Le CPCT-Parents de Rennes, dans ses principes et modalités, est un laboratoire. Il l’est pour les consultants qui se forment à l’éthique d’une pratique et à la rigueur qu’elle implique. Il l’est également pour ce qu’il enseigne de l’interprétation d’un signifiant – parent – et du rapport à la demande.
Un laboratoire sur le signifiant
En logifiant sans universaliser, il apparaît que le temps des consultations est une fenêtre ouverte sur le lieu d’adresse qu’est le CPCT à partir de son « offre », parent. Les traitements, eux, permettent de mesurer l’empan qu’il recouvre (au singulier) : le parent que le sujet est pour l’autre – où le S1 parent prend sa signification de s’articuler au S2 enfant. Cette dualité signifiante est souvent rabattue sur l’axe imaginaire. Certains sujets témoignent combien c’est la guerre à la maison : ils sont dans une rivalité avec leur enfant, s’estimant sur le même plan que ce dernier, etc. C’est la question du désir qui est alors soit recouverte par l’idéal soit forclose. Le réel, lui, est à l’avant-poste. Il y a aussi le parent dont le sujet reçu est l’enfant – ce point ouvre, à l’horizon, vers « l’autre scène1 » freudienne.
Le déni de l’inconscient est parfois prégnant pour les sujets reçus, du moins dans un premier temps – soit que la demande de conseil ou de solution avec laquelle ils viennent évite la question de leur mise et de leur place dans la situation, soit que l’absence de demande subjective traduise l’absence d’enjeu.
L’enjeu de la demande
Les demandes adressées au CPCT ont une teneur particulière. Elles sont davantage en prise sur ce discours particulier qu’est l’Autre de la prévention et de l’évaluation, sur l’idée de l’utilité sociale de parler. Ce principe utilitariste ne présuppose pas pour autant une demande au sens analytique du terme.
À une époque où « l’écoute est devenue […] un enjeu de civilisation2 », l’entrée dans le dispositif du CPCT impose une certaine attention, car, « contrairement au discours de la science, la psychanalyse ne se veut pas pour tous3 », indique Éric Laurent. Qu’elle ne soit pas pour tous ne signifie pas qu’il s’agisse d’exclure, cela veut plutôt dire que la psychanalyse « procède au un par un ». Il s’agit donc de trouver le point de réel qui fasse demande, la possibilité d’une responsabilité subjective en devenir. Dans une actualité où la demande est bien souvent impérative, ravalée, refusée, anticipée ou déniée, il s’agit de faire émerger, avec l’appui du transfert, une énonciation. Le temps de la consultation veille à ce que de l’urgence à parler s’isole une demande permettant d’établir la « prescription détaillée4 » nécessaire au traitement.
La formulation d’une demande se fait dans une adresse. Si le sujet dévoile le signifiant du transfert – ce signifiant qui, s’il est quelconque, n’en nécessite pas moins d’être repéré –, il le fait en s’adressant à un Un qui n’est pas anonyme, mais présent.
Le temps d’advenue d’une demande est parfois long, il peut prendre seize séances comme ne pas advenir en ce lieu et en ce temps logique où la personne appelle. Le temps de la consultation ne peut dès lors être programmé à l’avance : c’est un drame pour le protocole, mais une aubaine pour l’orientation analytique, qui ne s’effraie pas du malentendu.
Le pari du consultant lorsqu’il passe en traitement la personne reçue est un pari fondé sur la mise et l’enjeu formulés par le sujet. Pourtant, cela ne se mesure que dans l’après-coup. C’est un enseignement, celui d’une éthique qui tient compte des conséquences plutôt que de l’intention5.
Romain Aubé
[1] Fechner G. Th., cité par S. Freud, in L’Interprétation des rêves, Paris, PUF, 2013, p. 589.
[2] Miller J.-A., « De l’utilité sociale de l’écoute », Le Monde, 30 octobre 2003.
[3] Laurent É., « La culture des mauvais traitements », Lacan Quotidien, no 930, 2 juin 2021.
[4] Miller J.-A., « Lieu Alpha », in Perrin Chérel M. (s/dir.), Être parents au 21e siècle. Des parents rencontrent des psychanalystes, Paris, Michèle, 2017, p. 25.
[5] Miller J.-A., « L’acte entre intention et conséquence. La politique de l’École », La Cause freudienne, no 42, mai 1999, p. 7-16.