S’approchant de la fin de son Séminaire L’Éthique de la psychanalyse, après son effort colossal de poser les bases d’une éthique qui serait propre à la psychanalyse, Lacan nous parle d’Antigone. Cette tragédie de Sophocle donne sa juste portée à la formule qu’il avancera peu après : la seule chose dont on peut être coupable, c’est d’avoir cédé sur son désir.
Antigone, s’avançant seule et sans hésitation vers la mort, nous fait toucher du doigt la radicalité de ce que veut dire ne pas céder sur son désir. Elle ne cède rien. Elle veut enterrer son frère mort et est prête à en payer le prix : la mort si nécessaire.
Une femme maudite qui ne recule pas devant la mort, est-ce là le modèle que Lacan nous donne de celui qui suit la voie du désir ? De par sa radicalité, Antigone nous permet d’apercevoir – et, en tant que spectateur, d’éprouver – à quel point la voie du désir s’oppose au service des biens, à l’éthique du juste milieu, à la réconciliation des intérêts contradictoires, même au principe de plaisir.
Dans ce numéro de l’Hebdo-Blog, vous trouverez trois textes qui proposent autant d’axes distincts à partir desquels répondre à la question de savoir ce qu’Antigone nous enseigne encore. Clotilde Leguil nous fait saisir la manière dont cette héroïne, par son acte, ne cède pas à la malédiction qui pèse sur sa lignée, celle qu’Œdipe avait prononcée : ô, n’être jamais né. Annie Ardisson indique le point où le désir vise l’au-delà du principe de plaisir, et qui, chez Antigone, n’est pas sans évoquer la folie féminine. Enfin, Nayahra Reis s’intéresse à ce qui distingue l’entêtement de Créon du volontarisme de sa nièce, et relève que c’est en tant qu’il est pur que le désir d’Antigone se distingue de celui de l’analyste.
Voici qui justifie de revenir, encore, sur ce « classique ».
Bonne lecture !
Adriana Campos