Fanatismes et violences contemporaines recouvrent un vaste champ d’une actualité brûlante, notamment, depuis les événements du 7 octobre 2023, en Israël. Ils sont le nom d’un symptôme du malaise dans la civilisation qui ne cesse de se réitérer et dont Freud témoignait déjà face à la montée du nazisme. Confrontés aux déchaînements de la pulsion de mort, qu’aucun amour du prochain ne peut endiguer, comment pouvons-nous faire signe à ce qu’il reste d’humanité dans nos sociétés ?
Trois psychanalystes ont accepté d’interpréter le thème proposé donnant ainsi une touche personnelle, là où l’impossible à dire l’horreur pourrait confiner à une sidération silencieuse. Les violences, notamment chez les jeunes, sont-elles véritablement en expansion convoquant les pouvoirs publics à légiférer trop rapidement sans laisser place à la profondeur d’une réflexion ? Faire groupe, sous l’égide d’un Idéal commun qui annihile toute singularité, ne vient-il pas cristalliser une haine contre cette étrangeté à soi-même ? Faire appel au signifiant nazi, signifiant de l’Histoire incarnant le Mal absolu, pour justifier l’injustifiable et l’utiliser comme arme de guerre, est-il une façon là encore d’occulter le réel en jeu ?
Pour ouvrir davantage notre réflexion, nous nous sommes entretenus avec Gilles Kepel, à partir de son dernier livre : Holocaustes : Israël, Gaza et la guerre contre l’Occident. Un ouvrage qui nous transporte dans cette région du globe, berceau des trois religions et théâtre du pire que l’on pensait déjà avoir vécu. Un récit qui vient éclairer de manière édifiante la complexité de ce qui s’est noué entre idéaux religieux et politiques souvent dans une confusion des deux, balayant sans complexe l’historicité des événements. L’exaltation de l’exercice de la cruauté qu’aucune répression ne pourra annuler ne s’éclaire que si l’on se réfère à la déshumanisation portée par un modèle religieux non historicisé.
Ce livre, écrit dans les mois qui ont suivi les événements du 7 octobre, corrobore l’importance pour le discours analytique d’une historisation dont il s’agit, pour le psychanalyste, de se servir pour pouvoir ensuite s’en passer. Un danger menace la connaissance et nos démocraties, celui d’une histoire revisitée, décontextualisée qui devient alors une dictature de la pensée, sans dialectique possible laissant la porte ouverte aux extrémismes de tout bord.
Corinne Rezki