Apprendre : désir ou dressage ? s’est décliné avec Sonia Chiriaco au cours d’une conférence préparatoire aux prochaines Journées de l’Ecole sous le titre « Le savoir de l’inconscient est-il déjà là ? » ce samedi, dans l’ACF CAPA, à Amiens, en présence d’un large public.
L’inconscient répète, c’est l’une des premières découvertes de Freud. Les candidats à l’analyse ne s’y trompent pas, souligne dès l’ouverture de son intervention S. Chiriaco. « En effet, pourquoi ce qui me fait souffrir, que je refuse absolument, insiste-t-il, malgré moi. »
La compulsion de répétition est en contradiction avec le principe de plaisir. C’est en 1920, dans Au-delà du principe de plaisir que Freud déduit de ses observations des névroses de guerre qu’il existe une compulsion de répétition qui se place au-dessus du principe de plaisir et que ce même principe semble être au service des pulsions de mort. Fort de constater également que quelque chose résiste toujours dans le travail analytique. L’analyse bute sur une forme inaltérable de la répétition, elle bute sur l’incurable. Certes, l’inconscient se déchiffre, mais on n’en a jamais fini, c’est ce que laisse entendre Freud, en recommandant à l’analyste de reprendre le chemin de l’analyse tous les cinq ans. En effet, si l’inconscient est un savoir, il n’est pas une simple réserve de mémoire qu’il s’agirait d’extraire par l’interprétation, c’est un savoir qui se construit dans l’analyse.
En 1964, Lacan fait de la répétition un des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse avec l’inconscient, le transfert et la pulsion. La répétition apparaît là comme le produit d’une rencontre toujours manquée. Le schéma du circuit de la pulsion atteste que c’est bien parce que la pulsion rate toujours son but qu’elle doit se réitérer à l’infini. Ce qui se répète, se produit comme au hasard en rapport avec la tuché, du réel comme rencontre, toujours manquée. La répétition est fondée sur le retour de la jouissance, retour comportant une perte car l’objet est irrémédiablement perdu. La jouissance ici énoncée apparait comme première dans la mesure où c’est le corps qui jouit. Mais elle subit inévitablement l’influence de la parole chez le parlêtre. La jouissance du symptôme n’est pas primaire mais produite par le signifiant par la percussion du signifiant sur le corps. Là où Freud bute sur le reste symptomatique à la fin de l’analyse, Lacan en fait une solution, une trouvaille. L’analyse dit-il dans Le moment de conclure, « ne consiste pas à ce que l’on soit libéré de ses symptômes. L’analyse consiste à ce que l’on sache pourquoi on en est empêtré »[1]. Savoir y faire avec son symptôme, telle est la nouvelle version de l’apprentissage, plutôt inouïe de la fin d’une cure. S. Chiriaco, de conclure : « nul doute qu’une analyse qui se prolonge suffisamment loin puisse dégager le sujet du pire et à apprendre au mieux à se débrouiller avec les signifiants qui ont fait son destin. »
Ce que l’on apprend dans l’analyse c’est que la pulsion ne se dresse pas alors que le sujet vient souvent en analyse pour essayer de la dresser. Mais alors est-ce que le savoir y faire avec la jouissance serait un dressage de sa propre jouissance au point où on ne pense plus la pulsion ? Le dressage est-il possible alors que la jouissance est déjà là, ne s’agit-il pas plutôt comme le soulignait Virginie Leblanc « de faire tourner le cheval dans le manège »[2] ? Comment un sujet, à partir du trop de la répétition, du choix du même, peut en extraire un savoir ? Nous aurons l’occasion de reprendre ces questions lors des prochaines Journées… Rendez-vous les 25 et 26 novembre !
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XXV, Le moment de conclure, séance du 10 janvier 1978.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’angoisse, Paris, Seuil, 2004, p.148.