La réunion pour l’orientation de la Diffusion des J47 en l’Ile de France eut lieu un jour de fête, celle de la musique. A se mettre ainsi au travail à plusieurs, et mesurer le champ d’extension que cette diffusion allait couvrir sur l’ensemble de la région, ce fut d’abord l’expérience d’une force de frappe du désir surprenante !
En effet, si pour diffuser, il s’agit de cibler le plus largement possible en touchant bien sûr les diverses institutions psychiatriques, et plus largement médico-sociales, avec ce thème « Apprendre : désir ou dressage ? », ce sont aussi les personnels des lycées, collèges, écoles, écoles spécialisées, les associations de parents, les orthophonistes, éducateurs… qui se trouvent concernés.
Comment alors faire entendre ce que le discours analytique peut apporter, lorsque les ondes de nos secteurs et de l’espace public sont saturées des neurosciences, de l’éducation thérapeutique, des tutoriels qui délivrent sur internet la bonne méthode pour tout apprendre, tout seul, tout de suite afin de réussir et être performant ? Comment favoriser l’heureuse rencontre avec la psychanalyse d’orientation lacanienne sur un thème au carrefour de différentes pratiques dominées quant à elles par un discours qui, le plus souvent, forclos le sujet, sa causalité psychique et son consentement1?
Diffuser pour ces Journées invite donc celui et celle qui y participe à s’orienter de son désir et de ce qui l’arrime au discours analytique ; encore faut-il engager les mots pour le dire, et les bien dire. La trouvaille pour ce faire : les lettres ciblées pour chaque champ, chacune visant au plus près de ce qui peut concerner la pratique à laquelle elle s’adresse.
Mais justement, comment, ensuite, faire en sorte que ces lettres, et le matériel d’information des J47 envoyé aux diverses institutions, suscitent le désir d’en savoir plus ? C’est là qu’il s’agit d’engager aussi sa parole par-delà l’écrit, au gré des occasions à saisir. Ainsi côté éducateur spécialisé, une ancienne collègue, que je sollicitais pour diffuser dans son CMP, s’étonnait que le thème ne concerne pas seulement les enfants, invitant alors à évoquer les Gribouille que nous sommes tous, en tant qu’êtres parlants ayant à faire avec la vie et ses embrouilles. Avec certains enseignants de lycée suite à la diffusion dans les casiers de la lettre ciblée à leur intention, la discussion plutôt théorique d’emblée s’est déportée de la ponctuation dans la formulation du thème – Pourquoi l’absence de point d’interrogation ? Et pourquoi pas de deux points ? Ou des points de suspension ? – à l’équivocité de la formulation, pour finalement ouvrir, à partir de l’expérience du jour, à celle du désir de l’enseignant, un des axes des simultanées.
Ce sont donc les enjeux politiques et éthiques de cette diffusion qui en ont fait pour moi une expérience enseignante. Diffuser en ce sens, ce n’est pas seulement cliquer, même quelques milliers de courriels. Diffuser pour les J47, c’est soutenir une parole qui à la fois s’origine, et très particulièrement avec ce thème, de l’éthique de la pratique analytique, tout en s’inscrivant dans la cité en se portant au dehors de son champ, et pour inviter à une rencontre. Politique dans sa finalité, cette diffusion ne peut alors manquer d’être stratégique dans ses moyens : mais par-delà le pour tous, elle implique nécessairement de multiplier les liens au un par un, actant ainsi de l’impossible qui travaille le mouvement de toute expérience de transmission. C’est en ce sens que l’enjeu reste de bout en bout éthique.