Depuis mars dernier, Jacques-Alain Miller a pris place sur l’agora moderne appelée Twitter, qui telle l’agora de la Grèce antique fonctionne comme lieu de rassemblement social, politique et mercantile de la cité, mégalopole virtuelle mondiale. C’est là où l’on apprend les nouvelles et où se forment les courants d’opinion. JAM y intervient en français, anglais et espagnol. Plus de douze mille abonnés suivent @jamplus, le plus souvent passivement mais une énigme lancée récemment a révélé que de nombreux tweetos silencieux suivent avec attention et répondent activement s’ils sont sollicités. JAM a trouvé là un espace d’ouverture et de respiration tout en restant chez lui, attaché à sa « pratique sans valeur » [1]. Les deux campagnes électorales, présidentielle puis législative, l’ont poussé à investir cet espace public et à s’y installer psychanalyste de la vie politique française et internationale.
JAM n’est pas d’un parti, il ne soutient aucun camp, mais il critique, analyse et soulève les voiles. Il est du Champ de Freud et de Lacan. Sorti de l’ombre de son bureau, il surprend tel le Commandeur s’adressant à Don Juan. Certains se demandent pourquoi tant d’énergie déployée sur ce réseau social, pourquoi sortir de la neutralité soi-disant requise pour le psychanalyste [2]. Il n’est d’ailleurs pas simple de le suivre si l’on n’est pas habitué du lieu. Cela circule vite, tel l’acte qui fuse. Un coup de sabre par ici, un coup d’épée par là, les armes de l’ironie et de la comédie sont toutes sorties : il pique, assomme, étripe ses adversaires, les mirmidons, montés à l’attaque depuis la publication de l’article du Point [3]. Il continue ensuite avec l’armée des petits néonazis antisémites qui veulent méconnaître leur saloperie. L’un après l’autre, il les renvoie à leur crasse indigne.
Mais JAM a un bouclier extraordinairement puissant, résultat de son analyse, l’absence de narcissisme. Il est imperméable aux coups bas, aux insultes, aux médiocres attaques. Au contraire, il s’en moque, s’en amuse et s’en nourrit pour répartir de plus belle. Seule sa muse le tyrannise…
Hebdo-Blog a voulu consacrer un numéro à l’acte analytique et politique de JAM sur Twitter afin d’en donner une lecture. Deux des flèches choisies sont tirées des messages postés sur Twitter, une autre est extraite de la Journée UFORCA [4] au cours de laquelle il donna une clé pour comprendre son action politique sur le réseau social de l’oiseau en vol.
Katty Langelez-Stevens
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[1] Lacan J., « Vers un signifiant nouveau », Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 19 avril 1977, Ornicar ?, n°17/18, printemps 1979, p. 16.
[2] À ce sujet, lire le développement que Jacques-Alain Miller fait lors de son cours donné le 24 juin 2017 : Miller J.-A., « Point de capiton », La Cause du désir, n°97, novembre 2017, p. 87-100.
[3] Miller J.-A., « Lacan aurait reconnu en Mélenchon une canaille », Le Point, 9 juin 2022.
[4] Colloque UFORCA, « Problématiques contemporaines de la sexualité », 18 juin 2022, en streaming.