Dans « Position de l’inconscient », Lacan soulignait déjà que « ce n’est pas l’effet de sens qui opère dans l’interprétation, mais l’articulation dans le symptôme des signifiants (sans aucun sens) qui s’y sont trouvés pris »[1].
Savoir lire autrement, au-delà du sens et des fictions de l’être, consiste à serrer le réel en s’orientant sur S(Ⱥ), le signifiant manquant qui est « godet prêt toujours à faire accueil à la jouissance »[2]. Si l’analyste utilise l’équivoque, c’est qu’elle dissout le sens et ouvre à la motérialité de l’inconscient en faisant résonner lalangue du côté de l’équivoque généralisée.
Le désir de l’analyste, tel que J.-A. Miller l’a redéfini à l’occasion du Congrès de l’AMP « Un réel pour le XXIe siècle », « nous apparaît comme un désir d’atteindre au réel, de réduire l’Autre à son réel et de le libérer du sens »[3].
Comment user de la parole pour libérer l’analysant du sens et faire résonner dans le corps parlant ce qui relève de l’événement troumatique ?
On pourrait penser que quelque chose vient s’inscrire à la surface du corps comme première trace. « Eh bien non ! Le mode d’inscription, c’est un trou, insiste Éric Laurent. La marque réelle […] [est] quelque chose qui s’inscrit comme un trou, un blanc fondamental, comme un impossible à se rappeler »[4].
La fonction de la nomination est ici essentielle. Ce n’est pas la passion de la vérité qui permet d’atteindre au réel mais le désir de nommer, jusqu’à atteindre le point limite où échoue toute nomination. Le paradoxe a été souligné par J.-A. Miller dans son enseignement : nommer c’est combler, mais avec un trou. Ce que Lacan énonce en ces termes : « J’essaye de me réduire à ne nommer que ce que j’appelle avec Freud l’Urverdrängt, ce qui se résume en somme à nommer le trou. C’est partir de l’idée de trou. C’est dire, non pas Fiat lux, mais Fiat trou. »[5]
[1] Lacan J., « Position de l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 842.
[2] Lacan J., « Lituraterre », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 19.
[3] Miller J.-A., « Un réel pour le XXIe siècle. Présentation du thème du IXe congrès de l’AMP », La Cause du désir, n°82, octobre 2012, p. 94.
[4] Laurent É., « L’inconscient et l’événement de corps », entretien, La Cause du désir, n°91, novembre 2015, p. 25.
[5] Lacan J., « Des religions et du réel », La Cause du désir, n°90, juillet 2015, p. 12.