Hippolyte, vingt-neuf ans, est photographe dans le secteur industriel et commercial. Il vient au CPCT car, dit-il, il lui arrive d’être violent avec « sa copine ». Cherchant à comprendre ce qui le submerge dans ces moments là et influencé par sa copine, il attribue tout d’abord ces « problèmes de violence » à son père. Celui-ci, dit-il, a été « très tactile ». Il pense que c’est la raison pour laquelle il ne supporte pas qu’on le touche. Trouver un espace à l’abri de l’Autre qui se fait trop pressant serait ce qui le pousse à faire de la montagne, « pour respirer ». La consultation précédant le traitement avait permis l’épinglage de deux signifiants : le consultant lui avait demandé si son père était « ambigu » et Hippolyte avait répondu « non, trop proche ». Ce capitonnage avait arrêté la fuite du sens et orienté son rapport à l’Autre. Dans la suite des séances il laisse de côté ce qui concerne son père, pour s’engager dans un questionnement sur lui même et sur son rapport à sa compagne.
La raison des « problèmes de violence » apparaît assez vite comme une dépendance à ce qu’il entend comme une injonction venant de l’Autre et à une difficulté à dire ses sentiments. Le traitement fait apparaître que cela se produit quand il est dans l’incapacité de parler et que sa «copine veut » qu’il le fasse. Sommé de dire ce qu’il ressent, alors qu’il est dans l’impossibilité de le faire, il cogne car, comme il le dit : « d’un coup je passe de l’autre côté, perdu, dans le noir, égaré ». Au fil des entretiens il comprend ce qui se passe et décide de prendre les choses « autrement, en finesse ». Il parvient à dire à son amie qu’il ne peut pas lui répondre dans l’instant mais qu’il pourra le faire plus tard, « après sa séance ».
L’absence de fantasme pour traiter le féminin apparaît lorsqu’il raconte une scène qui l’a laissé perplexe : sa compagne le sollicite pour qu’il lui applique de la crème sur le corps. Il s’exécute, mais le fait du bout des doigts et la jeune femme proteste. Il applique alors la crème « brutalement », ce qui la fait pleurer. Me racontant cette scène, il dit : « Elle me fait une scène pour une moitié de main ! ».
Avec l’usage de l’appareil photographique, un circuit pulsionnel hors corps s’est mis en place. Il cadre ce qu’il voit et cela fait suppléance à l’appareillage du fantasme. Il peut ainsi avoir un certain regard sur les choses. Avec les retouches à l’écran il crée des nuances.
Il trouve ainsi, au cours de nos entretiens, une manière de traiter le réel avec des questions qui touchent au symbolique, ce qui se manifeste dans la relation avec sa compagne. Ils décident de faire ensemble des photographies de mariage. Il apporte la technique et elle sa sensibilité. Cette œuvre commune lui permet d’envisager leur relation sur un autre mode que dans un rapport duel. Le fait de faire quelque chose ensemble et d’y trouver une supplémentarité apaise leur relation.
La suppléance avec l’appareil de photo, construite dans un parcours antérieur au CPCT, l’avait beaucoup aidé. Elle lui avait permis de faire des études et d’avoir un métier, mais elle n’a pas suffi lors de la rencontre de l’Autre sexe et il est venu chercher au CPCT une solution pour traiter cette jouissance. L’efficace du traitement se trouve là pour lui : le psychanalyste est un partenaire dont la présence, soutenant son énonciation, lui permet de sortir du « noir », ces endroits où il n’y a pas de mots. Il m’a dit un jour que les séances c’était : « comme de faire des mots croisés », une façon de chercher des réponses à la perplexité qui l’envahit face aux demandes de sa compagne et de trouver des signifiants pour tenir l’Autre à distance.