Ce texte nous montre que le désir de contrôle est bien présent chez le contrôleur. En particulier en posant le problème des demandes de « supervision » qui lui sont adressées. La solution est peut-être dans un contrôle qui fait valoir une clinique de l’incomparable présent dans chaque cas. Quand il s’agit de contrôler une analyse, il s’agit d’autre chose : « obtenir le consentement du praticien » à se tenir dans la position requise.
Philippe La Sagna
Dans son cours « Le lieu et le lien », Jacques-Alain Miller parle du contrôle comme le lieu où se vérifie le « lien de l’analyste à la psychanalyse comme partenaire » [1].
Si, comme pour l’analyste, on ne se retrouve à la place du contrôleur qu’en s’autorisant de soi-même, c’est souvent par les détours du transfert qu’un jour on est sollicité pour occuper cette place pour quelqu’un. Cependant, à cette sollicitation, il faut pouvoir consentir et porter la responsabilité qu’elle implique. Car on ne s’autorise qu’après un certain trajet analytique nous permettant de nous tenir à la place de l’analyste et de forger notre lien à la psychanalyse comme partenaire.
Le discours analytique peut être opératoire et pertinent pour une multiplicité de demandes et d’espaces d’accueil qui ne sont pas la psychanalyse proprement dite. Le contrôle, dans un sens très large du terme, est là un outil essentiel pour garder la boussole de l’orientation analytique.
Ce qui a précédé ma pratique actuelle du contrôle a été celle de la supervision des pratiques de futurs psychologues qui venaient comme stagiaires dans le service de psychiatrie du Val-de-Grâce où j’exerçais. Notre pari était de les confronter directement à l’expérience des entretiens avec des patients hospitalisés. Cela impliquait d’en faire un suivi rigoureux qui, bien que n’étant pas un contrôle analytique au sens de l’expérience, était orienté explicitement depuis la perspective analytique. Je me suis ainsi forgé une façon de faire qui visait à transmettre la possibilité d’une écoute au cas par cas, au-delà des standards cliniques.
Deux axes ont guidé ma manière de soutenir cette rencontre : la nécessité de construire le cas et l’importance de la position du praticien.
En ce qui concerne le cas comme pivot, s’il ne fallait pas négliger le diagnostic, l’idée était de le dépasser pour viser l’incomparable. S’il s’agissait d’essayer de construire le cas, en passant par la clinique du détail, cela cherchait à viser la singularité du sujet dans son rapport à la jouissance.
Intervenir sur la position du praticien, qui est toujours à manier au cas par cas, aspirait ou cherchait à leur faire au moins apercevoir « de quelle façon [ils pouvaient être] attrapé[s] dans l’affaire » [2], mais aussi que, au-delà des premiers entretiens, il n’était pas simple de soutenir le questionnement d’un sujet ni de maintenir une position dans la durée.
La demande de contrôle analytique en cabinet, avec le lien transférentiel qu’elle implique, change la donne. Bien que le travail autour du cas demeure un préalable, il y a nécessairement une attention différente portée sur la position de l’analyste et sur ce qui peut empêcher le bon déroulement de la cure. Au-delà du cas présenté, la question est de viser le consentement du praticien à se tenir à la place qui permet au sujet de produire ses signifiants-maîtres et à supporter d’en soutenir l’acte.
Cependant, s’il faut interpréter la position de l’analyste, cela ne revient pas à interpréter le sujet qu’est l’analyste. Car s’il y a de l’analytique dans le contrôle, le contrôleur n’est pas à la place de l’analyste. Comme le dit Serge Cottet : « si c’est l’analyse personnelle qui fait émerger le désir de l’analyste, le contrôle contribue à son mûrissement » [3]. La position de l’analyste doit être soutenue par le désir de l’analyste, par ce qui l’oriente, par ce qu’il vise. C’est cela qui assure la constance d’une position permettant à la surprise de l’interprétation et de l’acte d’avoir lieu.
Victoria Horne Reinoso
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[1] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Le lieu et le lien », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 15 novembre 2000, inédit.
[2]. Ibid.
[3] Cottet S., « Autonomie du contrôle », in Miller J.-A., « La confidence des contrôleurs », débat avec V. Baio, H. Tizio, R. Barros, S. Cottet, J. Chamorro, É. Laurent, La Cause freudienne, n°52, Paris, novembre 2002, p. 121-166.