Ce titre met l’accent sur la continuité de la formation dans la psychanalyse. C’est une façon de nommer le fait qu’elle ne s’arrête pas, qu’elle ne cesse pas.
À « permanence de la formation », fait écho la « permanence du symptôme », telle que Jacques-Alain Miller l’a différenciée du lapsus et du mot d’esprit, en indiquant que le symptôme ne se résorbe pas avec le déchiffrage de la vérité. Le symptôme résiste à la vérité. Sa permanence est ce qui a conduit Freud à concevoir le transfert négatif et Lacan, la face réelle du symptôme puis, à la fin de son enseignement, le sinthome en tant que reste de l’opération analytique. Disons alors que le titre de Question d’École indique que la formation serait un symptôme qui s’écrit et ne cesse pas de s’écrire.
D’autre part, ce titre s’éclaire de deux sous-titres. On peut y lire une entrée à double détente. La première, c’est le contrôle et sa nécessité, la deuxième relève de l’expérience analytique : « Finitude et infinitude de l’analyse » qui indique d’emblée, là aussi, une forme d’infini dans la formation.
Contrôle
À l’ECF, le contrôle n’est pas une obligation qui figure dans les statuts de la formation pour devenir psychanalyste. Pourtant, le contrôle est recommandé et attendu. Il est un des critères qui fonde la décision de nommer ou pas l’AME. Il a donc valeur de formation pour l’École.
Du côté de l’analysant, le contrôle n’est pas une demande qui s’inscrit dans un programme voire un cursus pour devenir analyste. Pour autant, il s’éprouve comme une nécessité pour celui qui s’autorise à une pratique d’analyste. J.-A. Miller qualifiait le contrôle de « désiré ». Cette position est historique. En indiquant que l’analyste ne s’autorise que de lui-même, Lacan voulait surtout marquer le fait qu’il ne s’autorise pas de la hiérarchie. Celui qui s’autorise, c’est l’analysant en tant qu’il choisit d’être analyste et s’en fait responsable. C’est un acte.
Non obligatoire du côté de l’École, mais nécessaire pour celui qui se fait responsable de son expérience d’analyste, le contrôle se fonde sur un désir de savoir.
Alors, que contrôle-t-on ?
Au début, on contrôle le cas. On expose la clinique du cas, du diagnostic, mais aussi de la mise en jeu du travail, et on questionne ce qui rend possible la rencontre analytique.
Ensuite, on vient contrôler son acte. On construit le cas. C’est-à-dire qu’on y introduit notre savoir analytique. On construit le cas à l’aulne de son propre cas. Il est indéniable qu’il y a dans la façon dont on construit un cas en contrôle, un reste de la façon dont on a construit son propre cas pour le transmettre dans la passe.
Finitude et infinitude de l’analyse
Je suis frappée par ces deux signifiants qui évoquent immédiatement le texte de Freud « analyse finie et infinie ». Je me suis d’abord étonnée que cette question ne figure qu’en second sous-titre, car la formation, c’est d’abord l’expérience analytique. C’est elle qui forme, c’est elle qui est didactique. Et c’est par la passe que se lit s’il y a ou non analyste. L’invention de la passe, c’est mettre au cœur de la formation, l’analyse et sa transmission. Ceci dit, faisons l’hypothèse que « finitude et infinitude de l’analyse » venant en deuxième sous-titre postule qu’il y a un lien entre formation, contrôle, et analyse finie ou infinie. S’il y a de l’infini, c’est du côté de la formation que cela s’entend, l’analyse ne cesse pas après l’analyse. Elle se poursuit par d’autres voies, notamment celle du contrôle, mais il y en a d’autres comme l’enseignement et la transmission.
C’est pourquoi, m’appuyant sur la réponse de Lacan sur ce qu’est un sinthome dans la psychanalyse : « Je ne pense pas que la psychanalyse soit un sinthome. Je pense qu’elle est une pratique (…) Ce n’est pas la psychanalyse qui est un sinthome, c’est le psychanalyste » [1], me vient cette question : ne peut-on se demander si le ressort de l’expérience ne serait pas de faire de l’analyste un sinthome ? Je propose alors de considérer le contrôle, son dispositif à trois avec un objet commun qui est l’analysant du contrôlé, ne serait-ce pas le lieu qui permet l’émergence de cette définition de l’analyste comme un sinthome ? Ne serait-ce pas dans cette structure si particulière du contrôle qu’il y a chance qu’un analyste aperçoive en quoi il est un sinthome ?
[1] Lacan J., Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, Mars 2005, p. 135.