian Godin[2], Mylène Blasco[3] et Anne Robert[4],

Dominique Laurent montra comment, avec Lacan, la psychanalyse offre « un espace de respiration, un espace pour le réel de la plainte » qui, par l'acte de l'analyste, peut devenir symptôme. Jean Reboul[5], dans un langage très poétique, fit résonner l’inaccessible de la rencontre. Christine Jacomet[6], rendit compte du « pas de côté » opéré par un sujet alcoolique après une présentation clinique. L’écrivain Louise L. Lambrichs et son amour de l’écriture nous ont transportés dans son engagement auprès de malades atteints de cancers.

L’exercice médical

Nous en retiendrons deux points forts : la thèse « en médecine qualitative » de Julien Druet, jeune médecin qui a appris à écouter la plainte à partir des présentations cliniques faites dans un service de médecine interne.

La dernière séquence du colloque fut consacrée à la difficulté actuelle de l’exercice. Le burn out concerne, aussi, 5% des médecins et le risque de suicide est multiplié par 2,37% par rapport à la population générale. Araceili Teixido[7] interrogeant la violence faite aux médecins fit entendre comment le retour de la jouissance dans chaque passage à l'acte violent n’avait pu être aperçu. Partant de la souffrance du patient, elle en vint à évoquer celle du médecin et conclut que pour explorer correctement la souffrance de l’autre il faut d’abord explorer la sienne.

Pour conclure : ce colloque fit la démonstration que médecine et psychanalyse se décomplètent et, ce faisant, fraient une voie d’accès possible au malaise dans la civilisation qui va se perpétuant.

[1] Dirigé par Marie-Elisabeth Sanselme-Cardenas et Jean Reboul, présidé par Dominique Laurent et le Professeur Pierre Philippe. [2] Christian Godin, professeur de philosophie à Clermont-Ferrand. [3] Mylène Blasco, enseignante en sciences du langage à Clermont-Ferrand. [4] Anne Robert, juriste. [5] Psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP. [6] Praticien hospitalier en infectiologie. [7] Psychologue et psychanalyste à Barcelone.

Lire la suite

Toussaint Turelure par la voix de Jacques Roch ou la mise en scène de la jouissance

Magistralement servi par Louise Roch, Valentin L’Herminier et Jacques Roch, le texte de L’Otage s’est incarné à Rennes en septembre dernier, ponctuant une journée d'hommage à Roger Cassin.  Ana Victoria Saldarriaga Alzate s’efforce ici de décanter pour nous et pour elle-même ce que charrie cette prose chargée jusqu'à la gueule de perles et d’ordures. Sous la poétique, les lignes de la structure du pacte entre les hommes et des actes qui le traduisent – pas sans le trahir – sont tendues à l’extrême.  Car il advint qu’en ces temps de détresse l’amour refusa de pactiser avec la vie. Chacun allant de son côté, la vérité de la chair fut dénudée et son silence méprisé. Dans La marquise d’O, Kleist n’avait pas dit tout à fait la même chose, mais la longue trilogie et la brève nouvelle se croisent au point où elles s’affrontent avec bravoure à la révélation du non rapport sexuel. Telle était la signature de l’époque contemporaine... Est-elle dépassée ?

Nathalie Georges-Lambrichs

La mise en scène de L’otage par Jacques Roch dans l’après-midi Lacan lecteur de Claudel[1] a fait résonner en moi, après coup, le non et la jouissance.

Le non et le nom

Il y a le « non » dans l’équivoque de la lalangue. Tandis que Louise Roch fait entendre : « La vie est à Dieu, mais le nom est à moi », j’entends : « le non est à moi ». Je me laisse guider par l’équivoque, parce qu’on identifie Sygne dans le « nom ». Ce « non », c’est son choix, et non celui de Dieu. Que refuse-t-elle alors ? Il ne s’agit pas d’une demande, puisque finalement elle les accepte toutes. Son « non » refuse autre chose, il refuse la jouissance que Turelure représente pour elle[2] : « tout est changé, Georges. Il n’y a plus de droit, il n’y a plus qu’une jouissance ». Sygne l’a compris dès que Toussaint Turelure lui a exposé ses crimes sans aucune honte[3], puis lorsqu’il a éliminé le nom et le droit pour leur substituer la fraternité[4] :

TURELURE : L’enfant majeur n’est plus soumis à son père.

