Quelle position peut prendre la psychanalyse dans la prise en charge des patients douloureux chroniques ? Pierre Ebtinger, dans le premier atelier sur la question du corps douloureux telle qu’elle peut être appréhendée par la médecine actuelle, nous plaça de plain-pied devant cette problématique. Consultant dans un centre traitant des patients douloureux, il nous livra quelques pistes de réflexion.
La douleur, lorsqu’elle est chronique n’incite pas à la verbalisation, elle est « muette », et cette difficulté n’est pas sans rapport avec un certaine modalité du rapport à l’Autre. P. Ebtinger nous proposa l’expression « mur du déni » pour décrire cette problématique, déni à entendre non pas comme un moyen de défense utilisé par le sujet mais comme une impossibilité pour le sujet à « reconnaître ce qui lui arrive ». Quelle que soit sa structure, le sujet peut être confronté à des situations où il ne pourra répondre avec les défenses que lui procurent habituellement sa structure : « événements qui le laissent sans voix, sans solution de l’ordre du fantasme, du scénario ou du délire ». Cette occurrence se rencontre lorsque le sujet est confronté à un Autre qui ne le reconnaît pas comme sujet de son énonciation, situation qui apparaît comme « typique de l’installation d’une douleur ».
Une vignette clinique l’illustre, qui présente le cas d’une jeune femme souffrant d’un point douloureux de la région pelvienne, se heurtant indéfiniment à l’impuissance de la médecine à la soulager ou à trouver une cause à son mal. Elle accède, grâce à sa rencontre avec un psychanalyste, à la possibilité d’un non savoir sur l’origine de sa douleur, et cette rencontre lui procure un premier soulagement comme il interrompt l’acharnement médical. La jeune femme s’interroge alors sur son mode relationnel à sa mère où toute demande de discussion de sa part entraîne chez la mère « une fin de non recevoir », celle-ci écartant les sujets qui la gênent et se sentant personnellement mise en accusation : il y a une fermeture radicale de l’Autre à la demande du sujet.
P. Ebtinger nous rappelle que l’énonciation est ce qui permet au sujet de se faire reconnaître dans sa parole mais dans ce cas « à la place d’un accusé de réception, le sujet reçoit un acte d’accusation ». Il rappelle enfin que cette symptomatologie ne peut pas être considérée comme un symptôme hystérique puisqu’il n’y a pas d’énoncé refoulé, mais pas non plus comme un événement de corps puisque son questionnement sur « l’énigme du sexe et de la féminité » ne se situe pas comme discours sans parole.
Ce texte rend compte de l’atelier « Corps douloureux et médecine» qui s’est tenu le 5 mars à Metz lors du colloque sur le Corps douloureux organisé par l’ACF-Est.