En se plaçant du point de vue de la politique, ce qui m’a frappé, c’est l’importance d’une telle journée. Que ce soit en intension, avec la passe, ou, en extension, avec la garantie.
La passe comme telle n’intéresse que le Discours Analytique. Le titre d’AE ne vaut que pour l’École. Certes, l’École de la Cause freudienne a été reconnue d’utilité publique. Mais, comme l’a souligné Jacques-Alain Miller, la psychanalyse n’est pas reconnue par le Discours du Maître et ne cherche pas à se faire reconnaître par lui. Toutefois, la psychanalyse conserve un lien avec le Discours du Maître par le biais de la garantie et du titre d’AME.
L’École refuse, a pu dire J.-A. Miller, de se soumettre. Mais il ne faut pas confondre, a-t-il précisé, insoumission et subversion. C’est par une force de subversion que la psychanalyse est en effet animée. J’ai trouvé éclairante cette mise au point que J.-A. Miller a faite par rapport à la relation entre le Discours analytique et le Discours du Maître. Cet éclairage a permis d’entendre de la bonne façon ce qu’Éric Laurent a fait remarquer à propos de ce qu’est devenue la situation de la clinique, notamment dans le champ de la psychiatrie.
Il est en effet utile de se faire une idée claire – ce qui n’est pas chose facile – au sujet de la manière dont le Discours du Maître intervient dans le domaine de la maladie mentale. Un Conseil national de la santé mentale, présidé par le sociologue Alain Ehrenberg qui a écrit un livre sur la dépression intitulé La fatigue d’être soi (c’est tout dire !), a été créé en 2016. Ce Conseil national, il convient de le noter, est en relation avec l’Observatoire sur le suicide, le Comité de pilotage qui se consacre à la psychiatrie et le Comité de suivi du plan autisme. Ainsi un réseau maladie mentale-suicide-psychiatrie-autisme a-t-il été constitué.
S’agissant de l’autisme, É. Laurent a mis en relief le désaccord qui a opposé la député PS du Loir-et-Cher Denys Robiliard (avocat) et le député LR Daniel Fasquelle (professeur de droit). La tentative de coup de force, effectuée par le député Fasquelle et visant à « interdire » et à « condamner » le recours à la psychanalyse pour le traitement de l’autisme, a provoqué, a pu dire J.-A. Miller, un traumatisme dans notre champ.
Un certain nombre de remarques très simples, très immédiates, qui ont été faites au cours de la Journée, ont retenu mon attention.
Christiane Alberti – une opposition apparaît entre le Discours de l’Analyste et le Discours du Maître. Dans le premier, c’est d’interprétation qu’il s’agit. Dans le second, c’est d’action dont il est question.
Parce qu’elle va à contre-courant, la psychanalyse peut ainsi être caractérisée par le fait qu’elle dérange.
Dès lors qu’une discipline semble ne pas se plier à la raison selon la Science, elle tombe, aux yeux du Discours du Maître, sous les coups du soupçon et du dénigrement.
Serge Cottet – La psychanalyse résiste. J.-A. Miller a repris cette remarque de S. Cottet : Elle est populaire en France. Le transfert est rétif à l’évaluation.
Philippe de Georges – L’enjeu qui est celui de la garantie est essentiellement à situer dans le fait que les psychanalystes se trouvent soutenus, dans leur pratique, par le contrôle. Le terme de soutien est à souligner.
Philippe La Sagna – L’articulation entre le lieu et le lien par le contrôle met en relation le transfert qui, en effet, fait lien à l’intérieur de l’analyse et le lieu que la psychanalyse occupe à l’extérieur de l’analyse elle-même.
Marie-Hélène Brousse – Le mot réalisme est un mot-clé de la politique lacanienne. La Science (au singulier) est à distinguer des sciences (au pluriel). Lascience (écrite en un seul mot) est devenue l’Impératif qui vise à la domination des sciences par la statistique, en tout cas, par le chiffre, par ce qui se compte.
Éric Zuliani – La question, qui ne manque pas d’inquiéter, se pose : Si la résolution Fasquelle avait été mieux informée, mieux argumentée, mieux rédigée, serait-elle passée ?
Bref, l’École est sur la brèche.