SYGNE : Mais la femme reste toujours soumise à son époux.

TURELURE : Nous ne reconnaissons plus de vœux éternels.

[…]

TURELURE : Les morts lieront-ils les vivants pour toujours ?

À cette dernière question Sygne répondra oui. Elle dit à Georges : « Prends ma main puisque tu ne me vois plus, ô frère, je suis restée la même ! Et mon autre main est liée à la chaîne de tous mes morts. »[5]

Il faut partir de l’opposition entre ce qu’ils sont, un nom, un droit, et ce que Turelure est, une jouissance. C’est essentiel comme point de départ pour ce que Lacan veut nous montrer de l’émergence du désir dans la dernière œuvre de la trilogie.

Le père aussi ridicule, pure jouissance

La figure et la voix que Jacques Roch prête à Toussaint Turelure dans la scène m’ont étonnée. Le Toussaint que j’imaginais allait plutôt dans le sens de la méchanceté et de la tragédie. Or les inflexions de la voix du comédien m’ont révélé le père ridicule, à entendre comme ce qui fait rire malgré l’air tragique qui peut le couvrir.

Mais de quoi est-ce là le ridicule ? D’une jouissance toute seule, étrangère aux besoins d’une chaîne signifiante. Lacan y fait également référence, dans Le Séminaire, livre VI[6], avec l’avare qui fait rire ; nous retrouverons ce trait dans le Turelure du Pain dur. Mais avant que la jouissance se prenne dans cet objet-là, nous la voyons ici, cette jouissance, ridiculement pathétique dans la dernière scène, magnifiquement représentée par les acteurs : ce Turelure-là est complètement certain de l’amour éternel de Sygne. Il n’y a aucun doute pour lui. C’est sa femme : il l’aime, donc elle l’aime. Il est vivant, donc elle doit vivre. Ce ridicule de l’impossible mené à l’extrême est pathétique, car il n’aura jamais son âme puisque Sygne se refuse à cette jouissance. L’horreur de l’un en face de l’autre cristallise cette impossibilité :

SYGNE : Monsieur le Préfet, c’est donc en partie de police que vous êtes venu chez moi aujourd’hui ?

TURELURE  : Quelle horreur ! […][7]

Il clame son horreur de tout ce que la police représente. Et elle[8] :

SYGNE : Vous me faites horreur.

TURELURE : Je le sais. C’est sur ce sentiment que notre amitié est fondée.

Si Sygne a choisi le non et le Nom-du-Père, lui est le fils de sa mère : « Je suis le fils de votre mère Suzanne. »[9]  Turelure peut toujours faire les lois, il n’est pas inscrit dans la loi signifiante. Sygne, quant à elle, ne nous parle que de l’inscription dans cette loi, qui est, en même temps, celle du désir. Chez Turelure, les fondements des rapports avec les autres sont les lois primordiales de l’esclavage, sans substitution avec celle du désir. Ne dit-il pas :

« Qu’est-ce qu’une génération ?

Ne suis-je pas né votre serf et le fils de votre servante ? »[10]

Même à l’égard de l’amour il ne conçoit pas d’autre possibilité. De même sur son amour pour Sygne : « Ah, le vieil esclavage de ma mère continue ! »[11] Si Sygne dit « non » à la jouissance et oui au nom, Turelure dit oui à la jouissance et non à l’inscription signifiante, et, en conséquence, au Nom-du-Père. La loi signifiante se justifie en raison de son revers, la jouissance.

Si, selon Lacan, Sygne représente la marque du signifiant[12], il me semble que dans ce premier moment de la trilogie, Turelure représente la jouissance même, toute seule, ne s’inscrivant dans aucun signifiant, et encore moins dans la sexuation. Voilà où s’inscrit l’impossibilité, l’inexistence de tout rapport sexuel pour l’être parlant, là est le pathétique de la scène finale : la jouissance déferle, face à la chaîne signifiante, sans possibilité de rapport.

[1] Organisé par l’ACF-VLB et la Section clinique de Rennes, 13 septembre 2014. [2] Claudel P., L’otage suivi de Le pain dur et de Le père humilié, Paris, Gallimard, p.120. [3] Ibid., p. 64-5. [4] Ibid., p. 70. [5] Ibid., p. 128. [6] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, Éditions de La Martinière et Le Champ Freudien Éditeur, juin 2013, p. 108-109. [7] Claudel P. op. cit., p. 62. [8] Ibid., p. 65. [9] Ibid., p. 67. [10] Ibid., p. 66. [11] Ibid., p.77. [12] Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, op. cit., p. 357.

Lire la suite

Ce qui convient à la promesse

La première rencontre du FIPA (Forum des Institutions de Psychanalyse appliquée) fut ouverte par Bernard Jomier, adjoint au Maire de Paris, délégué à la Santé, au Handicap et aux relations avec l'AP-HP, qui salua le désir et l'engagement des acteurs de cette rencontre, puis elle fut introduite par Patricia Bosquin-Caroz et Philippe Bénichou. C'est Lilia Mahjoub, présidente du CPCT-Paris, qui conclura cette matinée de travail en rappelant que c'est la réalité psychique, toujours singulière, qui est prise en compte dans ces expériences, et non la réalité collective. Entre temps, six textes auront été lus et débattus, répartis en trois séquences sous les titres : Un lien social renouvelé ; L'enfant qui dérange ; Une insertion singulière.

Lors de cette première rencontre, a été présenté un échantillon les institutions et associations, qui composent le réseau du FIPA, et dont la pratique est d'orientation lacanienne. Enfants, adolescents, adultes, sont reçus par des praticiens qui, pour la plupart, y œuvrent bénévolement. L. Mahjoub rappelait comment Freud lui-même ne reculait pas, dans certains cas, à proposer la gratuité du traitement. Orientation lacanienne ? Psychanalyse appliquée ? S'il fallait rapidement qualifier cette orientation, nous dirions que c'est une orientation de l'inversion, de celle qui peut toucher un message lorsque le sujet qui l'émet, le voit revenir de l'Autre, et lorsque le psychanalyste en prend acte. Les manières en sont très diverses, comme nous avons pu l'entendre. « L'inconscient est ce discours de l'Autre où le sujet reçoit, sous la forme inversée qui convient à la promesse, son propre message oublié »[1] nous dit sans ambages qu'une telle inversion, lorsqu'elle se produit, convient à la promesse. C'est dire d'abord qu'elle ne promet rien justement, sinon d'ouvrir à un, ou des possibles, pour tel ou tel sujet. Entre temps le message aura transité via la réalité psychique, cet Autre qui fait doublure à la réalité du sujet, et où se produit cette inversion des champs et s'infléchit le discours. Le transfert du sujet au praticien psychanalyste pouvant signer son transport d'un discours à un autre. Ces lieux Alpha selon la formule de Jacques-Alain Miller, ont été créés pour qu'une telle rencontre puisse se produire. C'est là la réponse attendue, à l'encontre du déballage cathartique et de sa jouissance asymptotique. Jacques Lacan le rappelle, dans une de ses formules éclair qui condense clinique, épistémologie et politique : «  le psychanalyste, pour ne pas détacher l'expérience du langage de la situation qu'elle implique, celle de l'interlocuteur, touche au fait simple que le langage avant de signifier quelque chose, signifie pour quelqu'un »[2].

[1] Lacan J., "La psychanalyse et son enseignement", Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 439. [2] Lacan J., " Au-delà du principe de réalité", op. cit., p. 82.

Lire la suite
Page 31 sur 32 1 30 31 32

Espace rédacteur

Identifiez-vous pour accéder à votre compte.

Réinitialiser votre mot de passe

Veuillez saisir votre email ou votre identifiant pour réinitialiser votre mot de passe